ÇA PARLE DE QUOI ?
Beau tente désespérément de rejoindre sa mère. Mais l’univers semble se liguer contre lui…
L'ODYSSÉE DU PHOENIX
Il n'aura fallu que deux films à Ari Aster pour se faire un nom auprès du public. Si certains connaissaient son style grâce à ses courts métrages, Hérédité a fait de lui une valeur montante de l'horreur, avant que Midsommar ne vienne confirmer son statut. Et faire de lui l'un des chefs de file de l'elevated horror, pendant art et essai (et donc plus respectable aux yeux de quelques-uns) d'un genre trop souvent pris de haut.
Quatre ans après avoir emmené Florence Pugh dans un voyage enflammé en Suède, le cinéaste américain s'offre les services de Joaquin Phoenix. Et c'est peu dire qu'il ne le ménage pas (et nous non plus) dans cette relecture cauchemardesque et contemporaine de "L'Odyssée", qui marque autant les esprits grâce à sa durée homérique (presque trois heures) qu'à son imprévisibilité.
Longtemps appelé Disappointment Blvd., Beau is Afraid donne souvent l'impression que quatre films se sont donnés rendez-vous au sein d'un même récit, ce que des spectateurs pourraient d'ailleurs lui reprocher. Mais cela montre que le talent d'Ari Aster ne se limite pas qu'à un seul registre, quand bien même sa faculté à créer une sensation de malaise fait figure de fil rouge dans son œuvre, avec un rythme aux allures de montagnes russes ici, quand ses précédents longs faisaient monter la tension progressivement.
"La première partie kafkaïenne lance l'histoire, tandis que la seconde partie ressemble à une comédie noire", explique Nathan Lane, interprète d'un médecin que Beau croise au cours de son périple. "La troisième partie est plus surréaliste, et la dernière va vers des endroits imprévisibles." Et un peu trop explicatifs, pourrions-nous ajouter à cette description qui ferait un bon synopsis pour ce film qui, s'il risque de diviser pour son côté inconfortable, est à voir en salles.
Ne serait-ce que pour se plonger totalement dans l'ambiance de ce long métrage, le premier dont son auteur a eu l'idée, avant même ses courts métrages, et qu'il présente comme celui qui lui ressemble le plus : "Il contient ma personnalité et ma vision de l'humour."
Laquelle, sans grande surprise, est très noire et ressemble à une manière d'extérioriser ses angoisses. A l'image des scènes avec un Denis Ménochet incroyablement terrifiant, le public risque de rire jaune alors qu'Ari Aster démontre que la comédie et l'horreur reposent sur des mécanismes similaires.
FOLLE ÉCHAPPÉE
Contrairement à Joker, où la folie de ce qui l'entoure finissait par le transformer en symbole, Joaquin Phoenix semble subir les événements avec un regard halluciné et une prestation beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. Dans un récit que Parker Posey, au cœur de l'une des séquences les plus surprenantes, qualifie de "cauchemar kafkaïen" quand Ari Aster évoque "une odyssée freudienne".
Ce qu'il se passe à l'écran est autant visuel que psychologique. Et rappelle à quel point la famille et le rapport entre mère et enfant est source d'inspiration et d'angoisse pour le réalisateur américain. A ceci près que sa thérapie se fait caméra en main, devant un public qu'il sait secouer, surprendre et ne pas laisser indifférent.
Il vaut d'ailleurs mieux ne pas trop en savoir sur Beau is Afraid avant d'entrer dans la salles, pour mieux apprécier ses ruptures de ton et de style, ou les motifs qui trouvent un écho d'un segment à l'autre. Mais une chose est sûre : il sera compliqué de faire plus imprévisible et déstabilisant en 2023 au cinéma.