Souvent présenté comme l'un des meilleurs films de tous les temps, "Citizen kane" n'a pas volé cette appellation. Si l'on peut, à juste titre, être déçu par certains grands classiques à l'heure actuelle, celui-ci conserve toute sa force de par sa grande modernité. Il s'agit là d'une œuvre passionnante et intrigante, nous contant la vie d'un magnat de la presse riche à millions et mégalomane, via l'enquête que fait un petit groupe de journalistes sur les mots mystérieux que celui-ci a prononcé dans son dernier souffle : "Rosebud". Pour l'époque (1940), beaucoup de procédés cinématographiques révolutionnaires sont alors utilisés par Orson Welles, comme les mécanismes narratifs tout en flashbacks et en points de vues différents selon le narrateur qui raconte son histoire sur Kane. Ainsi s'assemble progressivement le puzzle qu'est la vie d'homme. On y voit aussi un recours systématique à une grande profondeur de champ, créant de la sorte des surcadrages (comme lors du départ de Susan qui traverse un immense couloir semblant être une succession de portes ouvertes vers la liberté), mais aussi plusieurs idées de raccords entre les différents plans au montage pour créer une grande fluidité. Fluidité dont on pourrait parler des lignes durant tant Welles, seulement âgé de 26 ans, fait preuve de maitrise et d'inventivité. Et alors qu'Hollywood, en plein de sa grande période du cinéma classique, produit des long-métrages à l'éclairage artificiel et lumineux (le fameux éclairage trois points faisait fureur à l'époque), l'acteur-réalisateur réalise son film sous une lumière sombre. Pas question d'installer le spectateur dans un confort visuel, il y a ici un travail appuyé sur les clairs-obscurs, avec des jeux d'ombres fréquents sur le visages des protagonistes, traduisant le mystère qui émane d'eux et la noirceur de l'intrigue. Fresque grandiose sur le pouvoir, l'argent, mais aussi sur le bonheur et les choses simples que l'on ne peut acheter, "Citizen Kane" est également parfaitement dialogué, avec des répliques empreintes de philosophie, et tout aussi bien interprété (Welles est impressionnant dans le rôle-titre). Un film magnifique, intemporel, incontournable, qui a gagné ses galons d’œuvre avant-gardiste en se présentant comme un vrai-faux documentaire sur un milliardaire égocentrique et terriblement seul, traduit par le regard des autres.
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