Attention, ce classique du cinéma n'est pas à mettre devant tous les yeux : sorti en France en 1956, il est l'unique film de son réalisateur, et le meilleur rôle de son acteur principal Robert Mitchum. Il s'agit évidemment de La Nuit du chasseur, actuellement disponible sur Amazon Prime Video.
L'histoire est celle d'Harry Powell, un prédicateur dévoyé sortant tout juste de prison. Cherchant à mettre la main sur le magot caché par son ex-co-détenu, il se rend chez sa veuve et ses deux enfants. Sa présence et son insistance à trouver l'argent va peu à peu provoquer le malaise de toute la famille.
Comment une histoire si simple peut-elle être entrée dans l'Histoire du cinéma ? Cela tient à plusieurs facteurs, dont le premier est peut-être sa façon de raconter un conte (deux enfants malmenés et manipulés par un "ogre", un monstre) en le couplant à de sombres thématiques et à des problèmes du réel (récupérer de l'argent).
Il y a dans les rapports entre le prédicateur et les enfants le même type de malaise dérangeant que l'on peut ressentir dans un film comme Killer Joe, du regretté William Friedkin. Les personnages principaux des deux longs métrages ont en commun de ne pas être recommandables et de se permettre d'imposer aux autres l'impensable ou l'humiliation comme si ces gens leur appartenaient. Une bien dangereuse combinaison.
Et si en raison de l'époque de sa sortie (1956), La Nuit du chasseur ne peut pas aller aussi loin qu'un Killer Joe sorti en 2012, le film de Charles Laughton (son unique réalisation, un point commun qu'il partage avec beaucoup d'acteurs) a largement encore de quoi vous glacer le sang.
Son secret ? Son minimalisme dans les effets, et son assurance que Robert Mitchum saura insuffler au personnage tout ce qu'il faut pour être effrayant, fou et imprévisible. Et en prenant ces décisions, Laughton avait raison. Mitchum agit comme une menace terrifiante et on redoute à chaque mot qu'il n'aille trop loin. Le tout en recourant à très peu d'effets démonstratifs et aucun effet gore.
Expérimental et très sombre pour son époque, La Nuit du chasseur a été un échec commercial total. Mais ses plans inspirés de l'expressionnisme allemand, son parti pris de se placer du point de vue d'un enfant, et sa façon de détourner les codes du conte de fées en ont fait un objet d'adoration cinéphile. A voir ou à revoir sans modération !