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    A la rencontre d'Eric Rohmer

    A l'occasion de la sortie des "Amours d'Astrée et de Céladon", entretien avec le rare Eric Rohmer, qui s'est aussi prêté au jeu du commentaire de photos. En bonus : Ozon, Chabrol et Quivrin évoquent le cinéaste.

    Découvrez ci-dessous quelques extraits de l'interview d'Eric Rohmer. Cliquez ici pour lire l'intégralité de l'entretien !

    Eric Rohmer vu par Chabrol, Ozon et Quivrin : Cliquez ici !

    Pour écouter Rohmer commenter des photos de films, cliquez ici !

    AlloCiné : la genèse de ce projet est assez particulière...

    Eric Rohmer Oui, car contrairement à ce qui se passe en général, l'idée n'est pas venue de moi, mais du

    cinéaste Pierre Zucca, qui avait proposé ce sujet aux Films du Losange. Mais la directrice de cette société [confondée par Rohmer], Margaret Menegoz, a pensé qu'on ne pouvait pas le financer. Quand Pierre Zucca est mort [en 1995], j'ai eu la curiosité de lire L'Astrée, et j'ai découvert qu'il y avait des rapports entre ce livre et ma propre sensibilité. D'autre part, les dialogues, bien qu'écrits il y a 400 ans, sont très accessibles à un public moderne.

    Avez-vous rapidement décidé de ne pas tourner dans les lieux du roman ?

    Oui. On a décidé de changer de région quand nous nous sommes aperçus que tout avait été transformé dans la région où est située L'Astrée. On a mis par exemple beaucoup de temps à trouver une rivière. Vous allez me dire qu'en France il y a plein de rivières. Oui et non. Il est très difficile de trouver une rivière à la fois profonde, dans laquelle on peut plonger, et en même temps avec un courant qui emporte la personne.

    On vous a souvent qualifié de cinéaste de la ville, et notamment cinéaste de Paris. Mais vous avez en réalité souvent tourné à la campagne.

    Quand on dit que je suis un cinéaste de la ville, on veut peut-être dire que la ville, je la montre. Parce qu'il y a des gens qui situent leur histoire à Paris, et finalement on ne voit que des intérieurs. Il y a beaucoup de nature dans La Collectionneuse, Le Genou de Claire (photo ci-dessous), Pauline à la plage, 4 Aventures de Reinette et Mirabelle et L'Ami de mon amie, et puis dans les Contes des quatre saisons qui se passent en province. Il y a finalement moins de films faits sur Paris que sur la province et sur les campagnes. Dans L'Arbre, le maire et la médiathèque, j'ai même filmé de vrais paysans.

    Vous venez de tourner successivement trois films d'époque. Est-ce un hasard ?

    J'ai fait des ensembles :

    les Contes moraux, puis les Comédies et proverbes, et les Contes des quatre saisons. Je n'ai pas encore eu d'idée d'un autre ensemble, je ne pense pas qu'à mon âge je puisse en faire un. Mais après les Contes moraux, je m'étais "reposé" en tournant un film d‘après Kleist et en montant une pièce de cet auteur. Après les Comédies et proverbes, je me suis aussi reposé en écrivant une petite pièce de théâtre, Le Trio en si bémol. Et après les Contes des 4 saisons, je me suis reposé en faisant L'Anglaise et le Duc et Triple Agent. Les circonstances ont fait que j'ai tourné Les Amours d'Astrée et de Céladon, c'est comme ça...

    Il y a une vraie continuité entre "Triple agent" et "Les Amours..", deux films qui ont pour thème la confiance dans le couple.

    Oui, c'est effectivement un sujet qui m'intéresse : la confiance, la fidélité. Là, cela prend une forme excessive, la forme d'une obstination.

    On pense par exemple au "Conte d'hiver" (photo), avec ce malentendu au début et ces retrouvailles à la fin.

