37,9% des films sortis dans les salles françaises, soit près d'un sur deux, ont été piratés sur internet. C'est le résultat d'une étude menée par le Centre National de la Cinématographie (CNC) et l'Association de Lutte contre le Piratage Audiovisuel (ALPA) entre août 2004 et juillet 2005. Si le cinéma français s'en sort sans trop de dommages, avec "seulement" 26,4% des films français piratés, son confrère américain voit 72,7% de ses sorties en France disponibles sur la toile, dont 53% avant leur sortie en salles ! Les pirates français seraient-ils plus respectueux de leur cinéma national ? Les circuits de diffusion industriels américains seraient-ils moins bien protégés ? En moyenne, les films piratés étaient disponibles 45 jours après leur sortie en salle et plus d'un tiers (34,5%) l'étaient avant leur sortie. Si cette tendance n'a paradoxalement pas nuit au marché du DVD/VHS, qui profite d'une belle embellie ces neufs derniers mois avec une croissance en volume de plus de 20 % (147,15 millions de supports vidéo vendus) pour 1,9 milliards d'euros de chiffre d'affaire (+3,2%), le grand perdant est bel est bien le grand écran, qui voit au 18 octobre sa fréquentation cumulée depuis le début de l'année baisser de 14,66% par rapport à l'année 2004.
Fournisseurs d'accès et pouvoirs publics contre-attaquent
Les résultats de ces études interviennent alors que les fournisseurs d'accès Internet, les professionnels du cinéma et le CNC annoncent une entente sur la "riposte graduée" adressée aux utilisateurs des réseaux peer-to-peer. D'après Véronique Cayla, directrice générale du CNC (sous tutelle du Ministère de la Culture), un internaute repéré en flagrant délit de piratage recevra tout d'abord des courriels d'avertissement, suivis d'une lettre recommandée, puis enfin "une amende, une sanction pécuniaire sur laquelle les pouvoirs publics ont encore à réfléchir, pour voir quelle forme elle prendra". Un accord global devrait être passé d'ici a quelques jours, pour, à terme, pouvoir proposer une offre de téléchargement légal.
Ajouts du 26/10/05 Dernières nouvelles : La guerre du P2P aura-t-elle lieu ?
Ces déclarations d'intentions sont contredites par la Comission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) qui vient de rendre une décision négative concernant le repérage automatique des pirates. S'opposant à la requête de quatre sociétés d'auteurs et de producteurs (Sacem, SDRM, SCPP et SPPF) qui avaient déposé an avril 2005 une demande de contrôle des réseaux P2P accompagnées de mesures de "ripostegraduée", la CNIL estime que les dispositifs de détection proposés "ne sont pas proportionnés à la finalité poursuivie", la raison étant qu'ils "peuvent aboutir à une collecte massive de données à caractère personnel" et permettent "la surveillance exhaustive et continue des réseaux d'échande de fichiers peer-to-peer." La CNIL s'appuie sur une décision du Conseil Constitutionnel selon laquelle "les données collectées à l'occasion des traitements portant sur des infractions aux droits d'auteur ne [peuvent] acquérir un caractère nominatif que sous le contrôle de l'autorité judiciaire". En réaction, les sociétés d'auteurs ont indiqué qu'il ne s'agissait pas de punir mais de prévenir les internautes, en envoyant des messages a caractère pédagogique. Par ailleurs, les moyens de répression non-électroniques ne manquent pas, puisque la seule SCPP (Société Civile des Producteurs Phonographiques) a engagé plus de 160 actions judiciaires à l'encontre de pirates.
Le Ministère de la Culture riposte
Alors que le débat semblait avoir atteint un point mort, sinon une trêve, le Ministère de la Culture revient sur les évènements et les déclarations de la CNIL en assurant que celles-ci ne remettaient pas en question le sytème "de ripostes graduées". "La Cnil ayant précisé que les messages de prévention ne sont pas possibles dans l'état actuel des textes, l'examen de la transposition de la directive (européenne) sur le droit d'auteur pourrait être l'occasion de faire évoluer le cadre juridique et de l'adapter à ce nouvel environnement", a indiqué le ministère dans un communiqué. L'Etat serait donc prêt à remettre en caus eles lois informatique et libertés... Autant dire que rien n'est joué pour ce projet de loi sur le droit d'auteur, qui passera en décembre devant l'Assemblée nationale.
Jérémy Noé avec AFP et www.cbo-boxoffice.com