L'Histoire du cinéma est constellée d'exemples de films qui sont complètement passés sous le radar, pour diverses raisons. Des oeuvres parfois devenues rares, peu ou jamais diffusées à la télévision. Mais qui méritent pourtant d'être largement découvertes. Encore que cela relève là aussi parfois du véritable parcours du combattant...
Voici trois sacrées pépites, qu'on aimerait bien avoir un jour au moins en DVD, idéalement en Blu-ray. Surtout lorsqu'on regarde avec envie des pays voisins autrement mieux servis. Dans tous les cas, des oeuvres et des raretés qu'il faut voir !
La Vallée perdue (1971)
Le formidable succès -mérité- de la série Shogun a, par bonheur, fait redécouvrir l'oeuvre d'un grand écrivain et scénariste hélas bien trop méconnu du grand public : James Clavell. On lui doit notamment les scripts de grands classiques du cinéma américain. La Mouche noire, en 1958, qui fera l'objet d'un remake par David Cronenberg. La Grande évasion de John Sturges. Les Anges aux poings serrés, qu'il réalise également; un classique de la filmographie de Sidney Poitier sorti en 1967. Clavell fut d'ailleurs nettement plus productif en tant que scénariste que réalisateur : à peine trois films au compteur.
En 1971, il écrit et réalise un pur chef-d'oeuvre, qui reste, 53 ans après sa sortie, encore bien trop méconnu : La Vallée perdue. Si le film a été diffusé à la TV, encore que ce soit au compte-gouttes, il n'a hélas jamais fait l'objet d'une parution en DVD chez nous. Encore moins en Blu-ray. Hormis une antique VHS éditée en 1991, le film reste donc totalement invisible sur support physique depuis. A moins de se tourner vers l'import.
Le film se déroule en 1637, durant la terrible guerre de Trente Ans, qui mit l'Europe à feu et à sang, opposant les Catholiques aux Protestants. Vogel (Omar Sharif), un intellectuel, ancien professeur, essaye d'échapper aux maraudeurs, à la famine et à la peste. Traversant une forêt, il arrive par hasard dans une vallée située dans le Tyrol, apparemment intacte et miraculeusement épargnée par les ravages de la guerre. Mais il est suivi par une compagnie de mercenaires qui entre également dans la vallée, menée par leur chef, baptisé "le Capitaine"...
En voici la bande-annonce...
Athéiste, James Clavell livre avec ce film un brillant examen des querelles religieuses (mais pas que) qui ensanglantèrent l'époque, et comment le traumatisme de cette guerre affecte chacun des personnages du film. Il fit d'ailleurs polémique à ce sujet à sa sortie, et fut même boycotté par les églises évangéliques aux Etats-Unis, ainsi que l'Eglise Catholique romaine.
Si La Vallée perdue fut semble-t-il un beau succès au box office en Grande-Bretagne, il fut en revanche un terrible échec au box office international, accusant même une perte de plus de 7 millions de dollars. Une cruelle injustice. Clavell mettra des années à s'en remettre, avant de retrouver le succès avec la série Shogun, première du nom, en 1980.
Sous les traits du Capitaine, un homme nihiliste et athée, Michael Caine livre une fabuleuse composition; une des meilleures de son immense carrière. Tourné justement dans le Tyrol autrichien offrant de merveilleuses images contrastant avec la dureté de son récit, La Vallée perdue est en outre nimbé de l'une des plus belles partitions musicales de l'immense compositeur que fut John Barry. En clair, une merveille absolue.
Fondu au noir (1980)
Dans la galaxie des très rares pépites invisibles depuis des décennies, Fondu au noir (Fade to Black en V.O) se pose là. C'est bien simple, non seulement le film n'est jamais passé à la TV, mais il n'a de surcroît jamais été édité en DVD chez nous, de la même manière que Le Diable en boîte, dont nous avions longuement parlé ici.
Réalisé par Vernon Zimmerman, qui a complètement disparu de la circulation depuis et n'a réalisé qu'une minuscule poignée de films, l'oeuvre jouit d'une belle réputation parmi les cinéphiles ayant eu la chance de le découvrir.
