Le Festival du film fantastique de Gérardmer 2004, présidé par le cinéaste Paul Verhoeven, a rendu son palmarès ce dimanche. Avec quatre récompenses, dont deux majeures, le cinéma asiatique sort grand vainqueur de la compétition. Le Grand Prix de cette 11e édition est revenu au long-métrage coréen A Tale of two sisters (Deux soeurs), réalisé par Kim Jee-Woon.
Le cinéma asiatique à la fête
Dernier opus de Kim Jee-Woon, A Tale of two sisters (Deux soeurs) est une sorte de mélo horrifique aux couleurs flamboyantes qui plonge dans la psychose d'une famille coréenne. Après Memories (l'un des 3 Contes de l'au-delà sortis l'été dernier), Kim Jee-Woon poursuit avec une maîtrise encore plus affirmée son exploration des souvenirs traumatiques, véritables fantômes refoulés qui hantent la psyché de ses personnages. Avec l'oublié Session 9 de l'Américain Brad Anderson, autre mise en scène de la psychose humaine très inspirée de Shining, A Tale of two sisters (Deux soeurs) était sans doute l'un des films les plus maîtrisés de la compétition et s'est donc vu octroyer avec justice le Grand Prix et le Prix du Jury Jeune.
L'autre grand vainqueur coréen, Wonderful days de Kim Moon-Saeng, est le premier lauréat d'Anim'arts, nouvelle section du festival consacrée au cinéma d'animation. Ce film qui multiplie les références à La Guerre des étoiles vaut plus pour la poésie et la beauté de ses images que pour son scénario qui reprend beaucoup de lieux communs de la science-fiction traditionnelle. Si certaines scènes comme le combat en apesanteur valent le détour, elles ne justifient pas forcément un prix qu'on aurait préféré voir dans les mains de l'Argentin Juan Antin, auteur avec Mercano il marciano, d'une hilarante fable sur la globalisation qui flirte souvent avec le burlesque et l'absurde de façon épatante.
Takashi Miike : nouveau film culte en vue !
Mais si on a ri devant Mercano, on a peut-être ri davantage devant La Mélodie du malheur, Prix du jury de la compétition officielle. Cette comédie musicale, véritable ôde au mauvais goût et aux provocations en tout genre, semble promise, comme beaucoup de films de son auteur Takashi Miike, à un avenir de film culte. Elle met en scène une famille, les Katakuri, qui croit coûte que coûte au bonheur et tentera de préserver l'unité familiale malgré les cadavres qui s'amoncellent dans son jardin. Parodie déjantée des grands classiques hollywoodiens, dont La Mélodie du bonheur auquel le titre français se réfère, La Mélodie du malheur permet une nouvelle fois à Miike de porter un regard ironique et volontiers destructeur sur les valeurs de la société nippone.
Robert Parigi seul contre tous
Plus classique mais non moins dénué d'ironie corrosive, Love object de l'Américain Robert Parigi, Prix de la critique internationale, raconte l'obsession d'un employé de bureau pour une poupée en latex. Sa réussite tient surtout dans sa capacité à susciter l'inquiétude sans aucun effet horrifique. Comme dans A Tale of two sisters (Deux soeurs) et Session 9, le fantastique prend ici sa source dans la psychose du héros, tellement déshumanisé par son travail de rédacteur de modes d'emploi qu'il ne peut s'attacher qu'à un être artificiel. En mélangeant fable sur les fantasmes sexuels masculins et portrait d'une entreprise paternaliste, Robert Parigi réussit une comédie noire sur les relations humaines qui a convaincu les critiques et lui permet d'être le seul cinéaste non asiatique de la compétition à remporter un prix.
Yannis Polinacci et Frédéric Leconte
Le palmarès du 11e Festival du film fantastique de Gérardmer :
Grand Prix :
A Tale of two sisters (Deux soeurs), de Kim Jee-Woon (Corée-du-Sud)
Prix du Jury
La Mélodie du malheur, de Takashi Miike (Japon)
Prix de la critique internationale
Love object, de Robert Parigi (Etats-Unis)
Grand Prix du jury jeunes de la région Lorraine
A Tale of two sisters (Deux soeurs), de Kim Jee-Woon (Corée-du-Sud)
Grand Prix Anim'arts
Wonderful days, de Kim Moon-Saeng (Corée du Sud)
Grand Prix du court métrage fantastique
La Collection de Judicael, de Corinne Garfin (France)
Prix des inédits vidéo fantastiques
My Little Eye, de Marc Evans (Grande-Bretagne)
Prix littéraire fantastique
Immortalis, roman d'Elias Jabre (éditions du Masque)
Clément Cuyer