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    "Assaut": rencontre avec Jean-François Richet

    A l'occasion de la sortie en salles, ce mercredi, d'"Assaut contre le central 13", AlloCiné a rencontré son réalisateur, le Français Jean-François Richet. Action !

    Un frenchie à Hollywood. Pour sa première expérience sur le sol américain, le réalisateur Jean-Francois Richet a décroché le gros lot : la réalisation d'Assaut sur le central 13, adaptation du classique du film d'action signé John Carpenter. Un pari pas si fou pour l'auteur de Ma 6-T va crack-er, dont le style urbain colle parfaitement au projet. Pour AlloCiné, Richet évoque sa rencontre avec Carpenter, les particularités de sa nouvelle version, ses références, tout en s'exprimant sur le système hollywoodien et en défendant bec et ongles l'exception culturelle française. Rencontre.

    AlloCiné : Tu avais joué tes indemnités chômage au casino pour financer "Etat des lieux", ton premier film. Aujourd'hui, tu travailles pour Hollywood en adaptant "Assaut", un classique du cinéma d'action. Comment parvient-on à un tel grand écart ?

    Jean-Francois Richet : Je ne sais pas trop... (sourire) Mon rêve n'était pas forcément de travailler à Hollywood, mais de faire ce film-là en particulier. Il se trouve que le genre s'adaptait plus aux Etats-Unis et que notre projet, développé en France et scénarisé par l'Américain James DeMonaco (Négociateur), a été accepté par les studios US. Quand on m'a parlé de faire ce remake, je me suis dit que ça pouvait être intéressant. J'avais l'impression de remaker un remake, puisque le Assaut de Carpenter est déjà un remake du Rio Bravo d'Howard Hawks. Après eux, ça m'intéressait de décliner, moi aussi, le thème de l'assaut. Il restait à convaincre John Carpenter. Une chance pour nous : il avait vu Ma 6-T va crack-er trois fois et, visiblement, il avait aimé, puisqu'il a dit : "Je donne mes droits seulement si Richet fait le remake" ! Donc, une fois que j'étais, on va dire, adoubé par le maître Carpenter (sourire), j'ai pu faire le film.

    Selon toi, qu'est-ce qui a fait que Carpenter te choisisse pour faire le film. Le fait que, à l'image du sien, ton cinéma ait un côté urbain assez marqué ?

    On dit que Carpenter est l'inventeur du "western urbain". Je pense que quand il a vu Ma 6-T va crack-er, il a dû... Bon, ça va peut-être paraître prétentieux, mais je pense qu'il a dû se reconnaître en partie. Il a dû ressentir ce même côté urbain, avec sa sensibilité, et c'est pour cela qu'il m'a donné carte blanche. Ma dernière rencontre avec lui m'a marqué. C'était pour lui montrer le film. Là, je ressentais la pression ! (rires) Il était tout seul dans la salle, il y avait moi et un producteur français. On était tout au fond de la salle, et lui était là, devant, mais vraiment au premier rang ! Je l'ai entendu rire, je l'ai entendu applaudir, et à la fin, il est venu me dire : "Différent film. Différente époque. Mais exactement le même esprit." C'est ce qu'il fallait. Pour respecter le film de Carpenter, il fallait que je garde cette thématique de l'assaut, mais que je garde surtout le côté subversif du film d'origine. Et en effet, mettre en vedette des membres du S.W.A.T., des types qui sont des icônes aux Etats-Unis, surtout après le 11 septembre, et montrer qu'ils peuvent être corrompus, c'est carrément subversif aux Etats-Unis.

    Ton film est le remake d'"Assaut", mais il marche aussi dans l'ombre de "Rio Bravo"...

    Aux Etats-Unis, la majorité des critiques a affilié le film à Rio Bravo plutôt qu'au Assaut de Carpenter. D'abord parce qu'on identifie les assaillants dans Rio Bravo et dans mon film. Ensuite, parce que les personnages du film de Carpenter le font tirer un peu vers le fantastique, ils sont un peu traités comme des fantômes, sans passé, sans vices, sans forcément de lignes tracées. Alors que dans mon film, on comprend vraiment d'où viennent les personnages, où ils veulent aller, les vices sont développés comme dans Rio Bravo. Donc, j'en viens à dire que mon film fluctue entre le film de Carpenter et celui d'Howard Hawks, dans la façon de représenter les personnages et dans la thématique.

