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    "Je ne pense pas à un jeune de 13 ans en Pennsylvanie qui regarde les films sur son téléphone portable" : Nanni Moretti fait du cinéma pour le grand écran
    Vincent Garnier
    Vincent Garnier
    -Rédacteur en chef
    Cinéphile omnivore, Vincent « Michel » Garnier se nourrit depuis de longues années de tous les cinémas, sans distinction de genres ou de styles. Aux côtés de Yoann « Michel » Sardet, il supervise la Rédac d’AlloCiné et traque les Faux Raccords.
    Co-écrit avec :
    Clément Cuyer

    Deux ans après "Tre Piani", Nanni Moretti revient à Cannes avec "Vers un avenir radieux", où il renoue avec sa veine semi-autobiographique, régalant les spectateurs de sa vision personnelle du cinéma et de la politique.

    Palme d'or en 2001 pour La Chambre du fils et Prix de la mise en scène pour Journal intime en 1994, Nanni Moretti est ce qu'il est convenu d'appeler un habitué de Cannes. Deux ans après avoir présenté Tre Piani en Compétition, c'est donc logiquement qu'il revient avec son nouveau film, Vers un avenir radieux.

    L'année 1956

    Et pour son retour sur la Croisette, il renonce au drame pour livrer une comédie au ton doux-amer et volontiers mélancolique. Dans Vers un avenir radieux, il campe un réalisateur qui s'emploie à réaliser un projet consacré au Parti communiste italien dans les années 1950, et s'intéresse plus particulièrement à l'année 1956, marquée par la répression féroce des mouvements d'émancipation des pays inféodés à Moscou.

    Un financement particulièrement compliqué met bientôt en péril le tournage. La faute en incombe entièrement à son producteur, magnifique margoulin cinéphile, interprété par un Mathieu Amalric en grande forme. Pour le réalisateur commence alors un chemin de croix pour trouver des producteurs fiables. Et comme si les obstacles n'étaient pas assez nombreux, sa femme (Margherita Buy, une habituée du cinéma de Moretti) a décidé de le quitter. Avec les années, elle ne supporte plus d'être le faire-valoir du cinéaste et sa psychorigidité n'a fait que creuser le fossé entre les époux.

    Le moment Netflix

    Avec Vers un avenir radieux, et comme à son habitude, Moretti parle autant de lui que de politique, culturelle cette fois-ci. Et le constat est pour le moins rude. En témoigne cette réunion avec des cadres de Netflix, qui se proposent de financer le projet moyennant quelques ajustements pas franchement du goût du créateur. La plateforme attend notamment un moment "What the fuck" dans le film, laissant notre héros sans voix. La scène est comique, mais Moretti n'en donne pas moins un point de vue sans appel, comme il l'a confirmé au cours de la conférence de presse du film.

    "Je continue à penser à écrire des scénarios, à réaliser des films, en pensant aux salles de cinéma."

    "Bien sûr, je n'avais pas envie de prendre un nom inventé comme Starflix. Je parle de Netflix. Et Netflix, dans ce film, symbolise tous les réseaux. Il n'y a pas que Netflix, il y a Amazon, Disney, etc. Il y a une chose qui me déplaît, c'est que de nombreux réalisateurs, de nombreux scénaristes, s'en remettent docilement aux plateformes. Et en ce qui me concerne, il faudrait continuer à s'investir sur le plan émotionnel, psychologique mais aussi économique sur le cinéma. Voilà non seulement ce que je pense, mais aussi ce que je vis. Lorsque j'ai un film qui me vient à l'esprit pour le réaliser, je ne pense pas à un jeune de 13 ans en Pennsylvanie qui regarde les films sur son téléphone portable en prenant le métro. Non, je fais un film en ayant à l'esprit une salle de cinéma, obscure, où des spectateurs viennent voir des images beaucoup plus grandes qu'eux. Et je continue à penser à écrire des scénarios, à réaliser des films, en pensant aux salles de cinéma."

    Trottinette électrique

    Signe des temps, Moretti a troqué sa célèbre Vespa contre une trottinette électrique pour sillonner les rues. Mais c'est la seule et unique concession que le cinéaste fait ici à la modernité. Pour le reste, on retrouve intacts son amour du cinéma, son goût pour la nostalogie et sa passion pour la chanson populaire italienne, dont il inonde le film, allant même jusqu'à oser la chorégraphie sur certaines rengaines. Le résultat est un miracle d'élégance.

    En pré-retraite à 69 ans ?

    Si le réalisateur pas encore septuagénaire n'a rien perdu de son mordant, il se montre désabusé devant un monde qu'il comprend moins et dont il n'attend plus grand-chose. A ce titre, la scène finale est éloquente, qui montre une parade joyeuse où apparaissent les visages familiers des films de Moretti (Jasmine Trinca, Rohrwacher...). La musique est entraînante, les sourires généreux, mais le signe d'au revoir que le cinéaste adresse au spectateur laisse dubitatif. Serait-ce la fin ? Et le titre du film de sonner comme une antiphrase assez amère. Pas si radieux que ça finalement, l'avenir.

    Vers un avenir radieux sort dans les salles françaises le 28 juin 2023.

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