L'Ange bleu marque la première collaboration du réalisateur Josef von Sternberg et de l'actrice Marlène Dietrich. Ils feront par la suite six autres films de 1930 à 1935, à savoir Coeurs brulés, Agent X27, Shanghai Express, Blonde Vénus, L'Impératrice rouge et La femme et le pantin, où elle tient à chaque fois le rôle principal, parfois partagé avec Cary Grant ou Gary Cooper, ni plus ni moins.
Josef von Sternberg choisit Marlène Dietrich pour jouer Lola Lola contre l'avis de son comédien Emil Jannings qui pensait que le cinéaste regretterait son choix. Peine perdue, Sternberg l'a prise après avoir pourtant considéré nombre d'actrices plus reconnues à l'époque (c'est L'Ange bleu qui fit décoller la carrière de Dietrich), comme Gloria Swanson, Louise Brooks ou Brigitte Helm. Il vécut par la suite une relation amoureuse échevelée avec la grande Dietrich, qui, pour ce film comme pour ses six autres collaborations avec le cinéaste, choisit elle-même ses costumes, sur le conseil de son mari Rudolf Sieber au réalisateur.
A propos de la scène où le professeur Rat, joué par Emil Jannings, tente d'étrangler Lola Lola, Marlène Dietrich a longtemps raconté que, jaloux de son importance croissante, qui prenait le pas sur sa propre prestation, le comédien tenta réellement de l'étrangler.
Plusieurs versions de L'Ange bleu sont parvenues jusqu'à nous, de longueurs différentes. Il existe ainsi une version longue de 2h04min, mais qui n'est pas la plus connue. On retrouve la plupart du temps celle de 1h46, en anglais, qui fut la plus populaire à sa sortie. Il existe enfin une version courte, anglaise, sortie uniquement aux USA, d'1h34.
Marlène Dietrich interprète la chanson "Ich bin von Kopf bis Fuss auf Liebe eingestellt" ("je suis de la tête aux pieds, faite pour l'amour"), devenue depuis célèbre par les nombreuses reprises dont elle fut l'objet. La version anglophone, "Falling in love again", qu'elle-même interpréta, tout comme celles de Billie Holyday, Nina Simone et Klaus Nomi sont ainsi devenues cultes, mais il existe aussi une version française, "Amoureuse de la tête aux pieds", notamment interprétée par la chanteuse Berthe Sylva. Dietrich reprendra par la suite la version anglaise du morceau lors de ses tours de chant pendant la Seconde Guerre mondiale.
Découverte grâce à L'Ange bleu, Marlène Dietrich n'a pourtant touché qu'un cachet de 5000 dollars pour les deux versions du film alors qu'Emil Jannings, qui était déjà largement connu pour ses apparitions sur les planches et ses rôles chez Lubitsch et Murnau, toucha deux cent mille dollars. A la sortie du film, quelque peu scandalisés par le dévoilement des jambes de l'actrice, les studios de l'UFA déclarèrent ne pas vouloir renouveler les contrats de Marlène Dietrich, qui fut immédiatement recrutée par la Paramount, qui voyait en elle une star potentielle pouvant concurrencer la Suédoise Greta Garbo qui travaillait alors pour la MGM.
Si la Paramount engagea Marlène Dietrich au jugé, elle dut cependant faire ses preuves avant que la major hollywoodienne ne distribue L'Ange bleu sur le sol américain. C'est par son interprétation dans Coeurs brûlés, toujours de Josef von Sternberg, qu'elle convainquit le studio. Le film sortit le 14 novembre 1930 et rencontra un franc succès, ce qui amena la Paramount à distribuer L'Ange bleu dès le 3 janvier 1931. Entre temps, la comédienne tournait déjà un nouveau long-métrage avec son réalisateur, Agent X27.
Emil Jannings et Kurt Gerron, les deux principaux rôles masculins de L'Ange bleu, refusèrent les propositions américaines après la sortie du film et restèrent en Europe. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Jannings fut la vedette de plusieurs films nazis et fut même proclamé artiste d'état par Josef Goebbels. A l'arrivée des Alliés, il ne dut son salut qu'à son Oscar, obtenu en 1928 en tant que Meilleur acteur dans Crépuscule de gloire de Josef von Sternberg et dans Quand la chair succombe de Victor Fleming. Quant à Gerron, de confession juive, il fut déporté à Theresienstadt où il fut obligé de réaliser un film de propagande sur la vie dans les camps appelé "Le Führer donne une ville aux Juifs". Film pour lequel lui, sa femme et toute l'équipe du film furent ensuite gazés à Auschwitz un jour avant l'ordre d'Himmler d'arrêter les chambres à gaz.
L'Ange bleu est le premier film parlant allemand, donc également le premier que réalise Josef von Sternberg et dans lequel on entend pour la première fois la voix chaude de Marlène Dietrich, tant par la parole que par le chant. Il s'agit par ailleurs du dernier film allemand de Sternberg et Dietrich qui partiront par la suite tourner à Hollywood. Le film fut également tourné dans une version anglaise et allemande et fut la dernière production dans laquelle Emil Jannings se double lui-même en anglais.
L'Ange bleu est un film adapté du roman de Heinrich Mann, intitulé "Professor Unrat" et doit à l'origine mettre en valeur Emil Jannings après qu'il ait reçu l'Oscar du Meilleur acteur en 1928. Le titre du film devient cependant "Der Blaue Engel" (L'Ange bleu) et met ainsi plus en avant le personnage joué par Dietrich qui prendra en effet plus d'importance que celui de Jannings selon la volonté du réalisateur. A ce propos, l'écrivain Heinrich Mann déclara : "Le film devra son succès aux cuisses dénudées de Mademoiselle Dietrich", qui, il est vrai, ont beaucoup contribué à la popularité de L'Ange bleu, notamment grâce à la scène en bas et jarretelles où elle chante "Falling in love again".
Edward Dmytryk réalisa en 1959 un remake de L'Ange bleu, "The Blue Angel", avec May Briit dans le rôle de Lola Lola et Curd Jürgens dans celui du professeur Rath, cependant bien moins populaire que la version première de Josef von Sternberg. Le film original devint suffisamment culte pour que certains passages en soient parodiés et pour que des hommages clins-d'oeil soient fréquemment rendus au cinéma. Helmut Berger caricature par exemple la performance de Dietrich sur scène dans le film de Visconti, Les Damnés, alors que Dietrich elle-même apparaît dans un caméo lors d'une scène de L'ange de la haine, de Fletcher Markle. Nombreux sont par ailleurs les bars baptisés de ce nom mythique au cinéma, ne serait-ce que dans Casino Royale.