7 épisodes qui représentent 6h33 et racontent une histoire complète dont il n'est pas gênant de ne pas avoir de suite. C'est l'adaptation d'un roman de Walter Tevis de 1983 que j'ai lu il y a une quinzaine d'année, il m'avait plu mais je ne m'en souviens pas assez dans le détail pour le comparer à la série. Juste le fait que le décalage de génération et le passage de roman en film fait que l'on ne s'y retrouve pas de la même façon, l'imaginaire et l'adaptation change beaucoup la perception de ce type d'histoire. Il y a des partis pris dans la série qui sont nécessairement assez modaux, ajustés à notre époque même s'ils respectent une chronologie de l'oeuvre de base dans laquelle tout se situe entre la fin des années 1950 et la fin des années 1960, une période de bouleversements importants que ne pouvait pas occulter une adaptation. Malgré cela je pense que le succès exceptionnel de cette série est du fait qu'elle soit bien orientée sur le présent de 2020. Cette histoire est une uchronie mais cela n'est flagrant que pour quelqu'un qui connait l'histoire des échecs. C'est aussi un récit intimiste qui manie toute une série de thématiques correspondantes, une série modale dont l'aspect féministe est on ne peut plus convenu actuellement et une série qui a eu certaines intelligences qui transparaissent plus ou moins mais assez diverses pour former un tout convaincant et contribuer à créer un nouveau genre, une formule assez innovante de série accessible à un large public. Car en parallèle le sujet est suffisamment peu grand public pour que les anachronismes, mélange de noms de vrais et de faux joueurs et autres invraisemblances et approximations soient peu visibles.
L'intelligence de l'ensemble est à saluer mais je ne rejoins pas la note maximale car je trouve qu'il y a beaucoup d'aspects donnés pour réalistes qui sont davantage opportunistes et pour les apparences, bref un peu beaucoup fabriqués. Le tout est un cocktail qui ne va pas au fond, ne traite pas vraiment, la plupart des sujets qu'il aborde tels la surdouance, la drogue ou un héritage familial malsain, même s'il a bon goût. Mais je reconnais l'aspect original et méritoire pour son sujet principal de cet assemblage de chronique réaliste et uchronie avec son succès actuel, succès bien éphémère ? trop tôt pour le savoir.
Cependant en premier lieu l'actrice vedette avec son pendant à l'âge de 8/10 ans emporte l'adhésion par sa concordance et son jeu près du personnage qu'elle incarne en même temps qu'elle le créé par sa personnalité propre. Plus encore cette actrice se place dans une position qui va de cette uchronie, qui relate son ascension, à sa réalité présente où elle est La révélation du jour. En ce sens elle est bien plus proche d'une Marylin Monroe, actrice sex-symbol, que des championnes géorgienne d'échecs de ces années. L'uchronie est comme une réécriture de l'histoire "au profil des vainqueurs" et en cela tire un peu sur la propagande ou définition d'une philosophie qui tend à s'imposer ce qui revient au même. L'américain surdoué des échecs de ces années est absent : Bobby ou Robert James Fischer (1943-2008). La réalité historique est qu'Il aurait peut être été champion du monde dès 1963 (au lieu de 1972) si, au tournoi des candidats de Curaçao de 1962, il n'avait eu à subir un barrage des joueurs soviétiques annulant entre eux, véritable injustice qui l'oppressa peut être toute sa vie et d'une telle évidence que le système du championnat du monde changea ensuite. Dans la série les soviétiques sont presque doux comme des agneaux C'est un air du temps palpable, on est bien loin de la réalité de la guerre froide. Une des intelligences de la série est ainsi de ne pas trop s'être attardée sur des sujets trop rabattu et peu pertinent ou utile dans le cadre du récit, telle l'opposition est/ouest ou misogynie dans les échecs peu montrée, cela lui évite de faire surcharge subtilement.
Les échecs en tant que jeu n'ont jamais jusqu'à présent eu un film qui les représentait aussi bien il me semble comme c'était le fait du roman qui sert ici de base de 1983 de Tevis et du court roman de Zweig écrit en 1938/41. L'intelligence du film tient pas mal à cela : l'attrait du jeu d'échecs y est presque parfaitement retranscrit. Critiqué ou utilisé à certaines périodes comme étant le fait de l'ego, il y a ici des aspects du jeu et des joueurs d'échecs intéressants à découvrir au-delà des préjugés. Des variances (divergences autour d'une moyenne) pour des personnages développés ayant des niveaux de jeu montrés différents avec des façons dont ils sont amenés au jeu, s'y intéressent et s'y investissent. Il y a bien d'autres domaines sinon un très grand nombre où la vanité humaine s'exprime davantage que dans les échecs. Je reste sur cet aspect, il y a beaucoup à dire sur cette série qui a un succès inattendu qui a ses raisons dans le fond et dans la forme. La scène de fin un peu naïve est cependant très humaniste, une belle idée où le partage en jouant aux échecs au contraire d'être un égocentrisme est montré comme particulier, répondant à des attentes humaines sans hypocrisie plutôt joyeuses et euphorisantes dans le respect de l'autre.