    Oui, le malentendu est très important dans mes films. C'est un ressort dramatique très ancien. D'une certaine façon, on le trouve chez les Grecs : la méprise, le fait de ne pas comprendre quelque chose, c'est dans Oedipe roi. La volonté d'être fidèle à un serment, c'est aussi très ancien. Ca me paraît naturel et normal, mais je m'aperçois que dans beaucoup d'oeuvres contemporaines, il n'y a pas cette volonté d'être fidèle à des principes, de suivre une voie qu'on s'est tracée. Souvent, les personnages sont les jouets des circonstances. Et moi, je n'aimerais pas montrer des personnages qui sont les jouets des circonstances.

    A un moment, un personnage de "L'Astrée"" dit "Chaque chose produit selon son naturel". Dans votre cinéma, cette idée de "naturel" est très importante.

    Oui, j'aime le naturel. Dans un texte peu connu, une préface à un livre de Balzac, j'avais parlé de son naturel en disant que c'était une qualité très importante, même si elle est un peu méprisée maintenant. Je suis content quand on me dit qu'il y a quelque chose de naturel dans mes films, car je trouve que cela manque dans les films des autres –même si évidemment on n'est pas juge et partie. Je sais que certains amateurs de films ou de romans recherchent l'artifice. Moi non. Mais le naturel est difficile à définir, car il ne faut pas confondre naturel et réaliste : il y a des choses qui sont réalistes et qui ne sont pas naturelles.

    Etes-vous d'accord avec les cinéastes qui estiment que la direction d'acteurs se résume en fait au choix des acteurs ?

    Oui, je serais assez de ce côté-là. Je ne pense pas que pour moi, la direction d'acteurs existe sur le tournage. Si jamais elle existe, c'est dans les conversations que je peux avoir avec les acteurs avant les films. D'une certaine façon, il faut que le metteur en scène apprivoise les acteurs, mais ce qui est peut-être plus important, c'est que les acteurs comprennent le metteur en scène. Et c'est surement ce qui est difficile pour eux. Par exemple, chez moi, je pense qu'ils sont un peu étonnés de la simplicité de ce que je leur demande.

    Un remake américain de "L'Amour l'après-midi" sort prochainement en salles. Avez-vous été consulté ?

    Evidemment. C'est la première fois que ça m'arrive. Je n'ai pas refusé, d'une part pour des raisons financières : je suis quand même coproducteur de mes films, et si on me propose un peu d'argent, ça m'aide, ça me donne plus d'autorité. D'autre part, pourquoi pas en fin de compte ? Si je suis un auteur de théâtre, je ne peux pas contrôler le fait que ma pièce soit jouée dans un autre pays. C'est mon histoire, mais le film n'est pas de moi. Je ne vends pas mon film, mais seulement les droits du scénario. On verra, je suis curieux de voir ce film (photo ci-dessous).

    Un réalisateur américain indépendant, Noah Baumbach,

    vient de tourner "Margot at the Wedding", dont les héroïnes s'appellent Margot et Pauline, un film qui devait s'appeler initialement "Margot à la plage"...

    C'est un hommage, pourquoi pas ? Ca ne me gêne pas. De même que ça ne me gêne pas qu'il y ait un film pornographique qui s'appelle " Mes nuits avec Elodie, Nathalie, Maud et je ne sais plus qui [E.R. fait sans doute référence au film érotique Mes nuits avec... Alice, Pénélope, Arnold, Maude et Richard] Je n'ai pas inventé le prénom Maud !

    Mais comment comprenez-vous le fait que vous soyez un des réalisateurs français les plus connus à l'étranger et qui s'exportent commercialement le mieux ?

    Evidemment, ça me plaît. Je pense que je suis mieux goûté par les étrangers que par les Français., c'est tout ce que je peux dire. Quels sont ceux qui ont raison ? Je n'en sais rien, j'espère que ce sont les étrangers, mais enfin... Je crois que si je suis aimé à l'étranger, c'est parce que j'apparais comme très français.

    Propos recueillis le 12 juillet 2007 par Julien Dokhan

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