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Alain D.
600 abonnés
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4,5
Publiée le 2 juin 2016
Réalisé par Milos Forman en 1981, « Ragtime » est un vrai petit bijou. Un drame de fiction traitant du racisme dans l’Amérique au début du siècle dernier. La mise en scène à grand spectacle nous offre des portraits de personnages hautement charismatiques dans des décors somptueux d’époque 1900. Sur une excellente bande son d’Andy Newman, le bon scénario nous propose une histoire émouvante, très joliment interprétée par une pléiade d’acteurs de talent avec une attention particulière pour Brad Dourif, étonnant dans le rôle du plus jeune frère, et de Howard E. Rollins tout simplement époustouflant. Après « Vol au-dessus d'un nid de coucou » en 1976, « Amadeus » en 1984 et « Les Fantômes de Goya » en 2005, « Ragtime » est une autre pépite du réalisateur Tchèque. Le pitch : Mr Wlaker a trouvé une place de pianiste dans une formation. Il va pouvoir épouser Sarah qui vient de donner naissance à leur enfant. Mr Wlaker et sa toute nouvelle voiture sont bloqués devant la caserne des pompiers ; les ennuis commencent …
C’est Dino de Laurentiis lui-même qui a eu l’idée d’adapter « Ragtime », le livre de E.L Doctorow, énorme succès de librairie en 1975. Le livre est une transposition du court roman « Michael Kohlhaas » de l’écrivain allemand Heinrich von Kleist (1777-1811) narrant le combat d’un marchand de chevaux victime d’une injustice qui tente d’obtenir réparation par tous les moyens. Selon sa règle habituelle d’alterner films commerciaux et projets ambitieux, De Laurentiis pense d’abord faire appel à Robert Altman pour porter « Ragtime » à l’écran. Les deux hommes ne s’entendant pas, le producteur fait appel à Milos Forman qui vient d’obtenir un succès d’estime un peu décevant avec « Hair ». Le Ragtime est à l’origine une musique apparue à la fin du XIXème siècle (1897) et qui jusqu’en 1918 fera office de précurseur du jazz. Le morceau le plus célèbre de ce mouvement éphémère essentiellement joué au piano est «Mapple Leaf Rag » de Scott Joplin. L’intrigue située exactement à cette période et le personnage central étant un pianiste noir (Edward E. Rollins Jr.) se rebellant par les armes après qu’il n’a pas pu obtenir réparation de la souillure de sa Ford Model T, on comprend mieux le titre du film comme du roman. L’intrigue imbrique l’un dans l’autre deux faits divers significatifs du climat sociétal de l’époque aux Etats-Unis à propos de la faculté des dominants à se sortir sans dommage de tous les obstacles y compris d’un meurtre sordide et de l’impossibilité des noirs à faire valoir leurs droits quand ils sont victimes d’une injustice flagrante. Une dénonciation du racisme et de la domination de l’homme blanc qui passerait sans encombre la censure des comités auto-proclamés de bien-pensance actuels. Mais Milos Forman qui a bien connu les affres de la censure et de la vindicte politique quand il œuvrait encore en Tchécoslovaquie au moment du printemps de Prague (1968) , apporte au traitement de son histoire l’indispensable nuance qui ferait sans doute défaut aujourd’hui si l’adaptation du roman de E.L Doctorow était à nouveau d’actualité. Il trouve cette nuance en faisant le joint entre les deux intrigues grâce à une famille de la haute-bourgeoisie résidant à New Rochelle (banlieue nord de New York) qui apporte la démonstration avec le couple humaniste interprété par James Olson et Mary Steenburger que si la société américaine était bien sûr raciste, l’essentialisation n’est jamais probantespoiler: .Le pianiste noir qui finit par prendre les armes dont on peut comprendre le ressentiment légitime ne semble mu que par sa propre soif de vengeance, faisant peu de cas du sort de son jeune fils généreusement recueilli par la famille citée plus haut. Les questions posées par Milos Forman dépassent donc le seul problème du racisme, les pompiers ayant dégradé la voiture du pianiste avec à leur tête un rustre interprété avec force par Kenneth McMillan, paraissant plus bêtes que réellement méchants . L'ensemble rythmé par la musique de Randy Newman est très finement orchestré par un réalisateur au mieux de sa forme qui démontre en sus sa capacité à proposer une reconstitution historique très fluide et soignée sur plus de deux heures trente. L’intervention de James Cagney faisant sa première apparition devant une caméra depuis vingt ans dans le rôle du préfet de police goguenard qui doit stopper l’insurrection du petit groupe armé, retranché dans la bibliothèque municipale est succulente. Les cinéphiles apprécieront aussi l’apparition de Bessie Love, ex-star du muet un peu oubliée qui fut pourtant la sœur d’armes de Marie Pickford et des sœurs Gish auprès du grand D.W Griffith. Milos Forman disparu en 2018 qui a œuvré pendant 40 ans dans deux cinémas très différents ne laisse jamais le spectateur à distance, s’étant emparé avec force et humanité de tous les sujets qui lui tenaient à cœur.
