Rebondissement autour de "l'affaire Mulholland Drive". Le 22 avril 2005, la Cour d'appel de Paris avait donné raison à un consommateur ayant acquis le DVD du film de David Lynch, ce dernier considérant contraire au droit de copie privée reconnu par le Code de la propriété intellectuelle les mesures techniques de protection insérées au DVD en question. Estimant ne pas avoir été suffisamment informé à ce sujet, ce consommateur avait alors assigné l'éditeur vidéo et le distributeur du film en justice, avec la participation active de l'association U.F.C.-Que Choisir. D'abord débouté par le Tribunal de Grande Instance, il avait ensuite obtenu gain de cause, la Cour d'appel de Paris estimant qu'une copie privée n'était "pas de nature à porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre sous forme de DVD", d'autant que la preuve d'un "dévoiement répréhensible" n'était pas apportée.
Une autoroute au piratage
Ce 28 février, la première chambre civile de la Cour de cassation, saisie par Studio Canal, Universal Pictures Video et le Syndicat de l'édition vidéo (SEV), a prononcé la cassation totale de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, en confirmant qu'il n'existait pas de copie privée à partir de DVD car celle-ci porte atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre sur le marché, selon un communiqué du SEV. Selon la Cour, le droit à la copie privée d'oeuvres de cinéma sur DVD ne peut s'exercer sans prendre en compte "la sauvegarde des droits d'auteur" et "l'importance économique" de l'exploitation de l'oeuvre, et peut avoir comme conséquence d'"ouvrir une autoroute au piratage". Selon l'arrêt de la Cour de cassation, "En statuant ainsi, alors que l'atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre, propre à faire écarter l'exception de copie privée, s'apprécie au regard des risques inhérents au nouvel environnement numérique quant à la sauvegarde des droits d'auteur et de l'importance économique que l'exploitation de l'oeuvre, sous forme de DVD, représente pour l'amortissement des coûts de production cinématographique, la cour d'appel a violé" le Code de propriété intellectuelle.
Une application parfaite du principe du "test en 3 étapes"
Pour le SEV, cette décision s'impose comme une application exemplaire du principe du test en 3 étapes. Selon ce dernier, la législation internationale et européenne prévoit que la copie privée doit être limitée à certains cas spéciaux et ne doit pas être la situation statistiquement la plus appliquée, ne doit pas porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre et ne doit pas causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur. L'exception de copie privée n'est alors conçue que pour une utilisation privative, effectuée à partir d'une source licite (comme la télévision), donc ne portant pas atteinte au droit d'exploitation de l'oeuvre de l'auteur.
Selon le SEV, cette exception a été introduite en droit français par la loi du 11 mars 1957 et visait, à l'époque, les partitions et textes écrits à l'usage exclusif des copistes. Le public n'avait alors aucune possibilité technique de reproduction mécanique comme on la conçoit aujourd'hui et la qualité technique des copies n'était alors pas en mesure de causer un préjudice aux titulaires de droits. Les moyens de reproduction numérique ne se sont développés que très récemment et aujourd'hui, les copies réalisées sont des clones d'oeuvres, reproduisant l'original à l'identique et sans perte de qualité. Les mesures techniques de protection des oeuvres existent depuis la création du DVD : elles sont nécessaires pour préserver la chaîne de financement du cinéma et donc la qualité et la diversité des oeuvres, dans l'intérêt des consommateurs. C'est pourquoi la directive européenne relative aux droits d'auteur et droits voisins reconnaît ces mesures techniques de protection.
avec le SEV et AFP