A la longue liste des séries policières modernes vient s’ajouter The Fall, thriller en trois temps, trois années de diffusions, 17 épisodes. La série de la BBC Two et d’Alan Cubitt se démarque-t-elle d’une concurrence féroce et si oui, de quelle manière? Telle est la question alors que les différentes chaînes, les distributeurs, nous inondent perpétuellement de polar et autres récits d’influences policières, judiciaires. Dans le cas présent, The Fall, pour la qualité de ses comédiens, pour la finesse de son écriture, pour le cadre nord-irlandais corrosif qu’il propose, mérite clairement le détour. Oui, la série britannique se démarque du tout-venant, se développant très vite comme un brûlot intimiste, une confrontation entre un chasseur et sa proie, l’étiquette étant variable à bien des égards.
Belfast, Irlande du Nord, cité balafrée par des années de conflits indépendantiste, se retrouve être le terrain de jeu d’un tueur en série, un étrangleur fétichiste mettant la police locale dans un fort embarras. Débarque alors de la maison mère, Londres, une commissaire divisionnaire méticuleuse, passionnée, une enquêtrice très vite obnubilée par sa proie. Le jeu du chat et de la souris commence, tout s’enchaînant dans une logique narrative parfaitement maîtrisée, entre avancées significatives dans la traque policière du monstre et roublardises dudit monstre pour se soustraire à ses poursuivants tout en assouvissant ses pulsions. Certes, The Fall ne peut pas éviter les poncifs du genre, ne peut esquiver les clichés, mais la série parviendra, de par sa structure en trois temps distincts, de par quelques-uns de ses retournements, à faire oublier ses petites lacunes inévitables. Oui, si la trame générale est passionnante de par une remarquable découpe narrative, le projet souffre toutefois, petit bémol qui pourrait ne gêner personne, de quelques errements dans sa manière un peu cavalière d’amorcer des intrigues annexes pour ne jamais aboutir. On pense ici, notamment, aux péripéties d’une poignée de flics ripoux durant la première saison ou encore des influences du passé indépendantiste de l’Irlande du Nord, sous-thème jamais réellement bien exploité. Mais qu’importe. Ne sommes-nous pas là pour assister au duel entre le dénommé Paul Spector et sa poursuivante, le commissaire Stella Gibson? Oui.
Les deux personnages principaux, chacun de son coté de la barrière mais toujours vivement reliés, interprétés par une Gillian Anderson remarquable, retour gagnant sur le petit écran dans le rôle de cette femme forte aux petites faiblesses destructrices, et un certain Jamie Dornan, qui se révèle ici, littéralement, sont tous les deux impeccables. Si l’on ne peut rien reprocher au casting secondaire, avouons que les deux comédiens s’attirent toutes les attentions de par leurs présences dévorantes à l’écran. Le choix du casting porte ses fruits, entre le retour d’une actrice au passé glorieux et l’introduction d’un talent du cru qui a depuis fait ses preuves sur grand écran. La force, sans doute, première de la série sera la qualité de ses deux comédiens principaux. Avouons-le d’emblée, et ce même si narrativement, The Fall se veut parfaitement précise, soignée.
Sur un rythme lancinant, au son d’une bande sonore toute aussi lancinante, Alan Cubitt privilégie les dialogues aux actions. Nous pénétrons, par l’analyse des uns et des autres, dans l’esprit d’un sadique, d’un assassin fascinant, mais aussi dans l’esprit d’une enquêtrice qui cache son jeu, qui masque ses faiblesses de femme à responsabilités sous une carapace de froideur professionnelle. Comme le passé nous l’aura démontré, le succès d’une telle série, il pourrait tout aussi bien s’agir d’un film, provient de la capacité du narrateur de faire se confronter deux personnages, ou d’avantages, charismatiques, puissants et imprévisibles. Un très joli coup que celui réussi ici par la BBC Two. 16/20