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    "John Rambo" par Stallone

    La guerre, la violence, la Birmanie, la spiritualité, le cinéma, Jason Bourne, Arnold Schwarzenegger, George W. Bush : à l'occasion du retour de Rambo, Sly se confie...

    Sly vous répond !

    Trop vieux pour ces conneries ? (question de harsilwenn & John Citron)

    En théorie, vous avez raison. Mais chacun d'entre-nous est confronté un jour à une question cruciale : votre coeur, votre âme, sont-ils toujours aussi jeunes ? Est-ce que vous avez toujours cette passion en vous ? Personnellement, j'ai encore plus cette force aujourd'hui que quand j'avais 40 ans. Mais je comprends ce genre de réaction... Je me souviens, quand je tournais Les Faucons de la nuit (1981) : j'avais 31 ans, et je jouais aux côtés de Billy Dee Williams. Il avait 42 ans à l'époque, et ça me semblait vieux ! Du coup, je peux imaginer un jeune de 25 ans se dire "Stallone a 61 ans ???" (Rires) Mais une fois passé ce choc, dès qu'ils rentreront dans le film, ils oublieront : ils verront que ce n'est pas un Rambo en débardeur, que ce personnage est vraiment devenu une bête solitaire. Il faut simplement accepter de rentrer dans le film. En tout cas, c'est fou cette situation, car c'est presque une expérience, je ne sais pas si ça a été fait avant de retrouver un personnage vingt ans après... C'est fou ! Mais il y a un message là-dedans : il faut être un peu fou justement ; si on ne l'est pas, on ne prend pas de risques ; et si on ne prend pas de risques, on ne sait pas ce qu'on peur rater...

    A propos d'un nouveau Rambo (question de Compt Olaf & Morgan)

    Au départ, je ne pensais pas que c'était une bonne idée. Je savais que certains se moqueraient... C'est normal ! Si on me disait qu'ils préparent Le Parrain 8, ça me ferait rire ! C'est une réaction normale. Et puis en y réfléchissant, je me suis dit que si Rocky Balboa tenait la route, pourquoi pas essayer. Au départ, je ne voulais pas refaire ce type de films : je voulais essayer de faire quelque chose de plus conceptuel, de plus artistique. Mais quand j'ai vu ce qui se passait en Birmanie, je me suis dit qu'il fallait dire et montrer la vérité sur ce pays, faire un film qui fasse réagir les gens. Quelque chose de violent et de vrai, où l'on voit les femmes et les enfants se faire massacrer, où l'on voit la sauvagerie qui ravage ce pays... Vous n'imaginez pas comment c'est vraiment là-bas ! Ils en sont revenus au cannibalisme ! Quand vous tuez votre ennemi, vous en mangez un morceau... Il fallait montrer et dénoncer ça.

    Un film engagé ? (question de Dr.Jones)

    Premièrement, je trouvais intéressant que Rambo vive dans la jungle : il était un peu comme chez lui au Vietnam, c'est là qu'il a laissé son âme en quelque sorte. Deuxièmement, personne ne s'intéresse à la Birmanie. Alors que c'est sans doute le pire endroit au monde. 60 ans de génocide sans que personne ne fasse rien et n'y prête attention : même les Nations Unies ne font rien. On laisse ce pays de côté... Je ne devrais sans doute pas le dire, mais en 1995, la Birmanie a accueilli sur son territoire un gigantesque gazoduc : qui l'a construit selon vous ? Dick Cheney, notre Vice-Président, via Halliburton ! On dirait que tout le monde s'acharne sur ce pauvre pays ! Donc plus j'y pensais, plus il me semblait important de parler de la situation là-bas. Ce n'est pas comme l'Irak, dont on vous parle régulièrement... Là, on plonge Rambo, une âme perdue, rongée par la culpabilité, dans cet enfer. Il est devenu comme une bête, un animal... Il a tout donné pour son pays, et aujourd'hui il hait tout le monde. Et puis cette fille, cette missionnaire apparaît : un peu comme dans les vieux films d'aventures à la King Kong, elle va représenter pour lui un ultime petit rayon d'espoir. On ne parle pas d'amour ici, mais un homme comme Rambo a besoin d'avoir quelqu'un à protéger.

