AlloCiné avait rencontré Alain Resnais à l'occasion de la sortie de "Vous n'avez encore rien vu". Prétexte à une conversation au long cours, où il est question de théâtre, d'"Avatar", de la série "Alias", d'Agnès Varda, Lewis Carroll ou Chris Marker... Interview : Julien Dokhan
Jean Poiret et Michel Serrault dans "Assassins et voleurs" de Sacha Guitry
J’aime beaucoup Assassins et voleurs, que j’ai vu au moins 2 ou 3 fois. Je ne peux pas me comparer à Sacha Guitry, bien sûr, mais j’ai vu toutes ses pièces, avec lui sur scène -ce qui est très important ! Je n’ai pas connu la période Yvonne Printemps, mais je l’ai vu avec Jacqueline Delubac et Lana Marconi, avec toujours la même admiration. Le plaisir qu’il donnait sur scène était intense. Comme beaucoup d’autres metteurs en scène, j’ai bondi de joie en découvrant au cinéma Le Roman d'un tricheur. Je serais ravi qu’on voie une influence de Guitry sur moi…
Il vient du théâtre mais a recours dans ses films à des procédés purement cinématographiques...
On lui a reproché de faire du théâtre filmé, mais ce préjugé est tombé depuis une dizaine d’années, et on s’aperçoit que ses films ont un style particulier, avec une désinvolture absolue. Ce passage du théâtre au cinéma ne posait pas de problème pour lui, j’aimerais donner ce sentiment aussi. L’autre jour, à la radio, le metteur en scène roumain Lucian Pintilie disait qu’il travaillait avec les acteurs exactement de la même façon au théâtre et au cinéma. J’ai envie de dire la même chose : ou bien on croit aux personnages, ou bien on n'y croit pas : c’est mon seul critère. Une des critiques qu’on fait sur mon travail, c’est de dire que mes acteurs ont toujours l’air d’être sur scène. C’est vrai que ça me plait ainsi. J’aime dire au spectateur : "Voulez-vous jouer avec môa (pour citer une pièce de Marcel Achard !) ?" On est dans une salle de cinéma, je n’essaie pas de faire croire que c’est vrai, que ce sont des non-professionnels qui jouent. J’aime ce genre de film en tant que spectateur, mais je ne me sens pas capable de les faire. J’aime bien qu’on sente qu’on se trouve face à un acteur. Par exemple avec Guitry, on se laissait emporter par sa voix, ses gestes… Je retrouve un phénomène équivalent quand je vois Orson Welles, qui ne joue pas du tout de façon naturelle, ou Laurence Olivier, Katharine Hepburn… J’aime les acteurs qu’on reconnait dès qu'ils apparaissent.
Avez-vous déjà songé à mettre en scène une pièce de théâtre ?
Non : le fait de modifier sans cesse un spectacle de deux heures, c'est trop compliqué pour mon cerveau... Au cinéma, c’est un grand soulagement : on tourne 3 minutes par jour, bonnes ou mauvaises, mais qui restent là. On n’essaie pas de faire mieux ou autrement. Alexandre Astruc souhaitait avoir un an pour faire un film, alors que Truffaut disait : "Si on me donne un an, je panique !" Je suis du côté de Truffaut : ça m’aide de savoir que j’ai 3 mois pour faire le film, ça devient concret. Bien sûr, on choisit les plans en salle de montage, mais le choix n’est pas illimité. Alors qu’au théâtre, on peut constamment remettre en question la mise en scène et le jeu, même après le début des représentations. C’est trop difficile pour moi…
On dit souvent qu’un film se fait contre le précédent. Après "Les Herbes folles", qui était votre première adaptation de roman, vous revenez à un matériau théâtral en adaptant "Eurydice"...
C’est plus compliqué que ça. Quand j’ai commencé à faire du cinéma, j’étais certain d’une chose : je ne voulais pas adapter de roman, parce que les lecteurs ont imaginé eux-mêmes le physique des personnages, que ce soit Madame Bovary ou D’Artagnan. Donc si on les fait incarner par des acteurs, il y a forcément une déception. L’autre gros inconvénient, c’est que le spectateur qui a lu le roman connait déjà l’histoire… J’ai donc fait appel à des écrivains, mais à condition qu’ils aient un lien avec le théâtre. J’associais déjà à l’époque dialogues de théâtre et dialogues de cinéma. Et la question que je me posais, c’était : peut-on faire un film sans respecter la chronologie de l’intrigue ? Pour mon premier film, Marguerite Duras a relevé le défi d’écrire un film avec moi, Hiroshima, mon amour, en toute liberté, en acceptant de casser l’intrigue. J’ai continué avec d’autres écrivains, que je choisissais pour leur sens du dialogue. J’étais à la recherche du « son ». Il y a 3 ou 4 ans, le producteur Jean-Louis Livi m’a proposé de faire un film à condition que ce soit à partir d’une pièce de théâtre. Je suis tombé sur un roman de Christian Gailly, qui m’a semblé beaucoup plus théâtral que les pièces que je lisais alors. Ca a donné Les Herbes folles. C'était la première fois que je n’adaptais pas un texte de théâtre ou un scénario original. Je ne peux pas dire que j’ai adapté cette fois Eurydice « contre » "Les Herbes folles", mais c’est vrai que j’essaie de me renouveler, de « ne pas resservir le même plat ».
Dans "Vous n'aviez encore rien vu", des comédiens rejouent des rôles qu'ils ont joués dans le passé. L'expression familière "être habité par un personnage" prend tout son sens...
Ca me fait penser à toutes ces théories : est-ce l’habit, le maquillage de l’acteur qui font le rôle, ou est-ce que, comme le disait Simone Signoret, le rôle doit naître de l’œsophage ou de la colonne vertébrale, et peu à peu envahir le reste du corps ? Ca dépend des comédiens : certains utilisent beaucoup leurs émotions personnelles en cherchant des équivalences et d’autres se demandent quels gestes produire, comment faire apparaître tel sentiment… Les deux sont créatifs, c’est une question de tempérament. Moi, je m’adapte à ce que va faire le comédien.
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