Fade to Black, c'est l'histoire d'Eric Binford. Très timide, seul, il gagne sa vie comme livreur de bobines de films et d'affiches au sein des studios de cinéma. Mais le moteur même de son existence, c'est de voir à longueur de journée des films.
Fréquemment maltraité, trahi et moqué par ses collègues, Eric se réfugie de plus en plus dans l'univers de ses films fétiches et ses héros, bons ou mauvais. Lorsqu'une série d'événements malheureux font basculer sa santé mentale déjà précaire, Eric entre alors dans une rage meurtrière incontrôlable. Désormais connu sous le nom du Celluloid Killer, il tue ses victimes en s'inspirant des scènes et de ses personnages préférés...
Produit par Compass International, la société qui avait distribué deux ans auparavant le Halloween de John Carpenter, Fade to Black a connu une production très chaotique, et même poursuivi en justice en décembre 1980 par une société du nom de William Boyd Enterprises Inc, qui réclamait 15 millions $ de dommages et intérêts parce que l'oeuvre utilisait des images de Hopalong Cassidy, un cow boy fictif dont elle détenait les droits.
Logiquement bourré de références cinéphiliques que les aficionados se font un plaisir de pointer, le film est porté par l'acteur Dennis Christopher, qui avait joué dans les solides Breaking Away et Les Chariots de feu, et qu'on retrouvera quelques années plus tard comme membre de la bande d'ados dans le (génial) téléfilm Ca.
Dans cette déclaration d'amour (fou, évidemment) au cinéma et la descente aux enfers qui s'ensuit, l'acteur est en outre épaulé par un bon casting, au milieu duquel on trouve Morgan Paull (le Blade Runner tué par le personnage de Léon au début du film de Ridley Scott), un Mickey Rourke encore débutant. Et même un sosie de Marilyn Monroe incarnée par l'éphémère actrice Linda Kerridge, justement connue pour sa ressemblance avec l'icône.
Aux sources du Nil (1990)
Figure importante du Nouvel Hollywood dans les années 1970, qui aura grandement contribué à la carrière de son ami Jack Nicholson grâce aux films Cinq pièces faciles et au remake du Facteur sonne toujours deux fois, Bob Rafelson ne fut pas un cinéaste particulièrement prolifique, avec onze films à peine en 34 ans de carrière.
En 1990, il signa un fabuleux film d'aventures : Aux Sources du Nil. Un film comme on n'en a plus fait durant des décennies, jusqu'à ce que James Gray ne ravive la flamme avec The Lost City of Z, qui fut hélas un très douloureux échec en salle.
L'histoire, authentique, débute en 1854. Deux hommes se rencontrent à Aden : Richard Burton, aventurier (il fut pour l'anecdote le premier occidental à rentrer clandestinement dans la ville sainte de La Mecque, un crime passible de la peine de mort à l'époque), poète, ethnologue et traducteur de textes érotiques; et John Hanning Speke, animé d'une ambition effrénée. A Londres, ils décident de retourner en Afrique afin de résoudre un mystère qui, depuis longtemps, intrigue les Anglais : trouver l'emplacement exact des sources du Nil.
En voici la bande-annonce...
Le projet de faire un film sur ces deux explorateurs de légende remontait en réalité à la fin des années 60, avec Franklin J. Schaffner aux commandes. Il faudra finalement attendre la parution de la biographie Burton & Speke écrite par William Harrison et publiée en 1982 pour que le projet se remette sur de bons rails.
Baigné par la fabuleuse photo signée par Roger Deakins, Aux Sources du Nil est un récit flamboyant, émouvant et même cruel, une histoire d'amitié mais aussi de rivalité, portée par un merveilleux duo d'acteurs. Patrick Bergin, sous les traits de Richard Burton, et Lain Glen, absolument parfait dans son rôle de John Hanning Speke. Un acteur que les fans de Game of Thrones connaissent bien, puisqu'il y incarnait Jorah Mormont.
Hormis une antique VHS, ce film n'a jamais été édité en DVD chez nous, encore moins en Blu-ray. Peut-être que le terrible et profondément injuste échec en salle du film, qui n'a ramassé que 4 millions $ au box office à l'international (c'est dire la violence de la gifle), y est pour quelque chose ? On lance donc un vibrant appel de détresse à un éditeur qui serait assez charitable pour éditer ce très grand film d'aventures.