"Ragtime" est une fresque puissante sur les tensions raciales aux Etats-Unis au début du XXe siècle; toutefois, le film met du temps à dévoiler sa nature. Sa première partie est d'ailleurs déroutante en ce qu'elle présente un certain nombre de lieux, de personnages et de relations sans pour autant fixer un enjeu très net. Cette manière de procéder par petites touches donne à cette écriture sa singularité : on suit entre autres une famille bourgeoise abritant une jeune femme noire et son bébé qu'elle avait abandonné, le procès d'un milliardaire qui a tué un architecte, lé début d'une histoire d'amour entre un jeune homme timide et une future actrice. Forman ne réalise donc pas le grand portrait de l'Amérique sous un angle prudent et didactique; il croque une galerie de personnages saisis dans tout ce qu'ils peuvent avoir de sensible, de ridicule et de rageur. En se focalisant sur des émotions variées, Forman évite non seulement le piège de l'académisme mais fait encore mieux : il saisit le caractère intolérable et cruel de certaines situations, en particulier dans une seconde partie beaucoup moins éparse où le racisme provoque au premier degré une colère naturelle mais les situations qu'elle engendre possèdent quelque chose de tout à fait burlesque que le cinéaste n'atténue pas, bien au contraire. Après que la voiture de Coalhouse Walker Jr a été endommagée par une bande de pompiers racistes, le pianiste noir tente de se plaindre auprès des autorités locales mais se trouve renvoyé telle une balle de ping-pong de bureau en bureau. Le burlesque est présent dans l'injustice mais aussi dans la vengeance orchestrée par la communauté noire. Alors que Coalhouse se barricade avec quelques-uns de ses acolytes dans une bibliothèque, ceux-ci se déguisent à l'aide de masques blancs qui ne sont pas sans rappeler ceux utilisés par les membres de Ku Klux Klan : renversement politique provocateur ou simple clin d’œil ironique ? Farceur, le cinéaste sait interrompre le rire par une violence froide tout en désamorçant celle-ci dans la seconde qui suit par une réplique comique ou un plan incongru. Mais pour avoir une telle habileté dans cette variation de tonalités, pour être aussi inventif à travers une écriture d'abord très dense avant qu'elle ne se resserre, il faut avoir une vraie hauteur de vue sur le sujet abordé. C'est peu dire que Milos Forman est à son affaire et qu'il ne traite pas son histoire en touriste : il a un parti pris très clair et la connaissance pointue qu'il a de son propre art lui permet de déployer ses digressions comme bon lui semble (il se permet même une belle parenthèse personnelle et décalée à travers un personnage de cinéaste) avant de finir sur un suspense redoutable. Un très beau film à travers lequel le cinéaste peut étaler tout son talent et son originalité.
