AlloCiné Séries : On est étonné de vous voir dans Alias, une série américaine plutôt punch et pas vraiment “auteur”? Comment passe-t-on de l'un à l'autre ?
Elodie Bouchez : Naturellement ! Les Roseaux sauvages cela remonte à plus de dix ans. Oui, c'est vrai que j'ai pour habitude de jouer dans des films d'”auteurs”, que ma carrière est plus liée à ce genre de films engagés. Comment tout cela est arrivé ? D'abord il faut dire que je suis fan de certaines séries américaines, 24, Friends, Lost, Sex & the City et Six Feex Under. Je suis une bonne cliente de tous ces shows. C'est quelque chose qui n'existe pas vraiment en France, peut-être parce qu'on ne sait pas faire. L'été dernier mon agent de L.A. m'a appelé pour me dire que l'équipe créatrice d'Alias était fan de mon travail et qu'ils voulaient m'inclure dans la saison prochaine. Ce qui est marrant c'est qu'ils pensaient que, vu la diversité de mon travail, je pouvais totalement jouer ce rôle d'espionne internationale, changeant de look à tout moment.
C'était flatteur pour vous d'être pris sur une série américaine ?
Oui c'était flatteur et très surprenant puisque je ne m'attendais pas du tout à cela ! En France, on a de temps en temps la chance qu'un film ait assez de succès pour passer ici aux Etats-Unis comme ce fut le cas pour Les Roseaux sauvages et La Vie rêvée des anges. Et je suis parfois étonnée que les Américains connaissent mon travail et sachent que j'existe, parce que c'est vrai qu'ici, aux Etats-Unis, il y a tellement de choses qui se passent...
Aviez-vous déjà travaillé pour la télévision en France ? Comment vous êtes-vous adaptée au rythme de travail différent par rapport au cinéma ?
Pas pour des séries, non. J'avais fait quelques téléfilms mais c'est vrai que le rythme est différent. En même temps il y a une vraie qualité de travail par rapport à la mise en scène, à la lumière et on n'enchaîne pas non plus les prises à une cadence infernale. Au final on attend autant que sur un long métrage français. Mais c'est vrai que par rapport à la France ce sont des grosses journées, parfois 15 heures ! Mais quand on a la chance de pouvoir jouer dans une série où on ne sombre jamais dans la monotonie, il faut savoir s'adapter au rythme de travail. Le résultat en vaut la peine.
Comment vous êtes-vous préparée pour le personnage d'Alias ?
Je n'ai pas eu beaucoup de temps parce que tout s'est passé assez vite, 3 semaines de délai entre la proposition et mon arrivée ici, c'est court ! J'étais d'ailleurs étonnée qu'ils ne me demandent pas de me préparer physiquement ou de prendre des cours avec un armurier, des leçons de tir. Ils ont peut- être supposé que je pouvais faire tout cela à partir de la bande démo de tous mes films, car c'est vrai que je tire au pistolet dans certains d'entre eux ! C'est marrant parce que le premier jour où ils m'ont donné mon arme, je faisais tout tomber. Ma préparation a été plutôt “inconsciente”, à l'instinct.
Après Alias, envisagez-vous une carrière américaine ?
Je me laisse aller comme je l'ai toujours fait, que ce soit en France ou ailleurs, et au rythme des projets qui arrivent, comme Alias, un peu par surprise. Mais je suis ouverte à toute proposition que ce soit ici aux Etats-Unis ou en France. On va bientôt avoir un break et je vais retourner pendant un temps en France pour tourner le premier film d'un jeune réalisateur, Eric de Montalier. C'est bien d'alterner entre les deux. De toute façon j'irai toujours vers les projets qui m'intéressent le plus comme je l'ai toujours fait. Quand j'ai eu cette proposition pour Alias, il n'y avait rien de plus excitant en France et donc forcément j'ai saisi l'occasion.
Même si vous parlez bien anglais, avez-vous eu des problèmes avec la langue ?
J'ai fait 3 films en anglais réalisés par Jean-Marc Barr, CQ de Roman Coppola et quelques autres, donc j'avais déjà pas mal d'expérience de tournages en langue anglaise. Ce qui est marrant c'est qu'on ne m'a jamais corrigé ou repris par rapport à mon accent. D'ailleurs pour Alias personne ne m'a demandé si je parlais anglais ! Alias est une série regardée par l'Amérique entière, la pression est très grande, je m'efforce donc d'améliorer mon accent tout en gardant ma personnalité.
De toute façon il s'agit d'un personnage Français, non ?
Oui, Renée Rienne (ndlr : son personnage) est française mais elle est aussi un espion international ! C'est un personnage frais qui introduit la mythologie “Prophet Five” dans la série. Maintenant que l'on en a fini avec Rambaldi dans la saison 4 on passe à d'autres intrigues. C'est un personnage à la fois bon et mauvais et on ne sait pas très bien où elle va par rapport à famille, à son enfance. Renée est trouble et mystérieuse. Pour l'instant tout va bien et on va apprendre à la découvrir...
Ce ne fut pas trop dur de débarquer dans une série si bien en place?
