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    Hommage à Grégoire "Grégou" Lassalle : l’ancien patron d'AlloCiné nous a quittés
    Yoann Sardet
    Rédacteur en chef depuis 2003 - Fan de SF et chasseur de faux raccords et d’easter-eggs, cet enfant des 80’s / 90’s découvre avec passion, avidité et curiosité tous types de films et séries.
    Co-écrit avec :
    Vincent Garnier - Guillaume Martin

    Clown, assistant metteur en scène, cadre chez Pathé, patron d'AlloCiné, "Grégou" de Merci qui, humanitaire engagé… Grégoire Lassalle a eu 1000 vies. Il s’est éteint ce mercredi 1er novembre à l’âge de 68 ans.

    Julien Philippy

    C’est l’histoire d’un patron pas comme les autres. Un monsieur qui aura définitivement marqué l’histoire de notre maison noire et jaune, et à qui nous souhaitions rendre hommage en cette triste journée, marquée par sa disparition à l’âge de 68 ans. Une histoire digne d’un biopic qui, à défaut d’être tourné, sera écrit à travers ces quelques lignes.

    Certains l’appelaient Monsieur Lassalle, d’autres Grégoire, d’autres encore "Grégou" ou "Cornélius". Grégoire Lassalle était tout ça à la fois. Ancien clown formé à l’école Fratellini avant de porter le nez rouge pendant sept ans (sous le nom de Cornélius), il officia par la suite en tant qu’animateur radio ou organisateur d’événements au CNIT de La Défense, avant de bifurquer vers l’aventure du 7e Art. Rien de surprenant, finalement, pour cet enfant de Cannes qui préférait sécher les cours pour assister au festival.

    Dans le cinéma, Grégoire multipliera là encore les expériences : assistant à la mise en scène auprès de Claude Berri, programmateur et directeur marketing pour Pathé, conseil en communication… jusqu’à l’aventure AlloCiné. Celle dans laquelle nous l’avons côtoyé pendant plus de dix ans, nous qui écrivons ces lignes avec une émotion réelle. Et celle à laquelle il a donné un sens. Et un esprit.

    En 2003, l’aventure noire et jaune aurait tout simplement pu s’arrêter. La bulle internet venait d’éclater, le groupe Vivendi cherchait à s’en séparer et la société -loin d’être rentable- devait être revendue. Au mieux. Les acheteurs ne se bousculaient pas. Sauf un, Grégoire. L’ancien directeur commercial devenait alors patron. Ou plutôt "chef de village", comme il aimait se qualifier. Un dirigeant proche de ses équipes, un brin paternaliste, mélange étonnant de bonne humeur, de sens des affaires, de vista, de culot et de courage.

    Grégoire aimait jouer. Il n’avait jamais peur d’essayer. Et il en fallait, du courage, pour relancer AlloCiné (en partie avec ses fonds personnels) à l’heure où beaucoup nous disaient de ne pas nous embarquer dans ce bateau digital en pleine tempête. Il en fallait aussi pour confier aux jeunots que nous étions (entre 23 et 28 ans à l’époque), la tête du projet éditorial AlloCiné. Avec une confiance et un soutien tels que nous n’avons jamais douté. Alors qu’il y avait toutes les raisons de le faire.

    C’était ça Grégoire, un Capitaine en qui nous n’avons jamais senti de peur ou de doute. Une bonne idée, échangée sur un coin de table ou entre deux portes, avait toujours sa chance. Et c’est ainsi que nous avons pu lancer La Minute, Merci qui ?, Dedans AlloCiné ou Faux Raccord. Sans Grégoire, pas de Grosse Voix & Petite Voix. Pas de Michel et Michel. Et évidemment, pas de Coach & Grégou.

    Merci qui ?, programme infotainment qui racontait les anecdotes des plus grands films à travers les aventures d’un tandem aussi mal assorti qu’irrésistible, est une aventure au sein de l’aventure. Durant 250 épisodes, Coach & Grégou (et Cristobald) nous ont fait tellement rire… A l’écran, bien sûr, mais aussi dans les locaux de l’entreprise où cette vraie fausse vie d’AlloCiné était tournée au milieu des véritables employé·es et open spaces. Une sorte de The Office, mais en vrai, qui sera prolongé par deux saisons de Dedans AlloCiné, websérie où Grégoire aimait tant s’amuser avec son image de patron.

    Bien sûr, la vie d’entreprise n’est pas un long fleuve tranquille. Grégoire avait ses défauts. Il y a eu parfois des désaccords, des maladresses, des incompréhensions, des tensions, des erreurs, des engueulades. Mais au final, que reste-t-il ? Des souvenirs impérissables de fous rires, de balades nocturnes en scooter sur la Croisette, de poursuites en Père Noël en pleins bureaux (!), d’une arrivée à Cannes en nage-papillon (!!), d’échanges lunaires avec des guests-stars de renom (!!!)…

    Et surtout d’envie et de confiance. On essaie. On voit ce que ça donne. Mais surtout on essaie. Et on s’amuse. Des formats vidéo, un magazine print, une chaîne de télé, des avant-programmes en salles, des sites internationaux… Rien n’aurait été possible sans Grégoire. Il a été le maître d’œuvre et l’âme de ce moment charnière de la vie d’AlloCiné sans lequel notre aventure n’aurait sans doute pas atteint les 30 bougies soufflées cette année.

    Si nous devions retenir un souvenir résumant notre aventure sous sa direction, ce serait peut-être ce jour où nous planchions sur la dernière de Merci qui ?. Une spéciale Slumdog Millionaire que nous souhaitions terminer en chanson, en invitant le maximum de collaboratrices et collaborateurs à danser au son de la chanson Jai Ho.

    La réponse de Grégoire a été simple, claire et directe : "Achetez le DVD du film, prenez votre après-midi et travaillez la chorégraphie, puis demain matin prenez mon bureau et apprenez-la à toute l’entreprise… et demain après-midi on tourne." Ce jour-là, dont nous chérissons particulièrement le souvenir, nous avons donc été payés... à danser. Toutes et tous ensemble. Improbable, mais vrai. Et tellement chouette.

    Après l’aventure AlloCiné, Grégoire avait poursuivi son chemin dans la production vidéo, puis dans la production cinéma, attachant son nom à quelques longs métrages. Depuis, entre fonds d’investissement et activités de business angel, il s’était engagé dans un projet citoyen (il n’aimait pas le terme humanitaire), le Fonds de Dotation Cornélius, pour "rendre à la vie une partie de tout ce qu’elle m’a donné". 1000 vies, disions-nous. C’était tout ça Grégoire…

    C’était aussi, il faut le dire, un cabotin. On est clown ou on ne l’est pas. Et gageons qu’il n’a pas choisi innocemment ce 1er novembre pour partir. Pour nous, ça ne sera plus jamais la Toussaint, mais le jour du nez rouge, celui où nous avons dit au revoir, entre larmes sincères et souvenirs joyeux, à notre ancien "chef de village" noir et jaune. Et où nous prendrons désormais, chaque année, quelques minutes pour évoquer nos souvenirs et "anecdoques" de lui.

    Merci (qui ?) pour tout, Grégou. C’était du lourd, du très très lourd.

    Yoann, Vincent G., Guillaume, Clem, Fred, Alex, Le Coach, Cristobald, Laetitia F., Olivier, Laetitia R., Thomas, Vincent F., Clément C., Brigitte et toute l’équipe AlloCiné

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