Voyage inoubliable, devoir de mémoire
“En 1899, les frères Lumière envoient leur opérateur Gabriel Veyre tourner des images dans l’empire colonial français. Au Cambodge, il filme le Ballet royal.”
C’est sur ces quelques mots de contexte que s’ouvre La Beauté du geste, et dans le même temps, le voyage de ses spectateurs qui les entraînera à travers l’espace et le temps pour découvrir le Ballet royal cambodgien.
Une tradition dont l’histoire et la pratique semblent encore aujourd’hui assez lointaines aux populations occidentales. Pourtant, comme le rappelle habilement l’introduction du long-métrage, le Cambodge a demeuré près d’un siècle sous la protection de l’État français, doublant donc l’intérêt historique et artistique de ce documentaire.
Filmés avec une délicatesse égalant celle du Ballet royal cambodgien, les mouvements des danseuses autant que les éléments d’archives, croquis préparatoires colorés d’aquarelle ou étoffes centenaires, se dévoilent devant les yeux ébahis des spectateurs comme autant de trésors exotiques. Pourtant, l’influence de cet art ancestral sur la culture occidentale est indéniable et le ramène à une réalité bien plus proche de nous qu’il n’y paraît.
Invité en 1906 à découvrir une représentation du Ballet royal, Auguste Rodin s’est lui-même émerveillé de ce qui marquera son œuvre à jamais. “[Ces danseuses] m’ont appris des mouvements que je n’avais jamais rencontrés nulle part, écrivait alors le sculpteur, ni dans la statuaire, ni dans la nature.”
Ces mouvements élégants, ces gestes précis et pourtant si délicats, sont filmés avec tout autant de finesse par la caméra discrète de Xavier de Lauzanne, le réalisateur. Son objectif s’invite et vous entraîne lors des répétitions, en coulisses, et bien sûr en scène pour se faire témoin des secrets de l’art du ballet cambodgien, aussi sublime qu’éminement politique.
Le retour remarqué d’un cinéaste clairvoyant
Une fois de plus, le cinéaste Xavier de Lauzanne se fait gardien de la mémoire pour préserver les images de cet art ancestral dont les techniques se perdent parfois au cours de l’Histoire.
Après Les Pépites, noté 4,6 étoiles sur 5 par une communauté AlloCiné conquise, 9 jours à Raqqa, sélectionné au Festival de Cannes, et En toute Liberté sorti l’année dernière, le réalisateur signe son grand retour avec un nouveau long-métrage où l’émerveillement visuel va de pair avec un nécessaire devoir d’instruction et de mémoire.
Si Les Pépites avait éveillé la curiosité de pas moins de 200 000 spectateurs (une performance mémorable pour un documentaire), La Beauté du geste ne manquera certainement pas de trouver son public.
Une merveille de poésie et d’Histoire, à découvrir dès maintenant au cinéma.