Après une incursion dans les séries avec A Very English Scandal, Quiz et State of the Union, le cinéaste britannique Stephen Frears revient au cinéma avec The Lost King.
Le réalisateur de The Queen s'intéresse ici à une incroyable histoire vraie : celle de Philippa Langley, une passionnée d’Histoire qui, sur une simple intuition et malgré l’incompréhension de ses proches, a voulu rétablir la vérité autour de Richard III, l’un des monarques les plus controversés de l’Histoire. Cette dernière est à l'origine de la découverte, sous un parking de Leicester, du squelette du Roi, mort en 1485.
Et c'est la comédienne britannique Sally Hawkins qui incarne l'héroïne fantasque de ce film passionnant. Elle partage l'affiche avec Harry Lloyd qui prête ses traits à Richard III, et Steve Coogan, qui coécrit le film aux côtés de Jeff Pope et de Mark Addy.
Outre le fait de mettre en lumière cette incroyable histoire vraie, The Lost King rend hommage à une femme qui s'est battue, malgré les réticences de sa famille et des universitaires, pour suivre son intuition et rétablir la vérité historique sur un roi bien différent du personnage cruel et bossu imaginé par William Shakespeare. Un travail titanesque dont le mérite a ensuite été attribué à l'Université de Leicester.
Ce que le public a réellement retenu de cette histoire, c'est que la dépouille de Richard III a été retrouvée dans un parking en 2012. Mais les circonstances de cette trouvaille, aussi invraisemblables soient elles, ont été oubliées.
L'histoire de femmes ignorées et oubliées par la société
Jeff Pope, l'un des scénaristes du long-métrage, explique : "Au départ, c’est ce gros titre dans un journal qui nous a inspirés : ‘Une mère de deux enfants, originaire d'Edimbourg, a retrouvé la dépouille d’un roi disparu dans un parking".
Avant tout, c’est une histoire vraie. C’est l’histoire de femmes ignorées et oubliées par la société - de gens modestes qui ne s’en laissent pas compter. Et qui ne prennent pas toujours ce qu’on leur raconte pour parole d’évangile".
Également scénariste, le comédien Steve Coogan, qui incarne l'ex-mari de Philippa dans le film, ajoute : "Les gens n’aiment pas l’injustice. Ils aiment les histoires à la David et Goliath – et c’en est une dans la mesure où elle oppose une simple amatrice à tout un système institutionnel."
Au départ personne ne croit Philippa, ni ses suppositions basées sur ses intuitions. Cependant, quand ses recherches aboutissent, l'Université de Leicester s'attribue tout le mérite de son travail et Philippa est la grande oubliée de l'Histoire.
Jeff Pope raconte : "En creusant son parcours, on s’est aperçu que cette femme avait fait preuve d’une formidable persévérance et ténacité. Et que sa détermination avait fini par payer. Elle a réussi à se mettre dans la poche la police, les médias, les experts archéologiques, les historiens bousculés dans leurs certitudes qui la méprisaient – et elle a refusé d’abandonner le combat."
Philippa Langley : une femme passionnée par l'image de Richard III
Si l'histoire de Philippa a été condensée pour les besoins du film, cette dernière a en réalité fait des recherches durant plus de 7 ans avant de localiser la dépouille de Richard III.
Philippa Langley a commencé à s’intéresser au Roi en achetant une biographie de Paul Murray Kendall en 1998. Elle souligne : "L’auteur s’était servi de sources datant de l’époque de Richard pour évoquer l’homme. C’est ce que j’ai trouvé de profondément fascinant car il en brossait un portrait aux antipodes de celui de Shakespeare. On a la preuve qu’il était loyal, courageux, pieux et juste".
Dès lors, cette mère de famille se lance dans de longues recherches afin de faire éclater la vérité. Dès 1998, Philippa Langley intègre la Richard III Society et crée la section écossaise un an plus tard. Elle entame des recherches et découvre que la tombe du roi se trouve très probablement dans l'ancienne église Greyfriars.
Une bonne intuition
Lors d'une conférence, elle rencontre l'historien John Ashdown-Hill qui lui dit que la dépouille doit se situer dans un espace à ciel ouvert car les anciens lieux de culte sont encore sanctuarisés. Par conséquent, aucun bâtiment n'a dû être construit dessus.
