Après La Moindre des choses en 1997 qui nous entraînait dans la préparation d'une pièce de théâtre aux côtés des patients et des soignants de la clinique psychiatrique de La Borde et De Chaque Instant (2018), qui nous plongeait dans un institut de Formation en Soins Infirmiers, Nicolas Philibert reste dans le milieu médical avec Sur l'Adamant.
Ce nouveau documentaire suit les patients de L’Adamant, un Centre de Jour unique en son genre : c’est un bâtiment flottant. Édifié sur la Seine, en plein cœur de Paris, il accueille des adultes souffrant de troubles psychiques, leur offrant un cadre de soins qui les structure dans le temps et l’espace, les aide à renouer avec le monde, à retrouver un peu d’élan.
Un film fort et touchant qui s'intéresse véritablement aux patients et s'attarde sur leurs préoccupations, leurs envies, ce qui les touche et les amuse. Avec beaucoup d'humilité, Nicolas Philibert pose sa caméra et nous fait découvrir les êtres humains qui se rendent dans ce centre et participent aux nombreux ateliers proposés par les soignants.
Au mois de février dernier, Sur l'Adamant a remporté la récompense suprême lors de la Berlinale : l'Ours d'or. Le cinéaste français s'est ainsi vu remettre le prix des mains de la Présidente du Jury, Kristen Stewart. Cette dernière s'est d'ailleurs fendue d'un discours touchant, prouvant ainsi que certains documentaires peuvent être plus cinématographiques qu'une fiction.
Un film encensé par Kristen Stewart
La comédienne américaine affirmait ainsi : "Depuis des milliers d’années, on tourne en rond pour essayer de définir ce qui peut être considéré comme de l’art. Qui est autorisé à le faire et ce qui en détermine la valeur.(…) Ce film place la réflexion, le sentiment, le son et l’image relatifs à ces questions à un niveau profond, à un niveau humaniste, qui nous a tous touchés et submergés au sein du jury.
C’est la preuve cinématographique de la nécessité vitale de l’expression humaine, et c’est magistralement réalisé. (…) Les paramètres invisibles établis par l’industrie et l’académisme n'ont aucune chance face à ce film."
Etonné et bouleversé, Nicolas Philibert a déclaré en récupérant son prix : "Dans ce film nous ne distinguons pas toujours le patient du soignant et ce n'est pas grave. Comme nous le savons, les gens les plus fous ne sont pas ceux que l'on croit."
21 ans après avoir créé l'événement avec le documentaire Être et Avoirqui suivait les enfants et l'instituteur d'une classe unique en Auvergne, Nicolas Philibert réitère donc avec Sur l'Adamant. Présenté en sélection officielle à Cannes et nommé dans la catégorie Meilleur film aux César, Être et Avoir avait fait venir plus d'1,8 millions de spectateurs en salles. Un exploit pour un film documentaire non-animalier.
Premier volet d'un triptyque
Sur l'Adamant est d'ailleurs le premier volet d’un triptyque. Nicolas Philibert a tourné le second volet à Esquirol (Charenton) au sein des deux unités intra-hospitalières qui relèvent du pôle Paris centre. Le cinéaste explique dans le dossier de presse : "Il repose en grande partie sur des entretiens individuels entre patients et psychiatres. On y retrouvera quelques patients filmés sur l’Adamant, et d’autres. Il est en cours de montage."
Concernant le dernier volet, il ajoute : "Le troisième film regroupera des visites à domicile, effectuées chez des patients, par des soignants. Il n’a pas encore son titre définitif. Cette fois encore on y retrouvera quelques visages connus. Il est presque entièrement tourné, et en partie monté. Mais j’insiste sur un point : les trois films sont complètement autonomes. Nul besoin d’avoir vu le premier pour voir les suivants. On pourra les voir dans l’ordre que l’on veut, n’en voir qu’un seul, etc."
Il s'agit donc de trois films totalement indépendants les uns des autres ayant pour autant un sujet commun : la psychiatrie et pour cadre le pôle psychiatrique Paris-centre.
"La psychiatrie est un miroir grossissant qui en dit long sur notre humanité"
Un sujet que le cinéaste connaît et qui le stimule beaucoup. Nicolas Philibert résume : "J’ai toujours été très attentif et très attaché au monde de la psychiatrie. Un monde à la fois dérangeant et j’ose le dire comme ça, très stimulant : il nous donne constamment à réfléchir sur nous-mêmes, sur nos limites, nos failles, sur la marche du monde.
La psychiatrie est une loupe, un miroir grossissant qui en dit long sur notre humanité. Pour un cinéaste c’est un champ inépuisable.
Par ailleurs, en vingt-cinq ans, la situation de la psychiatrie publique s’est considérablement dégradée : restrictions budgétaires, fermeture de lits, manque de personnel, démotivation des équipes, vétusté des locaux,... Ce déclin a sans doute constitué une motivation supplémentaire. Il n’y a jamais eu d’âge d’or, mais on entend de toutes parts que la psychiatrie est à bout de souffle, complètement délaissée par les pouvoirs publics. Comme si les « fous » on ne voulait plus les voir. (...) Dans ce contexte très dévasté, un lieu comme l’Adamant semble un peu miraculeux, et on peut se demander jusqu’à quand il va tenir."
Sur l'Adamant est à voir en salles dès ce mercredi 19 avril.