Sacré Milos. On devrait l’appeler Midas, car il transforme en or tout ce qu’il touche. Film magnifique, injustement méconnu. Jamais on n’avait vu l’Amérique de la conquête comme ça, avec une sorte de nostalgie éclairée, une admiration lucide. C’est vrai qu’il choisit une époque charnière. On voit la boue, et les rues qui reçoivent les flots d’immigrés qui ne tarissent pas, on voit le cinéma avant le muet, les actualités accompagnées par le ragtime dans les théâtres, les débuts du music-hall. Il s’attache à ses personnages, ce qui nous les rend très proches, leurs défauts, leurs faiblesses. Ce self-made man, cette success-story, cette discrimination, cette misère morale. Plusieurs histoires croisées, plusieurs destins mélangés, des acteurs excellents, et ils ont tous des sacrées « gueules », beau casting. Et surtout pas de conte moralisateur sur la lutte des classes. Tableau néoclassique virtuose qui décrit la création d’une nouvelle Amérique, et en-dessous un chant d’espoir. Comme toujours, il est lumineux Milos. Et que dire de cette fin géniale, avec cette famille recomposée avant l’heure, cette bourgeoise qui part avec les enfants et un saltimbanque vers de nouvelles aventures, elle laisse son mari loin derrière. Rien qu’à voir sa tête derrière la fenêtre, le gars, on sent qu’il est cocu et qu’il représente le passé. Sacré Milos, on lui demanderait de faire le portrait de Satan en personne, il serait capable de montrer ce qu’il y a d’humain en lui. C’est sans doute pour ça qu’on dit que c’est un cinéaste humaniste.
"Ragtime" n'a peut-être pas la grandeur de "Vol au-dessus d'un nid de coucous", mais en tout cas pas loin. Milos Forman y dépeint les mœurs de la belle-époque, son racisme, son injustice, ses cruelles inégalités sociales, sa décadence, mais aussi sa richesse, et sa grandeur, qui malgré tout, malgré ces personnages imbuvables (la palme revient quand même à celui de Elizabeth McGovern, qui excelle dans son rôle odieux!), malgré cette iniquité, malgré les défauts de cette Amérique changeante, est toujours présente dans ce portrait aussi passionné que réaliste. Car l'une des autres grandes forces de ce film, c'est aussi la distanciation que Forman crée par rapport à son univers. Il ne prend pas de parti, et s'abstient de tout manichéisme: chaque personnage de cette fresque est un être complet, qui a ses raisons de mener son combat. Bien sûr, l'ensemble est orienté, mais pas imposé, et nous laisse juges: ça n'en est que plus émouvant. Quant aux qualités techniques, pas besoin d'en dire trop, c'est superbement mis en scène, la musique est magnifique, les décors somptueux, la reconstitution parfaite... Bref, grand film.
Parmi les films réalisés par Milos Forman, Ragtime (1981) n’est pas le plus connu. Ce n’est pourtant pas le moins ambitieux. La fresque déployée durant deux heures et demi en CinemaScope (photogrammes au format 2,35) donne à voir l’Amérique de la Belle Epoque. La ressortie simultanée en salles et en Blu-ray du quatrième film américain de Forman offre l’opportunité de le découvrir ou le redécouvrir. Le cinéaste filme une société américaine en construction sur fond de discrimination raciale. Près de quarante ans après sa réalisation, Ragtime garde toute sa pertinence. Critique complète sur incineveritasblog.wordpress.com
J'ai vu ce film de Milos Forman en version restaurée dans le cadre du Festvlal Lumière 2018 et ce fut un vrai plaisir. Au départ c'est flamboyant, ça part dans tous les sens dans une Amérique du début des années 1900 , immigrants, familles bourgeoises, cabaret, salles de cinéma muet, assassinat, enfant abandonné par une jeine femme noire. On s'y perd un peu, puis le scénario se rétrécit, certains récits entamés disparaissent puis réapparaissent ça et là juste un peu, mais tout s'entrecroise.. Le thème principal devient celui de l'homme noir qui a été bafoué, humilié et demande une justice qui ne lui sera pas rendue dans un pays où les négros ne sont pas lés égaux des blancs. Il se lance alors dans ce qu'on appellerait aujourd'hui terroriseme, mais y gagne en humanité. L'intérêt du film est qu'il est traité sans militantisme. Les personnages ( à l'exception du capitaine des pompiers) sont complexes, ni tout à fait bons, ni totalement mauvais et donc on s'y attache La mise en scène est superbe. Chaque scène est pleine de détails; Les figurants sont nombreux. La musique extraordinaire. C'est long mais on ne s'ennuie pas
