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    Doillon : "Je lâche pas l'affaire !"

    A partir de photos de ses films, l'auteur têtu du "Premier venu" revient sur son oeuvre, et parle de son travail avec les comédiens, de Gérald Thomassin à Judith Godrèche en passant par Juliette Binoche.

    La Pirate (1984) / Laure Marsac et Philippe Léotard

    La petite Laure Marsac, qui faisait là son premier film, était remarquable. Son regard de myope qu'on aime tant est formidable. Quand elle met en joue sa mère, elle a un regard inouï. Elle a été admirablement présente sur le tournage, très vigilante tout le temps, jamais je n'ai été déçu par ce qu'elle faisait. Et puis il y a Philippe Léotard qui était dans des états pas possibles, qui prenait absolument tout ce qu'il fallait pour se détruire. Si j'avais pris le dixième de ce qu'il prenait, j'aurais tenu une heure ou deux, pas plus. Mais le plus extraordinaire, c'est que quand il s'agissait de tourner, il était présent, d'une vivacité, d'une intelligence remarquables. A chaque fois que je le voyais, je me disais : "Mais il n'est pas en état de tourner !", et puis on commençait la scène, et il était formidable. Je n'ai jamais compris ça. C'était pas rien, ce qu'il s'avalait -et pas seulement ce qu'il s'avalait. Il n'était jamais dans sa chambre. On essayait de le suivre, ce qui n'était pas facile -un assistant était chargé de ça. Quand il n'en pouvait plus du tout, il tombait, et s'endormait pour 2, 3, 4 heures, et il repartait pour un grand tour.

    Avec un enfant un peu doué, on a forcément de la suprise

    Quel était son plan, à Philippe ? Prendre sa part d'enfance, l'utiliser à plein, et oublier qu'il était vaguement adulte. Donc je pense que c'était plus facile pour lui de tourner avec un enfant qu'avec un adulte. Les comédiens professionnels "classiques" sont un peu effrayés face aux enfants, parce qu'ils ont leurs codes, et ne cherchent généralement pas à se mettre en péril. Avec un enfant un peu doué, on aura forcément de la surprise, de la vie très très vivante, et donc pas une maitrise totale de ce qui peut se produire. En simplifiant, un enfant, ça ne met en danger que les mauvais acteurs. Ce que les enfants de mes films ont en commun, c'est leur obstination. A dire vrai, je ne pourrais pas faire des films avec des personnages qui n'auraient pas cette volonté, cette audace, des personnages qui seraient dans l'indifférence, le "à quoi bon ?".

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