Voila 3 ans maintenant que Ben Affleck est passé du statut d’acteur le plus sous-estimé par la critique à celui de réalisateur respecté grâce à l’épatant "Gone Baby Gone". Son nouveau film, attendu de pied ferme, s’inscrit dans la droite lignée de son illustre prédécesseur. On retrouve ainsi Boston en toile de fond (le réalisateur filme sa ville natale comme personne), ce goût pour le communautarisme propre au quartier de Charlestown mais aussi à tous les quartiers populaires (la communauté irlandaise et leur rejet des étrangers baptisés "townies"), l’amour des histoires classiques (ici, les braqueurs de banques et tous les codes inhérents au genre tels que l’amitié indéfectible entre complice, le grain de sable féminin ou le fameux "dernier coup" avant d’arrêter), le refus de faire dans le spectaculaire factice en favorisant la psychologie des personnages... On peut d’ailleurs reprocher à "The Town" son intrigue un peu basique, le film pouvant se résumer aux états d’âmes d’un braqueur souhaitant se ranger après avoir trouvé l’amour. Ce serait cependant une caricature injuste du scénario qui nous présente une galerie de personnages passionnants tant par leur personnalité que par leur passé. Paradoxalement, c’est sans doute le personnage de Doug (Ben Affleck qui s’est cette fois accordé le rôle principal) qui est le moins surprenant du film, son évolution étant assez prévisible bien qu’on apprécie le traitement subtil de son passé (son alcoolisme, sa toxicomanie, ses fêlures affectives...). Autour de lui, les 2nds rôles impressionnent par leur richesse à commencer par le complice Jim (Jeremy Renner qui confirme son statut de dingue le plus en vogue du moment) aussi flippant dans ses coups de sang qu’attendrissant dans son amour sincère pour son pote et son quartier, la fragile Claire (Rebecca Hall), l’amoureuse éconduite Krista (Blake Lively), le père de Doug (Chris Cooper épatant de dureté dans son unique scène), le détestable Fergie (Pete Posltethwaite qui collectionne les apparitions en ce moment) ou encore le "traître" Dino, (Titus Welliver). Mais le rôle le plus surprenant du film reste celui de l’inspecteur Frawley (John Ham, révélé par "Mad Men", à la fois classieux et charismatique), qui ne fait ni dans l’empathie ni dans la détestation, le spectateur étant amené à apprécier le personnage pour son jusqu’auboutisme tout en espérant qu’il se plante. Dommage que les 2 autres membres du gang (Owen Blake et Slaine) n’aient pas eu droit au même traitement. Enfin, côté mise en scène, si on peut reprochait à Ben Affleck quelques (rares) baisses de rythme et une durée un peu trop longue, on ne peut que reconnaître le talent du bonhomme qui sait parfaitement filmer les face-à-face (les conversations de Doug avec Jim, avec l’inspecteur Frawley ou avec son père sont parfaitement maitrisées) et qui s’autorise quelques spectaculaires sans être tapageuses (voir l’efficacité des scènes de braquages et de poursuites en voitures) tout en insufflant à son film un souffle dramatique (on garde longtemps en tête ce ralenti où Doug, masqué et armé, croise le regard d’un enfant apeuré). En bref, un film réussi qui installe définitivement Ben Affleck comme un des réalisateurs sur lequel il faut désormais compter.