Cet acteur fut surnommé "l'homme aux mille visages", et cette légendaire création toujours inégalée est le sommet de sa carrière
Olivier Pallaruelo
Olivier Pallaruelo
-Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

Lon Chaney fut l'un des acteurs les plus brillants de son époque. En 1925, sa fabuleuse composition sous les traits d'Erik, alias le Fantôme de l'Opéra, fut le sommet de sa carrière, et horrifia les spectateurs. Retour sur une création de génie.

Authentique génie de la pantomime, Lon Chaney, qu'on surnomma à juste titre "l’homme aux 1000 visages" fut un des acteurs les plus polyvalents à l’aube du cinéma. Longtemps assimilé –à tort- par la critique et le public à un registre de personnages torturés, défigurés et souvent grotesques, Lon Chaney fut pourtant un authentique acteur caméléon tout au long de sa brève carrière, riche de près de 160 films.

Gangsters, clowns, personnages historiques, asiatique, pirate… Il était capable de tout jouer, au point de devenir à lui seul une marque de fabrique dont il fut l’unique représentant. Il fut aidé en cela par sa profonde connaissance du maquillage, allant même jusqu’à signer l’article relatif à cet art dans la très prestigieuse Encyclopaedia Britannica.

Loin de sombrer dans l’oubli, son extraordinaire travail sur ses rôles de compositions a notamment inspiré toute une génération de maquilleurs professionnels du cinéma, comme Tom Savini ou l’incontournable et légendaire Rick Baker, sept fois oscarisé pour son fabuleux travail.

"Rends-moi effrayant et répugnant !"

En 1925, avec sa composition d'Erik, le Fantôme de l'Opéra de Paris, Chaney est au sommet de sa carrière. "J'ai travaillé avec Lon pendant des années, expérimentant un maquillage après l'autre" racontait le caméraman Virgil Miller, qui avait photographié Chaney dans plusieurs films avant Le Fantôme de l'Opéra. "Il disait : 'Virg, rends-moi effrayant et répugnant, mais en même temps, fais en sorte que le public m'aime. Il a toujours voulu être aimé."

C'est Lon Chaney qui créé son apparence, rappelant le visage d'un mort-vivant. Le secret entourant cet atroce visage fut bien gardé jusqu'à l'avant-première du film. Effet garanti : les spectateurs furent absolument horrifiés.

On raconte que même l'actrice Mary Philbin, qui incarne la chanteuse d'opéra et objet du désir du fantôme dans le film, ne savait pas à quoi ressemblait le visage maquillé de l'acteur sur le tournage. Ce n'est que lorsqu'elle lui enlève le masque qu'elle le découvre, tandis que les caméras tournent. Sa réaction, tétanisée, ne relève pas tout à fait du jeu d'actrice...

Revoici la séquence, légendaire..

"J'ai obtenu la tête de mort de ce rôle sans porter de masque"

"On suppose que j'ai développé un processus magique pour déformer mes traits et mes membres. C'est un art, pas de la magie. Dans Le Fantôme de l'Opéra, les gens s'exclamaient devant mon maquillage étrange. J'ai obtenu la tête de mort de ce rôle sans porter de masque.

C'était l'utilisation de peintures dans les bonnes nuances et aux bons endroits, -pas dans les parties évidentes du visage — qui donnait l'illusion complète de l'horreur" dira Lon Chaney, dans des propos rapportés par ce passionnant billet écrit par l'historien du cinéma Scott MacQueen à propos du film.

Ajoutant : "Mes expériences en tant que régisseur de scène, qui étaient vastes et variées avant que je ne me lance dans le cinéma, m'ont beaucoup appris sur les effets de lumière sur le visage de l'acteur et les petites astuces de tromperie. Tout est une question de combinaison de peintures et de lumières pour créer la bonne illusion".

Pour créer son horrible visage mutilé; Lon Chaney utilisa comme modèle une planche en couleurs du fameux illustrateur et peintre André Castaigne, qui avait travaillé sur une version illustrée du livre de Gaston Leroux.

Lon Chaney et sa fameuse trousse de maquillage sur le film. Reddit
Lon Chaney et sa fameuse trousse de maquillage sur le film.

Les contours de ses pommettes furent rehaussés de l'intérieur en ajoutant de la ouate de rembourrage dans ses joues, tandis qu'une calotte crânienne proéminente augmentait la hauteur de son front de plusieurs centimètres pour accentuer le sommet du crâne; sa couronne chauve étant entourée de mèches de cheveux aplaties.

Enfin, Chaney dessina et accentua au crayon les sillons de son front, tout en veillant à masquer l'endroit où la calotte crânienne rejoignait son propre front. Ses oreilles, quant à elle, furent collées contre son visage.

"Il a souffert, vous savez..."

Lorsqu'on dit que Chaney était tout entier au service de son art, ce n'est pas une formule vaine. Il était même prêt à souffrir pour cela : des fils de guidage cachés sous le mastic tiraient douloureusement ses narines vers le haut, élargissant et redressant le propre nez de Chaney.

"Il a souffert, vous savez. Il avait deux fils de fer sur le nez qui le tiraient vers le haut, et parfois ça saignait terriblement. Nous n'arrêtions jamais de tourner. Il souffrait avec ça" racontait Charles Van Enger, le directeur de la photographie du fim, cité dans l'article du site American Cinematographer.

100 ans plus tard, l'effet produit par la fabuleuse création de Lon Chaney est toujours aussi fort. Ce n'est du reste pas pour rien que cette adaptation de l'oeuvre de Gaston Leroux, parmi la multitude, est souvent considérée comme la meilleure jamais réalisée.

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