    A propos des USA (question de Céline)

    J'aime mon pays. Même si je sais qu'il est dirigé par des abrutis. C'est comme être dans une super école mais que les professeurs sont stupides : vous aimez quand même votre école. Il va simplement falloir qu'on trouve des ajustements pour améliorer les choses. Mais Rambo, lui, a laissé son pays derrière lui. Ou plutôt c'est son pays qu'il l'a abandonné, qui ne veut pas de lui. Je le vois un peu comme Frankenstein : ils ont fait de lui ce qu'il est, ils l'ont façonné, et maintenant ils ont peur de lui. Lui est neutre en quelque sorte... Mais pour vous répondre, j'ai coupé un dialogue au début du film, car je trouvais que Rambo parlait trop. Mais quand il est sur le bateau avec la fille, il lui disait : "Vous ne pouvez rien changer au monde. Le monde est ce qu'il est. Il y a des guerres partout, c'est dans notre sang, c'est quelque chose de naturel pour l'Homme. Les vieux déclarent des guerres, les jeunes les font, tout le monde meurt, personne ne dit la vérité et vous pensez que Dieu va changer toute cette merde ? Jamais. Rentrez chez vous." Bon, clairement Rambo ne peut pas dire ça ! (Rires) Mais vous verrez cette scène sur le DVD. Mais dans l'idée, Rambo comprend qu'il a été utilisé par ceux qui déclarent les guerres pour que de jeunes les fassent et y meurent.

    A propos de la religion (question de El_Tocardo)

    Dans toute religion, il y a toujours cette idée de "Dieu nous protègera". Vraiment ? Non. Ce sont des guerriers, des hommes qui vous protègent et vous sauvent la vie. Les religions ont besoin de leurs Croisés pour se battre et protéger les gens. Il y a une vraie dichotomie selon moi : il y a les religieux, et il y a les guerriers. Dans le film, Rambo dit qu'on envoie le Diable faire le travail de Dieu. Vous avez Rambo qui ne croit plus en rien. Vous avez des mercenaires, cyniques et à vendre, sans âmes. Et puis enfin vous avez les missionnaires qui prêchent la bonne parole et qui pensent que le monde sera en paix si on fait en sorte de s'aimer les uns les autres. Chaque approche est très naïve finalement. Mais au final, ils doivent travailler ensemble pour se sauver les uns les autres. Une seule de ces approches ne fonctionne pas... Il y a donc de nombreux niveaux de lectures, même si c'est traité assez rapidement vu la durée du film : du coup, beaucoup de gens ne les voient pas. Après, je ne veux pas donner des leçons, mais il y a de ça dans le film... Pour en revenir à la Birmanie, les militaires de la junte sont très religieux. Et en même temps les plus sauvages. Vous savez ce qu'ils font : quand ils construisent une nouvelle maison, les généraux ont pour coutume de couler un enfant vivant dans le béton ! Pour porter bonheur au nouveau bâtiment ! Pour eux, c'est quelque chose de bien spirituellement parlant. Mais je ne pouvais clairement pas mettre ça dans le film...

    La plus grande défaite de Sly (question de Ulhyan)

    La plus grande guerre que j'ai perdue ? Sans hésitation, je dirais qu'il y a eu une époque de ma vie, en 1985, où j'étais très célèbre et où on m'a donné 300 millions de dollars pour faire dix films. Avec une liberté totale, le choix des équipes, le final cut... C'était incroyable ! Même Spielberg n'a jamais eu droit à ça. Et j'ai merdé. Je n'ai pas fait assez attention, je n'ai pas choisi les bons films, je n'ai pas travaillé avec les bonnes personnes, je ne prenais pas les bonnes décisions... Mais c'était une opportunité unique de pouvoir tout contrôler comme ça : j'ai eu la chance, durant cette brève période, d'être quasiment mon propre studio et de pouvoir donner MA vision, sans interférence. Mais bon, j'ai merdé... Mais que voulez-vous, c'est ce qu'on appelle des erreurs de jeunesse.

