Non seulement de loin la meilleure série de tous les temps, mais également un des plus beaux chef-d'oeuvres audiovisuels jamais créé. La série fait passer les films cultes du genre (Goodfellas, Casino, Heat...) pour des court-metrages beaucoup trop romancés. Sombre, réaliste, Les Soprano ne tombe jamais dans la violence facile, ou la surdramatisation. Les dialogues ne se contentent pas d'être une suite de piques bien placées, ou de menaces fougueuses parsemées d'insultes comme on le voit trop souvent dans les ténors du genre. Ici, chaque ligne est réflechie et a son importance. Car la finalité des Sopranos, c'est à la fois de nous faire voyager dans le monde de la Mafia, bien moins brillante et luxueuse qu'à Hollywood, et également d'explorer la psychologie humaine complexe des differents protagonistes. On est loin du Parrain incarné par un Marlon Brando mysterieux et inaccessible, ici, Tony Soprano et les autres personnages se révelent peu à peu, dans toutes les circonstances possibles et inimaginables, pour au final se mettre totalement à nu devant le spectateur. C'est simple, David Chase ne nous cache rien du quotidien de ces "wiseguys". Il suffit d'ajouter à ça le meilleur jeu d'acteur jamais vu dans une série, et une réalisation de très (très très) haute volée, pour obtenir une oeuvre absolument complete et aboutie. Aucune incohérence, aucun raccourci, David Chase évite soigneusement et avec une facilité déconcertante tous les clichés du genre, pour mener au final à un scénario imprévisible, mais toujours logique. Les quelques twists qui accompagnent l'histoire s'inscrivent toujours dans la continuité de l'oeuvre, et les (rares) scènes de violences et de réglements de compte sont réalisés d'une main de maître, et restent bien loin des éxecutions surréalistes à la chaîne de Goodfellas, bien que le ton décisif de leur réalisation semble directement s'inspirer du chef-d'oeuvre de Scorcese.
Bien entendu, la série ne plaira pas à tout le monde. Le rythme est lent, et on est bien loin du divertissement pur et immédiat procuré par la plupart des séries actuelles. Certaines scenes n'auront d'ailleurs aucune influence sur le reste de l'histoire. Car les Sopranos n'est pas une oeuvre linéaire autour d'un bon scénario, il s'agit d'histoires complexes aux multiples embranchements. Logique, évidemment, puisque Chase nous montre la vie quotidienne des mafieux. Et non, le quotidien des mafieux n'est pas que drogues, sexe, trahisons, costards et argent. Bien sûr, tous ces élements sont présents, mais ne constituent que la partie emergée de l'iceberg. C'est le reste qui importe le plus au final. Les angoisses, rêves et fantasmes, liés à la vie sentimentale, familiale et sociale des protagonistes conferent aux Sopranos cette dimension humaine et réaliste, à des années-lumières du romantique, du tape-à-l'oeil, et du dynamisme exageré dont nous autres spectateurs sommes honteusement friands. Un rythme lent, certes, mais aucune longueur, et aucun ennui. C'est simple, David Chase voulait rendre hommage a Scorcese et à Copolla, et finalement, l'élève a dépassé le maître.