Voir Jim Carrey chanter des comptines bébêtes à des poupées géantes échappées du Muppet Show ? Non, vous ne rêvez pas. C'est le pari incroyable de Michel Gondry, qui souhaite revenir sur le parcours de vie (réel, bien que peu connu hors des États-Unis) d'un présentateur télé pour enfants qui a marqué toute une génération avec ses poupées et ses décors barjos. Ici, ledit présentateur est incarné par Jim Carrey, toujours au top de sa forme dans le délire et le pathos mélangés, et Michel Gondry nous rappelle que leur collaboration sur Eternal Sunshine of the Spotless Mind a laissé de très belles traces : psychologie de la perte et du deuil explorée à fond, joie et tristesse simultanée, dérision du temps qui passe... C'est visuellement beau, poétique et intelligent : les pieds qui dialoguent avec leurs postures amoureuses sous la table tandis que "le reste du corps" discutent en haut... Gondry nous rappelle que c'est ce qu'il sait faire de mieux (même si quelques épisodes ne sont pas de lui) et Jim Carrey aussi. Les rebondissements sont bons et la courte durée de la saison permet de rester accrochés à l'intrigue de ce pauvre présentateur télé en deuil et dont l'image publique ne lui appartient même plus (quoi de plus horrible pour une personne qui tente de se reconstruire une identité après une lourde perte émotionnelle, que de se voir voler cette identité ?) Si le speech de départ "Muppet Show" pouvait faire peur sur la maturité de la série, Gondry et Carrey offrent une étude approfondie du deuil, tout en poésie et finesse.
Cependant, lorsque l'on passe à la seconde saison, on se casse la figure autant que si Jeff Pickles avait sauté de sa chute d'eau sans son parachute... On se demande bien ce qui a motivé cette suite, car elle n'est qu'une parodie des atouts de la première : les beaux plans sont casés au forceps (les ralentis intempestifs), il y a un clair manque de poésie et d'émotions (c'est le calme plat), et un ennui profond nous prend rapidement... En bref, la seconde saison, à laquelle Gondry manque beaucoup, n'a rien à raconter, et s'il n'y avait pas le rôle touchant de Jim Carrey, on aurait zappé à coup sûr. Le pire étant peut-être la dramaturgie excessive qui entoure le personnage (déjà très agaçant) de Will... Une seconde saison complètement dispensable, et qui dénature notre souvenir de la série.