    A propos du remake du "Justicier dans la ville" (question de JEFF & MONTANI Flo)

    Il y a remake et remake. Quand on revoit le film original aujourd'hui, il semble presque naïf par rapport à ce que notre société est devenue. Le méchant, c'était Jeff Goldblum ! Aujourd'hui, il y a des gangs, des pédophiles, des sadiques... C'est devenu une vraie jungle. Et a mes yeux, pour que ça fonctionne, mon personnage ne peut pas être libéral, pas être un gentil père de famille qui prend les armes, plein de culpabilité... L'idée intéressante serait de... Disons par exemple qu'il est à la tête d'une entreprise de construction. Il a travaillé dur, et il est devenu son propre patron. Un jour sa famille est massacrée. Et là, il sombre dans la dépression, il ne sort plus de chez lui pendant six mois... Et j'ai cette image de lui dans sa cave, en train de se laver les mains, et d'effacer ses souvenirs pour ainsi dire, et quand il remonte ses manches, on découvre ses tatouages. Des tatouages qu'il s‘était fait faire en prison. Ce type était un criminel, il est allé en prison, il s'est bien comporté, il a payé sa dette à la société, a fondé une famille, et il se rend compte que cette même société laisse faire ça à sa famille... Il devient un loup, un prédateur en chasse, avec une vraie sauvagerie. Et il sait comment fonctionne l'esprit d'un criminel. Il n'éprouve aucune culpabilité, aucune compassion. Il prend aussi pour cibles les juges, les avocats, ceux qui ont laissé faire ça... Je ne sais pas quelle est la situation en France mais aux Etats-Unis le crime est en augmentation à cause de ce chaos et de ce système qui fait qu'on remet les criminels en liberté : à partir du moment où ils payent, les criminels sont autorisés à sortir. C'est dingue ! Donc ce sera un film vraiment différent.

    Votre fin préférée ? (question de Compt Olaf)

    Sans hésiter, je dirais celle de Rocky Balboa. C'est un vrai au revoir, plein d'émotion... Et à la fin, quand Rocky fait ce signe et disparaît, on se demande s'il a vraiment existé. Pour moi, Rocky est un conte de fées. Et quand il fait ce signe à la fin du dernier film, c'était pour suggérer au public que Rocky n'a finalement jamais existé. C'est un conte américain.

    A propos de "Rambo 5" ? (question de VICTOR, RockYoun, JVSM & Spider-Fan68)

    Quant à Rambo, c'est un voyage différent pour ce personnage. Et j'adorerais retrouver une nouvelle fois ce personnage : maintenant qu'il est rentré chez lui, pour la première fois depuis 30 ans, ça peut être intéressant. Mais je ne veux pas d'une nouvelle guerre : je voudrais le confronter aux changements de son pays. Mais la pire choser à faire serait de le voir remettre de l'ordre dans une ville tombée aux mains de gangs et de trafiquants de drogue. Ca peut fonctionner comme ça peut être un désastre. Mais j'ai envie de plancher là-dessus... Ma vie est pleine de désastres de toute façon... (Rires)

    A propos du Gouvernator (question de Antherieu)

    Arnold m'a dit qu'il voulait revenir au cinéma. Mais comme réalisateur. Et je lui ai dit : "Tu n'a jamais réalisé un seul film !" (Rires) Mais en même temps, il en est capable ! Il a dit qu'il voulait être Gouverneur, il l'a été. C'est une vraie machine. Il a été Mister Univers, il a été la plus grande star au monde, il a été Gouverneur de Californie, il aurait eu ses chances à la Présidence américaine... Il est incroyable. Je ne pourrais pas faire de politique, nous sommes très différents l'un de l'autre. Mais c'est la première personne à qui j'ai montré John Rambo... Mon plus grand adversaire !

    Propos recueillis par Yoann Sardet à Paris le 31 janvier 2008

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