"Quand on est calme, le cerveau travaille plus vite" Milos Forman réalise une grande fresque sur l'Amérique du début du siècle. Son film très ambitieux a visiblement été tronconné au montage... Sa fresque s'ouvrant sur des querelles de gens aisés finit par se concentrer sur la colère des noirs contre les institutions de New York. C'est là que Forman est le plus à l'aise, quand il faut dénoncer les institutions établir des contres-pouvoirs et présenter des personnages rebelles dont son oeuvre est parsemé. La dernière heure est à couper le souffle et doit choisir entre la violence et le dialogue... Dommage que le film garde un coté dispersé et manque parfois de rage, engoncé qu'il est dans des décors et des costumes flambants neufs que les précédents succès de Forman lui avaient octroyé.
Un beau film superbement photographié en cinémascope ! . Un film que je n avais pas eu l occasion de découvrir avant et mon attente a été récompensé. Une histoire qui prend son temps mais qui à partir du moment où elle s est installée est passionnante. Les comédiens sont formidables et la mise en scène flamboyante.
Un film en apparence complexe pour un retour en arrière révoltant sur une société américaine qui nous rapproche de notre passé. Son côté maintenant vieillissant lui confère un charme doublé du plaisir d'écouter des dialogues sans vulgarité, en bon Français...
Un très grand film qui n’a eu à sa sortie ni le succès ni le retentissement mérité. Plusieurs caractéristiques du film peuvent l’expliquer : pas de star médiatisée (à l’exception peut-être d’un James Cagney de 80 ans qui campe un commissaire absolument délectable), pas d’histoire linéaire, pas de scène d’anthologie, pas de personnage principal (ou de « héros »), pas de thème central donnant une « direction » à l’œuvre, et plusieurs personnages essentiels n’ont même pas de nom… Alors pourquoi est-ce un très grand film ? C’est un film fastueux : la reconstitution de l’Amérique du début du siècle est magnifique, les scènes collectives sont impressionnantes et plusieurs décors multiples et variés ne sont utilisés qu’une seule fois ; on ressent les moyens mis sur le tournage. C’est un film riche : les différentes histoires se croisent, les personnages, en partie ayant réellement existé et en partie fictifs, apparaissent, disparaissent, réapparaissent et les thèmes abordés sont importants : la situation sociale, le racisme ordinaire et la discrimination (l’ascenseur social existe pour les immigrés, mais pas pour les noirs), la question de la morale face à la loi et aux conventions. C’est un film intelligent et subtil, jamais ostentatoire, où les personnages se révèlent souvent différents de la première perception qu’on en a eue. Enfin c’est un film jouissif, avec des moments pleins d’humour et des moments dramatiques, dont on se dit pendant les deux trente cinq qu’il dure, qu’on voudrait qu’il le fasse un peu plus. Il n’y manque qu’un peu d’émotion ou de magie pour être un chef d’œuvre.
Scénario solide, émouvant et drôle, mise en scène classique et fluide, interprétation d’une remarquable justesse, décors somptueux et musique sublime de Randy Newman... Un grand film populaire. A voir absolument.
Milos Forman excelle dans les films humanistes. A l'image du ragtime, le film est construit dans un enchainement de séquences qui déroute au début. La fin présente des singularités mystérieuses, (pourquoi walker ne réclame t il plus la voiture et l'irlandais ?) mais le suspense est intense, le scénario et l'intrigue frisent la perfection. un régal.