Un voyage au cœur de l’intimité féminine
Dissimulée sous sa tunique immaculée comme sous une armure de fer, le regard invisible derrière ses lunettes de soleil opaques, Claudine parcourt le même trajet chaque mardi : elle prend place dans le bus, à côté de la fenêtre d’où elle observe le panorama, longe le barrage désert, atteint finalement l’hôtel de montagne où elle s’invite chaque semaine. Là, avec la complicité du jeune maître d’hôtel (Adrien Savigny), elle s’arrange pour rencontrer des hommes de passage, les séduire le temps d’un après-midi, avant de les quitter.
Ce que ces hommes ignorent, c’est que derrière sa façade de séductrice en série, cette humble couturière élève seule son fils Baptiste (Pierre-Antoine Dubey), en situation de handicap. Et Claudine, elle, ne se doute pas qu’il suffirait d’un mardi, d’une rencontre, pour tout changer dans sa vie…
“Laissez-moi est le récit d’émancipation d’une mère dévouée, d’une amante exigeante, d’une amoureuse inspirée, d’une femme qui nous emmène le temps d’un été dans son monde”, explique le réalisateur de ce premier long-métrage, Maxime Rappaz. Mais au-delà du travail d’écriture de ce dernier, le personnage de Claudine doit aussi beaucoup à son interprète, Jeanne Balibar.
“Mère dévouée, amante exigeante, amoureuse inspirée”
Habile couturière, le personnage de Claudine est une femme de l’aiguille et de la mesure, dont chaque pan de la vie est dissimulé derrière un épais ourlet. Cette femme aux multiples vies cachées, mère et amante à la fois, se dévoile néanmoins à mesure que les couches de tissu qui l’entourent semblent se déchirer.
Ce travail de dévoilement du personnage, tout en délicatesse, est avant tout celui de l’actrice choisie pour l’incarner. Récompensée d’un César de la meilleure actrice pour Barbara en 2018, nommée à cinq reprises pour ses performances dans J’ai horreur de l’amour, Sagan ou encore Illusions perdues, la comédienne n’a plus à faire ses preuves. Pourtant, son rôle de Claudine dans Laissez-moi lui permet de repousser plus que jamais les limites de son jeu pour parvenir à des subtilités jamais atteintes, dont Maxime Rappaz s’avoue admiratif.
“J’avais déjà pensé à Jeanne Balibar pour mon dernier court métrage, déjà séduit par son allure, sa distinction, sa diction à nulles autres pareilles. Je lui ai demandé de lire le scénario de Laissez-moi, qui l’a convaincu. Je cherchais une femme qui puisse jouer un rôle de mère, d’amante, d’amoureuse. Qui sache jouer sur plusieurs registres, celui du quotidien, la couture, son fils, et celui des échappées en hauteur où elle se manifeste en femme plus expansive lorsqu’elle provoque des rencontres avec des inconnus à l’hôtel.”
“Une femme élégante et mystérieuse dont se dégage une espèce de mélancolie simplement émouvante. La force d’interprétation de Jeanne Balibar a apporté une richesse de nuances et d’ambivalences déterminante au personnage de Claudine.”
Car si le réalisateur s’attarde d’abord à montrer le quotidien millimétré de Claudine, ce n’est que pour mieux déconstruire en profondeur son apparente solidité à l’arrivée d’un imprévu dans l’équation. La machine à coudre s’enraye alors et le tissu se déchire, permettant à une Jeanne Balibar au sommet de son art de se révéler sous l’étoffe perdue.
Laissez-moi, avec Jeanne Balibar, est à découvrir dès le 20 mars au cinéma.