Philippa Langley se rend alors dans différents parkings du centre de Leicester et a une intuition en se rendant dans celui des Services Sociaux où elle aperçoit la lettre R sur le sol.
En comparant différentes cartes elle s'aperçoit - avec l'aide de l'archéologue Richard Buckley - que les restes de l'église se situent dans une zone couvrant aujourd'hui trois parkings du quartier de Greyfriars. Dont celui des Services Sociaux...
Suivant son intuition et avec les cartes à l'appui, Philippa Langley va tenter de trouver des mécènes afin de financer les fouilles. Mais les résultats du radar afin de définir si quelque chose se situe sous le parking ne sont pas concluants et les donateurs potentiels se retirent. Philippa organise alors une collecte de fonds et parvient à débloquer la somme nécessaire. Elle dirige les fouilles avec Richard Buckley.
Le 25 août 2015, l'équipe trouve des tibias mais refuse de creuser une nouvelle tranchée. Philippa insiste et les archéologues de l'Université acceptent finalement à contrecœur. Pourtant quelques heures plus tard, le squelette d'un homme souffrant visiblement de scoliose et présentant une plaie au crâne est mis à jour.
L'ADN récupéré dans une dent du squelette est comparé à celui de descendants du Roi Richard III, retrouvés par l'historien John Ashdown-Hill. Le couperet tombe après des tests au carbone 14 : il s'agit bien de la dépouille de Richard III. Très vite, l'université de Leicester s'attribue la découverte en omettant de citer le travail de Philippa.
Richard III a droit à des obsèques officielles dans la cathédrale de Leicester, le 26 mars 2015.
La même année Philippa Langley reçoit un MBE (Member of the Most Excellent Order of the British Empire), la troisième plus haute distinction de l'Ordre de l'Empire britannique pour "services à l'exhumation et à l'identification de Richard III".
Pourquoi Richard III a-t-il une aussi mauvaise image ?
Si Richard III est l'un des plus célèbres Rois d'Angleterre, c'est notamment grâce à William Shakespeare qui fait de lui le personnage central de sa pièce "The Life and Death of Richard the Third", en 1591 (soit 100 ans après sa mort).
Décrit par l'auteur comme un tyran sanguinaire, laid et bossu qui aurait fait emprisonner ses neveux afin d'accéder au trône, Richard III fut le dernier Monarque de la Maison des Plantagenêts.
Il est tué le 22 août 1485 sur le champ de bataille de Bosworth Field. Sa dépouille est transportée dans la ville voisine de Leicester et enterrée sans cérémonie. Son corps a été déplacé durant la période de la Réforme. On a d'ailleurs longtemps cru, à tort, que sa dépouille avait été jetée dans la rivière Soar.
Le texte de Shakespeare est considéré comme la version la plus communément acceptée de la vie de Richard III et donc comme avéré par tous. Et Philippa Langley va remettre en cause la véracité des écrits du célèbre auteur qui travaillait pour les Tudors, les ennemis des Plantagenêts.
Interrogée pour la rédaction du dossier de presse du film, Philippa Langley explique : "Beaucoup de gens estiment que les pièces de Shakespeare reflètent une réalité historique avérée. Mais il faut se rappeler que sa pièce a été écrite plus d’un siècle après la mort de Richard. Elle s’appuie sur un témoignage de Thomas More qui avait 5 ans à l’époque où Richard était roi."
Elle ajoute : "Quand Shakespeare a écrit son Richard III, il l’a dépeint d’une manière particulière : très petit et toujours vêtu de noir. Shakespeare emploie le terme le moins pertinent qui soit – “bossu” – et il imagine un type tout rabougri et boiteux.
La cyphose est beaucoup plus grave que la scoliose. Or, la dépouille de Richard III a révélé qu’il souffrait de scoliose. Quand il était habillé, on n’aurait jamais cru qu’il avait la moindre infirmité."
Après avoir dressé le portrait de la reine Elizabeth II dans The Queen et nous avoir conté l'histoire d'amitié improbable entre la Reine Victoria et un jeune employé de la Cour venu d'Inde dans Confident Royal, Stephen Frears participe ici à la réhabilitation de Richard III.
Avec The Lost King, il dresse également le portrait d'une femme qui s'est battue envers et contre tous et qui a réussi à faire éclater la vérité. Un film passionnant à voir au cinéma dès ce mercredi 29 mars.