Non, pas du tout, ils ont tous été charmants. De plus dans chaque saison ils introduisent toujours des nouveaux personnages, ils sont habitués à accueillir et à recevoir de nouvelles personnes. On sent que c'est une équipe très soudée. Mais c'est vrai que je suis une touche exotique. J'avais d'ailleurs toujours été étonnée par la diversité de leurs guest-stars, que ce soit Faye Dunaway ou Quentin Tarantino. Et puis c'est intéressant pour moi de travailler avec des réalisateurs différents, c'est parfois le chaos mais en même temps cela crée une expérience unique.
Comment s'est passée votre première rencontre avec Jennifer Garner?
C'était lors de mon premier jour de tournage. C'était super, et en même temps j'avais un peu le trac par rapport à elle qui joue dans la série depuis 4 ans. Mais on rigole beaucoup sur ce show. Il faut garder le sourire avec tous ces flingues et ces dialogues techniques dont on ne comprend pas grand chose.
Pouvez-vous nous dévoiler un peu les méthodes de travail sur une série comme Alias ?
Ce qu'il y a de déroutant au départ, mais au final de très rigolo, c'est que les acteurs ne connaissent pas vraiment les prochains rebondissements de la série ! Il y a quelque part un bureau où les scénaristes réfléchissent et construisent les épisodes avec les producteurs, mais nous on ne reçoit les scénarios que 3 ou 4 jours avant le tournage ! Et on les tourne en 8 à 10 jours ! Donc c'est vraiment la surprise par rapport à ce qui va se passer jusqu'au dernier moment. Pour moi c'est étonnant car je n'étais pas habituée à ce mode de travail mais c'est excitant et fascinant de ne pas savoir ce qui va se passer dans le prochain épisode. De toute façon même si on n'aime pas ce procédé, c'est de cette manière que cela se passe et donc il faut faire avec. Et dans mon cas j'adore travailler ainsi. Je trouve ça vraiment sympa...
Allez-vous faire votre voix en français?
Oui, j'ai insisté pour doubler ma voix anglaise pour la version française. C'est plus logique et sympa...
Qu'est-ce que les séries américaines ont de si particulier ?
Déjà c'est pour moi une sorte de rendez-vous puisque je les vois en dvd jusqu'au bout de la nuit ! C'est un plaisir et une expérience télévisuelle que je ne retrouve nulle part ailleurs, un “Show” ! Je trouve cela fou ! L'adrénaline et la dépendance que cela peut engendrer... Sur Alias, en plus, il y a des rôles féminins vraiment forts...
Etiez-vous fan d'Alias ?
Non, en fait je ne connaissais pas la série. Mais c'est vrai que j'en avais entendu parler et surtout lu pas mal de presse sur Jennifer Garner. Quand l'occasion s'est présentée, je n'ai pas hésité. J'aime cette idée dans Alias de la “fille d'à côté”, "the girl next door", qui exprime ses émotions et passe à l'action. En fait j'ai adoré tout le côté James Bond et gadgets. C'est vraiment ludique et aujourd'hui je suis vraiment fan de la série.
Est-ce que l'on vous donne un peu d'espace pour créer sur un plateau américain ?
Il y a une certaine souplesse par rapport à l'interprétation de ce qui est écrit mais cela doit rester dans la logique et la linéarité de l'épisode. Il y a une certaine intrigue à respecter et on ne peut pas partir dans tous les sens. Mais évidemment lorsqu'il y a quelques dialogues en Français, ils s'en remettent à moi. Donc ils sont assez souples. Ils veulent faire une série efficace, fun et mystérieuse.
Y-a-t-il une différence entre cinéma et télévision ?
Il se passe beaucoup de choses à la télévision américaine. Il y a beaucoup de moyens et c'est certain que ce serait bien de faire la même chose en France. En tout cas pour moi il n'y a pas de problème pour passer de la télévision au cinéma ou vice versa... d'ailleurs pour moi petit ou grand écran, c'est une question de qualité. Mes premiers films étaient faits pour la télévision et sont ensuite sortis au cinéma. Donc je serais ravie de faire au final des films, des téléfilms, des séries que les gens veulent voir...
Avez-vous fait des choses incroyables dans la série ?
Est-ce que de sauter d'un building en parachute et en feu compte ? Oui, c'est vrai que de voir Jennifer Garner faire pleins de cascades folles m'a donné des idées. Et ce côté “cascades” m'a stimulé pour faire partie de la série...
Beaucoup d'actrices aux Etats-Unis passent derrière la caméra et sont réalisatrices et/ou productrices. Cela vous donne des idées ?
C'est certain. Je suis étonnée d'ailleurs de voir comment quelqu'un peut passer d'une qualification à une autre. Mais je ne suis pas prête à passer derrière la caméra. Pour l'instant je me concentre sur Alias, qui prend déjà 8 mois de l'année pour une vingtaine d'épisodes. Mais si demain on me propose un contrat de 4 ans, je suis ouverte et intéressée par cette idée.
Avez-vous rencontré J.J. Abrams ?
Non, pas du tout. D'ailleurs, entre Mission : impossible 3 et Lost on ne le voit jamais. Je crois qu'il doit juste superviser de loin...
Quand pourra-t-on vous voir dans Alias en France ?
Je crois que la saison dans laquelle je suis passera dès l'été 2006 en France. Il faudra donc être un peu patient.
Propos recueillis pas Emmanuel Itier le 14 novembre 2005 aux Studios Buena Vista, Los Angeles