Midinette du Midi, Bernadette Lafont, fille de pharmacien, prend des cours de danse à l'Opéra de Nîmes, et rêve de cinéma -en 1955, elle assiste, émerveillée, au tournage des Salauds vont en enfer avec son idole Marina Vlady. A 16 ans, elle rencontre Gérard Blain, comédien venu jouer dans la région. Grâce à celui qui deviendra brièvement son mari, elle côtoie, à Paris, les Jeunes Turcs de la Nouvelle Vague. Truffaut lui offre en 1957 son premier rôle dans le court métrage Les Mistons et la même année, elle tourne dans Le Beau Serge, coup d'essai, couronné de succès, de Claude Chabrol, un cinéaste qui lui sera toujours fidèle (Les Bonnes femmes, qui fait scandale en 1960, Inspecteur Lavardin en 1986).
Brune sensuelle qui ne s'en laisse pas conter, l'égérie de la Nouvelle Vague, vue dans L'Eau à la bouche, travaille bientôt avec les francs-tireurs Pollet et Garrel (Le Révélateur en 68), mais ces oeuvres novatrices n'attirent pas les foules. En 1969, son rôle de fille rebelle aux moeurs légères dans La Fiancée du pirate de Nelly Kaplan permet à Bernadette Lafont, incarnation du vent de liberté qui souffle alors sur la société, de renouer avec le succès. Héroïne en 1972 d'Une belle fille comme moi, la comédie de Truffaut, elle forme avec Léaud et Francoise Lebrun le trio amoureux de La Maman et la Putain, film-culte d'Eustache présenté à Cannes en 1973.
A partir des années 70, Bernadette Lafont alterne sans complexe les œuvres les plus pointues (Out 1 et Noroit du vieil ami Rivette, les films de Davila ou Zucca) et les comédies de Max Pécas ou Claude Confortès, un anticonformisme qui n'est pas pour déplaire à Jean-Pierre Mocky (Le Pactole en 1985). Confidente de L'Effrontée Charlotte Gainsbourg, Bernadette Lafont décroche pour cette prestation un césar du Meilleur second rôle en 1986. Dans les années 90, on retrouve son grain de folie et sa truculence chez Ruiz (Généalogies d'un crime en 1996), Bonitzer (Rien sur Robert en 1998) et la débutante Marion Vernoux (Personne ne m'aime en 1993). En 1995, elle apparaît dans la comédie dramatique Rainbow pour Rimbaud où elle retrouve Michel Galabru avec qui elle avait déjà tourné.
Dans les années 2000, elle poursuit dans la comédie populaire avec Ripoux 3 de Claude Zidi. La sexagénaire, qui se voit décerner en 2003 un César d'honneur, inspire nombre de cinéastes de la jeune génération : veuve au grand cœur dans Les Petites couleurs de Patricia Plattner, elle campe une mère abusive dans Prête-moi ta main (2006), la comédie romantique décalée d'Eric Lartigau. En 2007, elle apparaît dans Broken English de Zoe R. Cassavetes, comédie amère sur l'importance des relations humaines.
En 2009, Bernadette Lafont prête pour la deuxième fois sa voix, cette fois pour un polar réalisé en dessin animé traditionnel en deux dimensions (Une vie de chat). En 2012, elle est Paulette, une vieille dame bourrue qui, pour s’en sortir financièrement, décide de se lancer dans le marché du cannabis... Elle décède le 5 juillet 2013 à l'âge de 74 ans, au terme d'une carrière longue de 56 ans. Son dernier film posthume est Attila Marcel de Sylvain Chomet.