AlloCiné : Après votre première réalisation, "La Première fois que j'ai eu 20 ans", vous avez choisi de réaliser "Mes amis, mes amours". Qu'est-ce qui vous a séduit dans ce roman plus que dans les autres ?
Lorraine Levy : Mes amis, mes amours est le livre de Marc Lévy que je préfère. C'est celui qui me parle le plus. Pour avoir envie de faire un film à partir d'un livre, il faut que le livre fasse déjà partie de votre propre univers. Il y avait dans Mes amis, mes amours des thèmes qui me sont chers et des questions que je trouve fortes, comme "L'amour et l'amitié sont-ils compatibles ?" Il y avait des histoires que j'avais envie de raconter.
Quand avez-vous décidé de l'adapter ?
Quand Marc Lévy et Dominique Farrugia me l'ont demandé. Dans un premier temps, il n'était pas question que je le réalise. Et puis, ils m'ont proposé de le réaliser. Comme je m'étais beaucoup attachée à l'histoire en adaptant le roman, j'ai accepté.
Comment avez-vous choisi les personnages de Mathias et d'Antoine ?
A partir du scénario, il y a pour moi des évidences de casting. Vincent Lindon (Mathias) était une évidence. Je me suis beaucoup attachée à lui pendant ce projet. Pour Antoine, Pascal Elbé me semblait, aussi, un choix formidable. Il fallait composer un couple, un tandem, et trouver deux comédiens très différents, de nature presque opposée. Il fallait aussi que de ces différences puisse naître une alchimie charismatique, drôle et tendre. Je crois que c'est réussi.
Les femmes ont un rôle très important...
Comme dans la vie... Autour de Mathias, il y a deux visages féminins. La femme qui est devant lui, la rencontre, Virginie Ledoyen (Audrey). Et la femme du passé, qui s'appelle Valentine dans le livre, et qui est interprétée par une comédienne espagnole que je trouve exceptionnelle, Mar Sodupe. C'est un personnage que j'ai rendu plus présent. Je trouvais intéressant de montrer un homme déchiré entre une histoire d'amour qui s'achève et une histoire d'amour qui commence. Par rapport au livre, j'ai davantage accentué le fait que le personnage de Mathias se débatte entre la vérité et le mensonge. Il opte souvent pour le mensonge, histoire de faire plus simple alors que c'est toujours beaucoup plus compliqué... Le personnage joué par Florence Foresti, celui de la fleuriste (Sophie), est prépondérant. Il est très proche de nous de par ses fêlures. Il y a enfin Yvonne (Bernadette Lafont), qui est une sorte de mère symbolique.
Parlez-nous précisément du choix des quatre comédiennes...
Pour Virginie Ledoyen je voulais une comédienne qui ait beaucoup de glamour, qui soit presque hitchcockienne. Je trouvais intéressant que l'on sente le feu sous la glace comme disait Hitchcock. Avec Virginie, nous avons travaillé dans ce sens. Elle apporte infiniment de séduction et de retenue à Audrey.
Par contre, pour le personnage de Valentine interprété par Mar Sodupe, je voulais une comédienne qui joue davantage l'aspect charnel. Avec Mathias, ils ont été mariés, leur histoire a duré une dizaine d'années, ils ont fait un enfant. Ils sont séparés mais ils ne sont pas ennemis, et de temps en temps ils passent une nuit ensemble. C'est une relation que je voulais très charnelle. J'avais envie que le spectateur retrouve des situations que l'on a tous déjà vécu directement ou indirectement, coincé entre une histoire terminée qui ne l'est pas encore tout à fait et la vie qui nous entraîne dans une histoire qui démarre. C'est à la fois inconfortable et beau comme situation. Je trouvais que c'était un plus, sur un plan romanesque.
Pour le personnage de Sophie, je voulais une actrice qui soit capable de nous faire rire, car c'est un personnage de comédie, et qui puisse en même temps nous émouvoir. Je voulais avoir les deux facettes, l'émotion et l'humour. Je connaissais davantage Florence Foresti par l'humour. C'est quelqu'un qui me fait rire immédiatement. Elle a un vrai génie comique, qui m'évoque souvent celui de Louis De Funès. Mais je pressentais très fort une grande puissance d'émotion. Quand on a, à ce point, le sens de la dérision, c'est qu'on a le sens du tragique. L'humour est une façon de mettre à distance la douleur. Je n'ai pas été déçue. Quand je l'ai contactée pour lui proposer le rôle, on m'a dit que cela n'allait pas être possible car elle allait accoucher au moment du tournage. Finalement, Florence a eu la gentillesse et le fair-play d'accoucher un peu plus tôt, et cela a pu se faire.
