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    Rencontre avec le réalisateur culte Alejandro Jodorowsky

    Surréaliste, provocateur, violent, passionné, mystique... Alejandro Jodorowsky a marqué toute une génération de cinéphiles. Ses films cultes "El Topo" et "La Montagne sacrée" ressortent au cinéma après des années de projections clandestines. L'occasion d'une rencontre avec cette icône du cinéma underground.

    Qu'est ce que vous cherchiez à provoquer chez le spectateur avec vos films ?

    Je ne voulais surtout pas construire des films pour provoquer telle ou telle chose chez le spectateur. Je voulais faire des films sans définition. Dans la même scène, tu trouveras un spectateur qui va rire, un autre qui va être furieux, l'autre aimer, et l'autre pleurer. Je voulais que la réaction soit différente pour chaque personne. Je ne voulais surtout pas guider le sentiment du spectateur !

    Est-ce qu'il est encore possible de faire des films comme "El Topo" ou "La Montagne Sacrée" aujourd'hui ?A l'époque de mes films c'était déjà impossible de faire des films comme ça ! Les producteurs étaient soit des salauds soit des voleurs soit des fous. Ce n'était jamais des professionnels. J'ai fait tout ça contre l'industrie. El Topo je l'ai fait avec des chèques en bois. Si on ne le vendait pas, on allait en prison. Mon associé avec qui on avait monté l'escroquerie a maigri d'un kilo par jour le temps que l'on vende le film ! Il a perdu 15 kg en tout. Quant à La Montagne sacrée c'est John Lennon qui a influencé Allen Klein pour qu'il me donne un million de dollars. Donc c'est à travers des fous, des artistes, des voleurs et des gangsters que j'avais l'argent. Et bien sûr personne me payait ! J'étais payé comme un simple ouvrier. Ici, à Paris, je ne gagne toujours rien. La seule chose qui me rapporte un tout petit peu sont mes droits musicaux parce que c'est moi qui ai fait la musique. Mais ce n'est pas grave, parce que je fais ça avec plaisir. Je suis ravi que les gens voient mes films c'est tout. Je n'ai pas besoin de gagner plus d'argent. A quoi ça va me servir ? Des maîtresses ? Je n'ai pas la force sexuelle pour en avoir beaucoup. Manger ? Non je suis au régime. Ca ne me sert à rien ! Pour moi le cinéma c'est toujours faire un cadeau. C'est vivre ! Comme faire un enfant.

    Dans "La Montagne Sacrée", la qualité des décors est remarquable pour un film doté d'un tel budget. Comment avez vous fait ?

    J'ai loué un hangar abandonné. Des vieux studios sur le point d'être démolis. Après je n'ai employé que des ouvriers qui étaient à la retraite. Que des vieux ! C'était les meilleurs mais personne ne les utilisait. Je n'ai utilisé que deux décors en tout, que l'on détruisait et que l'on reconstruisait. La tour est une sculpture abstraite à laquelle j'ai rajouté un petit étage. Je l'ai filmé sans permis.

    Ces deux films sont deux quêtes initiatiques.

    Ils renvoient à mes propres recherches. Dans El Topo je commençais à étudier la méditation Zen. Alors j'essayais de trouver en moi le moine. Sortir de la colère animale de mon passé et arriver à une vraie sainteté citoyenne. Et dans La Montagne sacrée j'ai mis tout ce que je voulais savoir : l'alchimie, le tarot, l'hindouisme, la maçonnerie, les symboles, les secrets hallucinogènes, les pyramides du Mexique. Et maintenant je sais tout ça...

    Vos castings ont toujours été particuliers.

    Le milliardaire c'était un milliardaire, le nazi c'était un nazi, la prostituée était une prostituée... je ne cherchais pas des acteurs. Je l'ai fait avec des gens !

    Vous utilisiez beaucoup d'handicapés également

    Des vieillards, des handicapés... Pour moi c'est de l'imagination tout ça. Un monstre est un miracle artistique de la nature.

    Donc pas de stars de cinéma ?

    Je déteste les stars de cinéma. Le pire de tous est Peter O'Toole. Je le détestais et je le déteste encore. Quelle star de merde ! Il ne savait pas le rôle, il se droguait, etc. Il était égoïste, egomaniaque... Insupportable ! Il se prenait pour le roi du monde en méprisant l'artiste. Par contre Omar Sharif était aimable et vraiment formidable.

    Vous vouliez créer un film qui avait la force d'un évangile. Vous pensez avoir réussi ?

    Je ne sais pas ! Mais il y a en France un livre qui s'appelle "L'Esotérisme " qui recense les douze plus grandes oeuvres d'art de l'humanité. On y trouve les Pyramides de Kheops notamment. Et le Numéro douze c'est La Montagne sacrée. On m'a mis là mais pour moi c'est une exagération (rires).

    Propos recueillis par Eric Kervern le vendredi 17 novembre 2006

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