Révélé grâce à Tabou, qui montrait déjà son amour du noir et blanc, puis son adaptation en trois parties des Mille et une nuits, Miguel Gomes était jusqu'ici un habitué du Festival de Cannes... mais seulement de la Quinzaine des Cinéastes, où il avait présenté cinq longs métrages (ou trois, si l'on considère que ses Mille et une nuits forment une seule et même oeuvre). 2024 aura été l'année du changement pour le réalisateur portugais, qui a enfin eu les honneurs de la Compétition.
Et inscrit son nom au palmarès, le jury de Greta Gerwig ayant été sensible aux qualités esthétiques de ce Grand Tour qui, dans un noir et blanc sublime, raconte la recherche d'un fonctionnaire de l’Empire britannique (Gonçalo Waddington) par la femme qu'il devait épouser (Crista Alfaiate) dans l'Asie de 1918. Un récit tour-à-tour exigeant et hypnotique, mais surtout très cinématographique dans sa manière de faire penser au muet, et d'inclure le 7ème Art dans son histoire. Mais qu'ont pensé les spectateurs du voyage ?
Avec une moyenne de 3,1 sur 5 obtenue à partir de 52 notes*, Grand Tour est pour le moment le troisième meilleur film de Miguel Gomes, derrière Le Désolé (3,8), second volet de ses Mille et une nuits, et Tabou (3,5), et au même niveau que L'Enchanté, troisième opus de sa trilogie.
Que pensent les spectateurs de "Grand Tour" ?
"Pendant 40 minutes, j'ai cru voir le pire film de l'année 2024, après 2h08, j'ai compris que j'avais vu le meilleur film de l'année 2024", écrit Tumtumtree (5 sur 5), visiblement passé par toutes les émotions. "Miguel Gomes a récidivé mais en plus radical (...) Tabou et Grand Tour : deux chefs-d'œuvre en regard. Deux dispositifs pour fabriquer un récit. Deux preuves sans doute que Miguel Gomes, comme Antonioni et Amalric, préfère voir le monde à travers le regard des femmes, plutôt que celui des hommes. Deux signes d'espoir que le très grand cinéma, inventif, profond et parfois exigeant, n'est pas mort."
Même si sa note n'est "que" de 4 sur 5, takeshi29 n'était pas non plus conquis d'emblée : "Autant le cinéma de Miguel Gomes peut être parfois un peu sentencieux autant ici il nous emporte dans des aventures ludiques et foisonnantes, parfois même très amusantes, avec une idée de mise en scène (la récompense cannoise est là amplement méritée) par plan, une photographie tantôt couleur tantôt noir et blanc, absolument somptueuse. Du GRAND bonheur à déguster sur GRAND écran."
Mais il n'est pas le seul a reconnaître que son trophée cannois est mérité : "Hypnotique, un prix mise en scène à Cannes et on comprend pourquoi !", s'enthousiasme anton_voyl (4 sur 5). "À la lisière du doc et du film expérimental, un des objets cinématographiques les plus fascinants de l’année indéniablement !" Même son de cloche (et même note) chez Dafunk : "Totalement hypnotisant et magique. Un trip sensoriel qui mérite totalement son prix de la mise en scène à Cannes !"
"Un trip sensoriel qui mérite totalement son prix de la mise en scène à Cannes"
"Une très belle découverte : on voyage, on est ému, la bande son est géniale. Prix de la mise en scène à Cannes mérité !", complète Thomas Ordonneau (4,5 sur 5) alors que Naughty Doc (3 sur 5) ne remet pas non plus en cause le choix du jury ("Prix de mise en scène mérité pour ce nouveau Miguel Gomes !"). Mais c'est du côté de du récit que le bât blesse selon lui : "Le trip devient comme un rêve éveillé, mais contrebalancé par des personnages à l'arc narratif très secondaire. Il faudra attendre la dernière partie pour commencer à voir un peu d'incarnation dans son personnage féminin. Un déséquilibre qui l'empêche d'être à un niveau supérieur."
En parlant d'un "dispositif narratif (...) pour le moins déconcertant", Abus Dangereux (3,5 sur 5) va dans le même sens : "Tout cela est exigeant pour le spectateur, le film arrive parvient néanmoins à nous prendre dans ses mailles au fil de la projection grâce aux diverses rencontres que font les personnages, grâce à une très belle photo, aux décors et effectivement grâce à une mise en scène minimaliste. Difficile de conseiller ce film, et impossible à déconseiller si l’on a envie de vivre une séance de cinéma différente comme de nier son côté poétique et fascinant."
"Qui n'espérait pas retrouver la magie de Tabou dans Grand Tour, le nouvel opus de Miguel Gomes, encore plus expérimental, toujours romanesque et très travaillé ?", interroge traversay1 (2,5 sur 5), qui avait visiblement envie d'aimer. Mais non : "C'est très beau, dans l'ensemble, avec la nostalgie du noir et blanc mais est-ce normal d'aussi peu se passionner pour une intrigue à double détente, un voyage en Asie quelque peu fantasmée, au temps des colonies ? L'émotion n'est jamais vraiment au rendez-vous, la fascination devant un tel ouvrage dépendant, elle, de la capacité à oublier que, derrière l'illusionniste Miguel Gomes, se cache un artiste conceptuel et un théoricien du cinéma qui privilégie la tête au cœur."
"Le rythme languissant et le manque d’enjeux finissent par lasser, rendant cette aventure ennuyeuse à l’écran"
Ce qui, sous la plume de MADELEINE ELSTER (2,5 sur 5 également), se dit ainsi : "Miguel Gomes fait de belles images léchées. Problème: on est au cinéma et non pas au Musée. Ennuyeux." "Malgré cette esthétique, à la fois poisseuse et fascinante, le film laisse une impression mitigée", abonde Cinéphiles 44 en lui donnant la même note. "Le rythme languissant et le manque d’enjeux finissent par lasser, rendant cette aventure ennuyeuse à l’écran."
"Grand Tour est d'une lenteur écrasante", regrette Lenny Moland (1,5 sur 5). "Le film est à peine regardable seulement grâce à la voix off qui explique tout le scénario." "Ok l’image est parfois belle mais on comprend globalement rien si on est pas initié au travail de Gomes et un art compliqué est un art snobe et sans intérêt à mon sens", conclut Ak F (1 sur 5), qui lui donne la plus basse des notes recensées à ce jour.
En résumé
C'est (très) beau. Mais... Si tous les internautes reconnaissent les qualités plastiques de ce Grand Tour et qu'il a bien mérité son Prix de la Mise en Scène, le cinéma exigeant de Miguel Gomes diviser selon que l'on parvient à se laisser embarquer par le voyage qu'il nous propose. Ça passe ou ça casse donc, mais l'expression "se faire son propre avis" est tout à fait appropriée ici.
Et vous ? Qu'avez-vous pensé de Grand Tour ?
* Notes arrêtées le jeudi 28 novembre 2024