Comédienne, chanteuse, danseuse... et désormais réalisatrice. Après un premier essai en 2002 (Les Fils de Marie), la Québecoise Carole Laure repasse derrière la caméra avec Tout près du sol, sorti le 29 septembre dernier. Portrait d'une jeune fille révoltée qu'interprète Clara Furey (la fille de Carole Laure et du chorégraphe Lewis Furey ), cette oeuvre très personnelle est ponctuée d'audacieuses scènes de danse contemporaine. C'est donc tout naturellement dans un fameux centre de danse parisien que nous avons eu rendez-vous avec la réalisatrice, accompagnée de Clara Furey, qui fait dans Tout près du sol ses premiers pas (de danse) au cinéma, et du comédien Jean-Marc Barr, un complice de longue date. Entretien autour d'un film qui aurait pu s'intituler, comme une célèbre chanson de Carole Laure, Danse avant de tomber...
AlloCiné : En 2002, vous réalisiez votre premier film : "Les Fils de Marie". Cette expérience vous a-t-elle aidée pour ce deuxième long-métrage ?
Carole Laure : Oui, mais c'était très différent parce que cette fois, je ne joue pas dans le film. Donc c'était comme une première fois : j'étais juste derrière la caméra, et j'ai aimé ça... J'ai écrit le scénario en pensant à Clara [Furey]. Elle faisait une école de danse contemporaine, et je l'ai vue dans des spectacles. A 15 ans elle avait déjà composé un concert ! Et comme danseuse, je lui trouvais une qualité, qu'elle a aussi comme actrice : c'est son extrême sincérité.
Pour ce film qui donne la part belle aux scènes de danse, le scénario était-il très écrit ?
C. L. : Pour moi, le scénario c'est une base. Une scène de danse de quatre minutes, ça fait une ligne sur un scénario, ça ne peut pas se décrire... L'important, c'est de bien choisir les acteurs. Je crois que ça doit passer par leur corps, leur intelligence, leur manière d'être. Il y a très peu de dialogues. Si on sait regarder les gens, on en apprend autant que la parole. C'est pour ça que j'ouvre le film sur des plans de pieds... En ce qui concerne les chorégraphies, je n'aime pas la captation de la danse à la télévision, car on perd le mouvement. Dans les clips, les plans se succèdent à toute vitesse, si bien qu'on ne voit plus rien. Je voulais vraiment mettre en scène la danse, émotionnellement. Et il fallait que les scènes de danse fassent avancer l'histoire.
En 1973, vous étiez venue à Cannes pour votre premier film comme actrice, "La Mort d'un bûcheron" de Gilles Carle. Et vous êtes retournée récemment sur la Croisette pour vos deux films comme réalisatrice...
C. L. : Avec Gilles Carle, je découvrais le cinéma, j'étais toute jeune. Quand suis retournée à Cannes pour mes propres films, j'ai eu bien sûr une pensée pour lui, parce que j'ai quand même fait neuf longs-métrages avec lui... Je suis très reconnaissante à la Semaine de la critique de m'avoir sélectionnée deux fois. J'ai vraiment une très belle relation avec ce festival.
Clara, avant "Tout près du sol", aviez-vous déjà envisagé d'être comédienne ?
Clara Furey : Non. Mon métier, c'est la danse. Le cinéma n'est pas du tout mon monde. Ce qui m'a attiré vers le projet, c'est qu'il y a 40 minutes de danse dans le film. Et puis je savais que ma mère avait écrit le rôle en pensant à moi.
Qu'est-ce qui a été le plus difficile pour vous dans cette première expérience au cinéma ?
C. F. : Jouer l'hystérie, c'est très physique, donc ça ne me pose pas de problème. Tout le monde pense que le plus difficile, ça a été la scène du viol, mais là encore, je dirais que c'est le corps qui fait le travail, donc c'est assez facile pour moi. Le plus compliqué, ce sont les scènes toutes simples où il faut juste parler, comme lorsque j'arrive au motel et que je demande une chambre !
Dans le film, Rachel demande au professeur : "A quoi ca sert, la danse ?" Que lui auriez-vous répondu ?
C. F. : C'est un moyen d'expression très abstrait, donc chacun peut faire sa propre histoire. C'est ce qui me plaît : c'est hyper-émotif et en même temps ça ne veut rien dire. C'est un trip, ca fait vraiment voyager. Et puis, être sur scène, ça met plein d'adrénaline dans le corps, ça permet de se défouler...
Jean-Marc, vous jouiez déjà dans le premier film de Carole Laure. Cette fois, vous avez accepté de tenir un petit rôle...
Jean-Marc Barr : Carole est une amie, et je suis un acteur fidèle. Si on a envie de travailler ensemble, c'est peut-être parce qu'on a tous les deux une double culture [Carole Laure est québecoise et Jean-Marc Barr a des origines américaines] et c'est une expérience qu'on a envie de faire partager... Mais la force du film vient surtout de l'émotion de Clara, de son énergie, de sa révolte, et de la passion qu'elle met dans la danse.
Vous êtes actuellement en plein tournage avec Lars Von Trier. Pouvez-vous nous en dire un mot ?
J-M. B. : Dans cette trilogie, je joue les gangsters... On tourne en ce moment le deuxième volet, Manderlay, selon le même principe que Dogville, sans décor. Cette fois, le thème est l'esclavage. Il y a l'idée que les Blancs sont devenus eux-même esclaves de leur désir de contrôler. Il y aura plus d'humour que dans le premier volet, et puis il y aura des effets visuels intéressants...
Recueilli par Julien Dokhan