Une comédie policière… dans le monde des sapeurs !
Prosper, chauffeur Uber à côté de ses pompes, prend comme passager un homme mourant qui vient de se faire tirer dessus. Paniqué, Prosper se débarrasse du corps tout en lui volant sa paire de bottines en crocodile. Mais en les portant, Prosper se retrouve habité par l'esprit de l'homme assassiné : King - un gangster respecté de tous, mais aussi l’un des plus grands rois de la SAPE. Partagés entre ces deux personnalités que tout oppose, Prosper et King, unis dans un seul corps, enquêtent pour démasquer l'assassin de ce dernier.
Présenté en compétition lors de la 28e édition du festival du film de comédie de l’Alpe d’Huez, Prosper est le premier long-métrage du réalisateur Yohann Gloaguen, le scénariste d’Oranges sanguines. Pourtant, loin de rester sur les sentiers battus pour cette grande première, le cinéaste prend le parti de voir grand et de mêler les genres dans un premier film aussi fou qu’ambitieux.
Film policier dont l’intrigue criminelle se situe dans le 18e arrondissement de Paris, Prosper fait la part belle à la SAPE, la société des ambianceurs et des personnes élégantes, un courant de mode particulièrement célèbre lancé dans les années 20 au Congo. “Je me suis rendu dans les quartiers de Château rouge et Château d’eau, à Paris, où j’ai rencontré des sapeurs, notamment Le Bachelor, Monsieur Robby et Arlene Peleka qui jouent dans le film, explique le réalisateur. J’ai beaucoup appris à leurs côtés.

[La SAPE] est un mouvement d’élégance vestimentaire, unique en son genre, qui mélange mode, culture et résistance sociale. Ce mouvement n’était pas simplement une question de mode, mais aussi une façon de revendiquer une certaine dignité sociale et de contester la domination coloniale.”
L’association des codes du film policier et du milieu de la SAPE vous paraît surréaliste ? Pourtant, Yohann Gloaguen parvient à rendre l’articulation de ces deux entités parfaitement fluide, d’autant que s’imbriquent également à ces dernières des éléments de comédie et de fantastique. Kamoulox ? Loin de là, puisque Prosper parvient à conserver sa cohérence tout du long. Un exploit qui doit beaucoup à son principal interprète : Jean-Pascal Zadi.
“Une opportunité d’explorer plein de sentiers où je n’étais pas encore allé en tant qu’acteur”
Révélé pour son rôle dans Tout simplement noir, pour lequel il fut récompensé d’un César du meilleur espoir masculin et nommé dans la catégorie “meilleur premier film”, Jean-Pascal Zadi est rapidement devenu un visage incontournable du cinéma comique contemporain (Coupez !, L’Année du requin, Fumer fait tousser). Mais pour autant, le comédien ne souhaite pas se limiter à ce registre.
Après une apparition remarquée dans L’Amour ouf, où il apportait déjà une touche de légèreté dans un récit particulièrement dramatique, Jean-Pascal Zadi confirme sa volonté d’explorer les différents univers cinématographiques avec Prosper. Pour lui, le concept d’un film à la croisée des genres était un laboratoire de jeu idéal.
“J’aimais que le scénario mêle le thriller, le fantastique et la comédie, dans un monde rarement représenté au cinéma : celui des sapeurs des quartiers de Strasbourg Saint-Denis ou de Château rouge, explique-t-il. Tous ces éléments m’intéressaient beaucoup car ils m’offraient l’opportunité d’explorer plein de sentiers où je n’étais pas encore allé en tant qu’acteur.”

Pour ce nouveau rôle, Jean-Pascal Zadi repousse la frontière de son jeu encore plus loin en interprétant non pas un, mais deux personnages, diamétralement opposés qui plus est. “D’un côté, je devais incarner King, un gars assuré, un peu sapeur, un peu gangster et de l’autre, il me fallait camper Prosper, un loser plus facile à jouer pour moi parce que je me suis tout de suite senti plus proche de lui (rires). Quand je jouais Prosper, j’étais donc le plus naturel possible et quand j’incarnais King, je me permettais tout ce dont je rêve mais que je n’ose pas faire au quotidien : être fier, éloquent, bomber le torse et me la raconter.”
Cette double performance, particulièrement convaincante, permet au premier long-métrage de Yohann Gloaguen d’articuler parfaitement les divers éléments de son intrigue, pourtant propres à des genres que tout oppose, pour constituer un film cohérent, aussi drôle que social.
Prosper, avec Jean-Pascal Zadi, est à découvrir au cinéma le 19 mars.