Enfin, le choix de Bernadette Lafont dans le rôle d'Yvonne s'est imposé à moi dès l'écriture du scénario. Il fallait une comédienne qui apporte au personnage une profonde humanité.
Comment s'est déroulé le casting pour les personnages des enfants, Emily et Louis ?
J'ai trouvé deux enfants absolument épatants, Garance et Tom, qui crèvent l'écran. Je voulais des enfants qui soient justes sans être des enfants qui récitent. J'ai rencontré, au cours de mon casting, des enfants vraiment bien mais qui ne pouvaient pas être mes personnages. Je trouvais dommage de les laisser passer, du coup, j'ai écrit d'autres rôles pour les enfants qui m'ont été directement inspirés du casting que j'ai fait avec eux. Je me suis dit dans le fond qu'Emily et Louis devaient avoir des amis. C'était intéressant, aussi, qu'entre eux ils se parlent de ce que vivent les adultes. J'ai toujours été très séduite par la façon dont les enfants se représentaient le monde adulte, et du coup il y a des petits débriefings entre eux de la situation qu'ils vivent.
Etes-vous restée proche du livre dans votre réalisation ?
Je n'ai pas fait une adaptation littérale du livre. Les gens qui ont aimé le livre, et je sais qu'ils sont nombreux, vont faire un autre voyage avec les personnages et l'histoire qu'ils ont aimés. Mais j'ai tout fait pour que l'univers du livre, son charme, se retrouvent dans le film. Je n'avais pas du tout envie de le trahir. Je suis beaucoup plus proche du roman que Spielberg ne l'avait été avec l'adaptation de Et si c'était vrai.... Mais encore une fois, ce n'est pas une adaptation littérale. Un film a son écriture propre et j'ai fait des choix. Par exemple, j'ai voulu que l'histoire soit racontée du point de vue de Mathias. Le personnage de John Glover est différent, celui d'Enya n'existe plus. Ce qui est amusant, c'est de s'emparer de l'univers d'un autre qui vous ressemble et de lui donner une autre couleur.
Comment se déroule votre travail d'adaptation ? Avez-vous collaboré avec Marc Levy ?
Il y avait au départ un projet de scénario fait par Marc et son ami Philippe Guez. J'ai préféré repartir du livre parce que c'était plus simple pour moi. On en a parlé au début, je lui ai dit les modifications que j'avais envie d'apporter et il m'a laissé une liberté totale. Chaque discipline a une écriture propre. Il est venu deux fois sur le tournage, a visionné des rushes. Il m'a dit qu'il était très heureux. Le fait que Marc aime le résultat est fondamental pour moi. Parce qu'il est l'auteur du livre et aussi parce qu'il est mon frangin.
Où avez-vous posé vos caméras pour le tournage ?
J'ai choisi des lieux par rapport à des désirs graphiques très précis. Le visuel, les décors, les couleurs sont très très importants pour moi. On a tourné un mois à Londres, six jours sur sept en extérieur. Puis, on a tourné à Paris. Tous les intérieurs ont été tournés en décors à Arpajon.
Quel sentiment vous anime, maintenant que le tournage est terminé ?
Le bonheur et l'excitation. J'ai eu la chance de travailler avec une équipe artistique et technique géniale. J'ai retrouvé beaucoup des techniciens de mon premier film et j'ai été portée et soutenue par mes producteurs. C'est un film que l'on a tous fait avec beaucoup d'amour et d'amitié. J'ai envie que les gens sortent de la salle de cinéma avec le sourire, en étant heureux de vivre.
Avez-vous d'autres projets de réalisation ou d'écriture ?
J'ai écrit un scénario qui se passe aussi en Angleterre mais que j'ai laissé de côté pour tourner celui-là. J'espère le tourner très vite.
Propos recueilli par Léa Baron à Paris, le 12 décembre 2007