Nous sommes en 1943, la Seconde guerre mondiale fait rage, mais à Hollywood, l'industrie cinématographique poursuit sa marche. Ernst Lubitsch, cinéaste américain d'origine allemande, est arrivé aux Etats-Unis en 1922 et sort de Jeux dangereux, alias To Be or Not to Be, une comédie parodiant le conflit et tournant en dérision Hitler.
Le public pouvant voir le film (car en Europe par exemple, il sortira des années plus tard) boude le projet, et juge qu'il est trop tôt pour rire de la situation.
De son côté, l'actrice Gene Tierney sort de deux mal reçus et boudés : China Girl d'Henry Hathaway (1942) et Rings on Her Fingers de Rouben Mamoulian ainsi que Thunder Birds: Soldiers of the Air (1942), dont elle est la star mais dont le public saluera surtout les prouesses aériennes mises en scène par William A. Wellman.
Après avoir été engagé par la Fox pour tourner Le Ciel peut attendre (Heaven Can Wait), Lubitsch va se montrer intraitable sur le plateau, criant à tue-tête, comme comme s'en souvient Gene Tierney dans ses mémoires :
Lubitsch était un tyran (...), le réalisateur le plus exigeant. Après une scène qui avait pris de midi à 17h à mettre en boîte, j'étais quasiment en pleurs de l'entendre me crier dessus.
Mais l'actrice ne s'est pas démontée et dès le lendemain, est allé voir son metteur en scène pour reparler de la situation une bonne fois pour toute :
"Je suis allée le trouver pour le regarder dans les yeux et lui dire : 'M. Lubitsch, je suis prête à faire de mon mieux, mais je ne peux juste pas continuer à travailler sur ce film si vous persistez à me crier dessus'." La réponse du cinéaste fut sans appel :
Je suis payé pour vous crier dessus.
Ce à quoi, sans se démonter, la comédienne de 23 ans lui a répondu :
"C'est vrai, et je suis payée pour l'encaisser, mais pas assez."
Lubitsch s'est esclaffé et dès lors, Tierney et lui ont terminé le tournage dans les meilleures conditions. Pour l'anecdote, l'actrice découvrira qu'elle est enceinte de son premier enfant, Daria, sur le plateau du Ciel peut attendre. Le long métrage sera nommé à trois Oscars, dont celui de Meilleur réalisateur.
Pour mémoire, il existe un autre film titré Heaven Can Wait / Le Ciel peut attendre, avec Warren Beatty sorti en 1978, et qui n'a rien à voir puisqu'il est le remake non pas du film de Lubitsch mais du Défunt récalcitrant, film de 1941.