En se focalisant sur l’ultime année de sa vie, moment où Kafka rencontre la jeune Dora et se remet à écrire, les deux auteurs désamorcent le piège du biopic muséal et – pertinente initiative – éclairent d’un jour à la fois solaire et sensuel la personnalité de l’écrivain.
Filmée entre 2022 et 2023 au lendemain de la fragile victoire remportée par les zadistes contre le projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, cette longue immersion scrutatrice, au cœur de ce monde militant, gagne à être découverte.
L’écriture amalgame avec soin détails qui tuent, sursauts d’action et sous-texte politique dosé au poil, qui articule la rencontre (explosive) entre une classe laborieuse au bord de la précarité et le sous-prolétariat des migrants. Deux archétypes d’ordinaire circonscrits à la chronique sociale que le nouveau venu Arthur Môlard érige sans les dénaturer en héros de fiction : vraiment, ça n’est pas rien.
Pourtant, le mélange assumé entre « le Cercle des poètes disparus » et « Billy Elliot » surprend agréablement grâce à la mise en scène fluide de l’autrice de « Sage-homme ». Son regard sans insistance fait mouche, surtout lorsqu’il se pose sur ses acteurs, le prometteur Joachim Arseguel, ainsi que José Garcia, excellent en prof faillible et engagé.
Voilà un film pour personne (sinon pour Williams lui-même), réalisé en Lego avec sans doute l’arrière-pensée mercantile de commercialiser les boîtes de figurines dérivées du film et d’empocher ainsi de juteuses royalties.
Le réalisateur Fabrice Du Welz la filme dans un noir et blanc superbe qui sanctifie chaque lieu porteur d’histoire, évoque tour à tour Dreyer ou « l’Evangile selon saint Matthieu » et flirte avec l’imagerie publicitaire – Anthony Vaccarello, de la maison Saint Laurent, produit. A ce bémol près, un must pour qui s’intéresse à Pasolini et à Dalle, diva écorchée, romanesque et drôlement « attachiante ».
Reste Vincent Lindon, dont on devine à chaque plan la jubilation d’habiter son seul en scène. La seule intention profonde du film lui est réservée : le faire briller.
Le vernis culturel apposé ici et là par la cinéaste sur le petit monde virtuel du personnage ne trompe personne – mention spéciale à l’envahissante musique lyrique qui accompagne les posts Instagram de la bimbo, affichés en grosses lettres sur l’écran. Il ne fait que souligner la part de grotesque et d’obscénité qui leste ce « Diamant brut » par le fond.
Entre documentaire et fiction, la cinéaste costaricaine Antonella Sudasassi Furniss livre avec « Mémoires d’un corps brûlant » une réflexion esthétique sur le tabou de la sexualité féminine à la fois réjouissante et d’une originalité absolue.
Textures cendrées, lumières automnales, personnages barricadés dans la douleur et le secret : avec une économie de moyens et beaucoup de subtilité, Dania Reymond donne corps au spleen d’une société tout entière.
Oui, les sans-cœur ont un cœur, la bûcheronne et le bûcheron sont des Justes et ce film intemporel, narré par la voix enveloppante d’un Jean-Louis Trintignant à l’hiver de sa vie, est bouleversant de grâce et de pudeur.
Présentée à la Quinzaine des Cinéastes, cette fiction amorphe copie (mal) le cinéma naturaliste de Kelly Reichardt et bâcle son prétendu message féministe.
Les seconds rôles (mari, frère, père) sont autant de notes décalées et cocasses qui viennent étoffer les mésaventures de l’héroïne (impeccable Audrey Lamy). Quant à la mise en scène du coréalisateur de « Tout simplement Noir », elle ne cherche jamais à se faire plus maligne que son sujet et offre un regard frontal mais délicat, dénué de toute commisération.
Au milieu de ce fourre-tout, la caméra ne sait pas toujours quoi faire, oscillant entre facilités d’usage – interminables champs-contrechamps – et trop fugaces envolées.
Ce côté « Dossier de l’écran » donne à l’entreprise les atours d’un tendre remake de « Midnight Express » réajusté aux particularités de l’empire du Soleil-Levant : mêmes personnages édifiants, même dénonciation du pire en territoire exotique. Oui mais voilà, Romain Duris, formidable en père courage, transcende sa partition – et parfois le film – avec une grâce souveraine.
Ce blockbuster carré peine pourtant à installer sa propre mythologie : soit il agite (lourdement) celle du premier film, soit il exécute son programme d’action avec savoir-faire mais peu d’enthousiasme. Restent quelques éclairs, parmi lesquels un étincelant Denzel Washington, à qui la toge de conseiller méphistophélique va comme un gant.
Emberlificotée dans un scénario non exempt d’incohérences, la fiction navigue trop souvent à vue. Mais l’idée est belle et l’humanisme de son auteur et de ses interprètes permet au film de maintenir le cap.