AlloCiné : Avant le tournage, quel souvenir gardiez-vous de ces événements ?
Yvan Attal : J'avais 7 ans, donc je n'ai pas réellement de souvenirs. Mais je savais très bien ce qui s'était passé.
Est-ce vrai que Steven Spielberg vous a contacté après avoir vu "Ma femme est une actrice" ?
En fait, quand on s'est rencontrés, il m'a demandé quel film de moi il pouvait voir, et c'est là je lui ai donné Ma femme est une actrice.
Le tournage a été décalé d'un an. Cela ne doit pas être évident pour un comédien. Comment cela s'est-il passé pour vous ?
De toute façon, je ne savais pas à quoi m'attendre. Je n'avais pas lu le scénario, donc je ne savais pas quel rôle je devais jouer. Je pense d'ailleurs que ça a changé assez souvent, en fonction du casting. En même temps, tout ça m'a permis de mesurer l'immensité du travail de Spielberg, et de la machine qu'il y a derrière... Il prépare Munich, il vient à Paris pour choisir ses acteurs, et puis là-dessus, le film est annulé. Il va donc tourner La Guerre des mondes, qui n'est pas non plus un petit film intimiste, et il revient faire Munich. Et là, il est déjà sur un autre projet. Ca veut dire que le mec prépare trois films en même temps... C'est quand même assez hallucinant, et ça donne à réfléchir.
Que saviez-vous du scénario ?
Je n'ai connu la nature de mon rôle qu'au dernier moment. Sinon, je ne savais rien du scénario. Je n'ai eu que ma scène, avec mon nom qui barrait la page pour être sûr que si par hasard quelqu'un d'autre se retrouvait avec une photocopie, on sache d'où ça vient... Je n'ai jamais lu le scénario. Au bout d'un moment, bien sûr, c'est plus facile : quand on est sur le tournage, qu'on essaie les costumes, il y a toujours trois scénarios qui traînent. Sur des films comme Munich, on essaie de préserver un mystère, mais ce n'est pas non plus un truc totalement paranoïaque. C'est juste qu'on ne donne pas le scénario à des gens qui n'ont pas forcément besoin de le lire et qui pourraient ensuite le donner à d'autres personnes, et ainsi de suite... C'est quelque chose que je comprends en tant que metteur en scène. Bien sûr, mes films n'ont pas la même importance, et sont moins sujets à controverse, mais quand j'écris un scénario, je n'aime pas le distribuer. Je n'aime pas que des gens qui ne sont pas concernés le lisent.
Vous aviez dit à propos de votre expérience sur "L'interprète" : "un tout petit rôle avec Pollack, c'est plus enrichissant que quinze ans de cinéma". Diriez-vous la même chose de "Munich" ?
Oui, c'est pareil. Ce sont des metteurs en scène très forts, qui ont fait de grands films, travaillé avec de grands acteurs. Ils connaissent leur métier parfaitement. Quand on passe une semaine à côté d'eux, on apprend énormément de choses. Pour Munich, j'ai passé une semaine à Malte alors que je n'avais qu'une journée de tournage. J'étais donc très très souvent sur le plateau, et évidemment j'ai beaucoup discuté avec Spielberg. Dans ces cas-là, on parle de cinéma et d'autres choses : de politique, de la vie... En plus, il est très généreux, pas du tout avare de quoi que ce soit. Il est très à l'écoute de tous ses collaborateurs. Donc c'était vraiment très très agréable.
Vous avez eu l'occasion de lui parler de votre travail de doublage [Yvan Attal a doublé Tom Cruise dans "Minorty report"] ?
Oui, je lui ai parlé de ça (sourire). Ca l'a beaucoup amusé.
Pour le casting francophone, Spielberg a fait appel à beaucoup d'acteurs-réalisateurs...
Oui, c'est assez étonnant. Je me souviens que quand je l'ai rencontré, il m'a demandé : "Qu'est-ce que vous faites en ce moment ?". Je lui ai répondu : "Je viens de finir de mixer mon film [Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants]". Il m'a dit : "Quoi ? Vous êtes aussi réalisateur ? C'est dingue, tous les acteurs que je rencontre sont réalisateurs !" Et c'est vrai que quand on regarde dans le paysage du cinéma français, il y a énorment d'acteurs qui mettent en scène.
Quelle a été votre réaction en découvrant le film ?
J'ai été subjugué par certaines séquences du film, et j'ai été très ému par la performance d'Eric Bana. En fait, j'ai été spectateur du film : la scène dans laquelle je joue arrive dans la première demi-heure. Sur cette première demi-heure, c'est d'ailleurs assez étonnant de voir comment Spielberg s'est servi des images du vrai Munich. Et puis, ma scène passée, j'ai plongé dans le film comme n'importe quel spectateur. En gros, j'ai eu la chance de voir le nouveau Spielberg en avant-première...
Vous-même avez exprimé il y a quelque temps le souhait de tourner un film sur Israël...
Pas un film sur Israël, mais c'est vrai que j'ai envie de tourner là-bas, simplement parce que j'y suis né et que j'ai un rapport particulier à ce pays. Parfois je l'adore, parfois je le déteste. Je me dis qu'un jour ou l'autre, j'ai envie d'aller faire des choses là-bas. Et puis sur le tournage des Patriotes, j'ai croisé des acteurs extraordinaires – j'en ai d'ailleurs retrouvé certains sur le film de Spielberg. J'aimerais donc bien aussi travailler avec eux. Mais je n'ai pas encore trouvé le sujet.
Retirez-vous quelque chose de cette expérience sur "Munich" pour votre prochain tournage en tant que réalisateur ?
Beaucoup de choses ! Un tas de choses, je ne pourrais pas vous dire ! (sourire) J'ai appris que même quand on est un des plus grand metteurs en scène du monde, on peut hésiter. Donc je ne me gênerai plus pour prendre mon temps quand j'aurai un problème... Ca m'a fait exactement le même effet que quand j'ai vu les bonus d'une comédie avec De Niro et Ben Stiller : on voit De Niro se gourer, rigoler, chercher sa marque... Ca démystifie, ça rassure de voir que le plus grand acteur du monde peut se tromper. De la même manière, c'est rassurant de voir qu'un énorme metteur en scène comme Steven Spielberg n'est pas un robot mais un être humain et un metteur en scène comme les autres.
Recueilli le 11 janvier 2006 par Julien Dokhan