Dernier titre de Ozu avant son décès prématuré à 60 ans en 1963. Nouvelle variation sur l'impermanence des choses à travers le mariage d'une jeune femme.
Plus resserré que ses derniers titres et traversé d'une profond nostalgie, " le goût du saké" ( en réalité le goût du sanma - poisson bon marché et invitation ( peut-être) à la simplicité selon son titre original) renvoit forcément au parcours personnel du cinéaste ( il vécut chez sa mère de nombreuses années et resta célibataire).
Avec " le voyage à Tokyo" c'est le premier titre à être sorti en salles en France en 1978, quinze ans après sa réalisation.
On retrouve des épisodes déjà rencontrés dans des opus antérieurs ( le professeur à qui ses anciens élèves rendent hommage, les chants militaires entonnes par les vétérans, la femme qui travaille dans un bar et qui ressemble ( ou est ) à l'ex épouse - cf " crépuscule à Tokyo"), les trois amis ou collegues ( cf " les herbes flottantes", " fleurs d'équinoxe " , " fin d'automne ")...
Après sa découverte en salle par le grand public occidental , l'oeuvre de Ozu fut l'objet de controverses interprétatives de la part de la critique.
Entre ceux qui refusent l'idée même de " message" adressé au spectateur et pour qui on peut faire du cinéma sans avoir de message à transmettre ( opinion contre laquelle je m'inscris en faux, il suffit de penser aux grands noms du cinéma du patrimoine), ceux qui virent dans les titres tardifs de Ozu des considérations spirituelles, d'autres une proposition de philosophie existentielle, les pistes sont variées.
Ce qui est certain ( il faut regarder l'ensemble de sa filmographie disponible) c'est que certains des thèmes abordés par le cinéaste avant guerre, ne le sont plus du tout après.
Le parcours personnel du cinéaste et surtout de l'histoire de son pays ne peuvent pas être évacués comme facteur explicatif, surtout au vu de leur portée.
Ozu à partir de " printemps tardif" (1949) jusqu'à la fin de son œuvre " le goût du saké" ( Yoshida dans son ouvrage sur Ozu, qu'il connaissait personnellement, laisse entendre que YO ne se savait pas malade lors de la réalisation de son dernier titre) ne s'attarda plus que de façon distante sur les tracas économiques de certains de ses personnages.
Certes Ozu n'est jamais directement prescripteur, mais ( selon moi), il tente de montrer la vie telle qu'elle est ( selon lui) c'est à dire basée sur l'impermanence des choses et donc de la vie elle-même.
Il ne faut pourtant pas y voir un regard de tristesse comme chez Naruse. D'ailleurs Ozu, invite à profiter des petites choses simples de la vie ( camaraderie, fidélité en amitié, partage de moments de convivialité, spectacle traditionnel, contemplation de jardins et de la nature, du passage des saisons).
A cet egard les titres des treize derniers films du cinéaste ( selon moi) mettent sur la piste de de cette proposition.
La culture japonaise n'est pas propice à l'épanchement des sentiments personnels profonds, le spectateur sera donc livré à sa propre réflexion, ses hypothèses, si le cœur lui en dit...