    Quelles ont été tes références majeures pour ce film ?

    J'aime beaucoup le cinéma soviétique, Dziga Vertov, Sergei Mikhailovich Eisenstein, c'est mon inspiration principale, mais je ne sais pas si ça se voit beaucoup dans Assaut sur le central 13. J'ai été inspiré par A bout de souffle pour la première scène. J'ai vu beaucoup de films français en préparant le film, du Agnès Varda, du Eric Rohmer, du Maurice Pialat... Ca peut paraître bizarre, mais tout est nourri de films français, alors que les américains, Gabriel Byrne notamment, me disaient que le film faisait plus américain que les films américains ! (rires) Alors, je ne sais pas... Disons que, plus clairement, il y a des références aux films policiers des années 70, où ce qui était important n'était pas forcément l'action, mais D'ABORD les personnages, et ENSUITE l'action. Quand les personnages se révèlent dans l'action. Assaut sur le central 13, au niveau de l'ambiance, rend hommage à Bullitt, avec Ethan Hawke qui conduit la même voiture que Steve McQueen, à Papillon, à L' Inspecteur Harry, au Justicier de minuit... Des films où les personnages étaient vraiment développés.

    Que tu filmes la cité de Meaux dans "Ma 6-T va crack-er" ou le commissariat d'"Assaut sur le central 13", il y a toujours cette notion de survie et, dans le même temps, cette alliance de l'action, de la tension, à quelque chose de plus fort, de plus profond...

    Oui, c'est vrai, il y a toujours cette notion de survie, d'emprisonnement dans mes films. C'est une thématique que j'aime bien. Et c'est également vrai que si Assaut sur le central 13 est un film de studio hollywoodien, il n'en reste pas moins un film d'auteur, artisanal, un film hybride. Les Américains ne savent pas trop comment le prendre, ils voient bien que c'est plus que de l'action.

    Comment s'est déroulé ton acclimatation au système hollywoodien ?

    Déjà, j'ai du apprendre l'anglais. Je suis parti à Los Angeles pendant trois mois pour me perfectionner. J'étais vraiment au niveau zéro, la base : It's a cat, it's a dog !" J'étais vraiment nul ! (rires) Mais au final, ça a été, car les acteurs m'ont dit que le fait que j'ai un anglais assez basique était un avantage. J'ai toujours réussi à me faire comprendre, que cela soit par les techniciens, les acteurs ou les producteurs. Par chance, je crois qu'aux Etats-Unis, en majorité, les réalisateurs ne parlent pas trop, ne dirigent pas trop. Mais d'après les échos que j'ai eu, je dirige tout de même beaucoup plus, en moyenne, que les réalisateurs américains !

    Justement, en parlant des Américains, quel regard portes-tu sur l'industrie hollywoodienne, maintenant que tu y as posé le pied ?

    Hollywood, c'est une grosse machine. C'est énorme. Quand tu rentres dans ce maelström, tu réalises que ça écrase tout le monde. Ca m'a vraiment fait prendre conscience que le cinéma français, s'il n'a pas d'aide politique, si on n'arrive pas à faire passer une loi pour que, plus qu'une simple marchandise, il soit une exception culturelle au niveau européen, et bien il va se faire broyer par la machine américaine. J'ai pris conscience de la richesse du cinéma français, qui peut t'offrir des perles comme Le Convoyeur, 36 quai des orfèvres, Nord,... Ce serait un grand gâchis que la machine américaine éclate tout ça. Ou alors, on va survivre avec des films-concepts, des comiques issus de la télévision, ce serait super pauvre. Il faut que ça existe, mais s'il n'y a que ça, c'est dangereux. Le cinéma français, c'est notre identité culturelle, différente de celle des américains. Il faut la préserver face à leur industrie, qui est un rouleau-compresseur.

    Propos recueillis par Clément Cuyer le 18 février 2005

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