Vous vous souvenez tous de cette séquence culte de Maman, j'ai raté l'avion dans laquelle Kevin (Macaulay Culkin) engouffre des boules de glace en regardant un film de gangsters, pensant que cette provocation va conduire ses parents à sortir de leur supposée cachette pour le gronder. Eh bien ce film de gangster n'est pas réel, c'est un faux film qu'il a fallu inventer de toute pièce, et l'équipe y a mis tout son cœur.
Un titre improvisé
C'est d'ailleurs la première séquence du film à avoir été tournée, probablement car elle ne nécessitait pas la présence du casting principal. Une sorte de mise en jambe. Il est d'abord tourné sans titre, jusqu'à ce que quelqu'un réalise sur le plateau que pour l'insert de Kevin mettant la VHS dans le magnétoscope, il faut mettre un titre sur la tranche de la cassette.
Ce sera "Angels with Filthy Souls", en référence au film "Angels with Dirty Faces" : "Nous voulions vraiment rendre hommage au film [Les Anges aux figures sales], mais nous ne l'avons pas beaucoup regardé. Nous voulions juste retrouver l'ambiance des films de gangster classiques", confirme le directeur photo de Maman, j'ai raté l'avion, Julio Macat, à THR.
Une journée de travail pour 1 minute et 20 secondes
"Être à Chicago nous a vraiment aidé, nous avions des acteurs de théâtre...", se souvient Macat. "J'ai compris tout de suite que [Ralph Foody] venait du théâtre car il était plus vrai que nature. Nous avons tout tourné en une journée, très rapidement."
Ralph Foody incarne Danny (Johnny en VO) et était en effet un homme de théâtre qu'on avait pu voir au cinéma dans Nico et Le Contrat. Snakes, lui, était joué par Michael Guido, vu dans le soap La force du destin.
Dans ce petit film d'1 minutes et 20 secondes, Snakes apporte de la "came" à un certain Danny, qui lui demande de la poser sur le pas de la porte et de "foutre le camp". Sauf que Snakes exige de repartir avec l'argent que Danny lui doit, au moins "20% en cash". Ce dernier sort alors sa mitrailleuse et ordonne à Snakes de déguerpir. Le truand s'exécute, mais est tout de même abattu par l'impitoyable Danny. C'en est trop pour le petit Kevin McCallister, qui fait immédiatement pause et appelle sa mère.
Pour recréer cet atmosphère de film noir, il a fallu tout de même beaucoup travailler, comme le rappelle Julio Macat : "J'ai déniché chez Kodak de la pellicule noir et blanc ASA, ce qui signifie qu'il y a des lumières puissantes pour l'exposition. Nous avions besoin de trois ou quatre fois plus de lumière que la normale. Puis nous avions de forts éclairages à l'arrière qui embrumaient la pièce et nous fournissaient l'obturation typique des films noirs. J'ai employé des filtres anti-brouillard doubles et de les associer avec les lentilles de la caméra et un compensateur devant les objectifs pour atténuer encore plus les hautes lumières."
Une attention au détail montrant que même pour une séquence courte et sans réel impact sur la narration, l'équipe a pris cette reconstitution des films de gangsters des années 30 très sérieusement. Mais pour se permettre ce genre de précision, il fallait des moyens qu'il a été difficile d'obtenir.
Une erreur stratégique de Warner
Alors que le tournage se préparait chez Warner, le studio commençait à trouver que le film coûtait bien cher pour une petite production de Noël dont ils estimaient le coût de fabrication à 10 millions de dollars. Le réalisateur Chris Columbus a compris qu'il ne pourrait pas faire le film qu'il voulait avec Warner et a transféré le projet à la Twentieth Century Fox, qui lui a accordé ce dont il avait besoin.
Résultat : Maman, j'ai raté l'avion est devenu le 3e plus grand succès de l'année 1991 au box-office américain, rivalisant avec les blockbusters Robin des Bois, prince des voleurs (Warner) et Terminator 2, le jugement dernier (TriStar). Une belle erreur de la Warner, qui se serait retrouvée avec deux films dans le top 3 et qui cette année-là aura du mal à sortir d'autres grands succès.