Qu'est ce qu'écrire une critique cinématographique? Sans en savoir grand chose, ces trois fois rien, ici même, de la pratique littéraire pourraient suffire à ouvrir de larges portes sur ces perspectives nouvelles : quelques panoramiques de la conscience abstraite ou l'une de ces visions lucides de la transformation évolue dans de si belles transmutations de la rêverie éveillée.
Autour du film, tout a été déjà écrit, des formulations justes et concises contiennent le propos dans ses dimensions visibles. Ce qui est donné sur l'écran a largement été recensé : fable poétique rousseauiste, critique d'un développement scientifique aveugle, catégories usuelles de la sémiologie (culture versus nature, classes populaires versus élite ...), volupté explicite, et tous les linéaires de la narratologie (bien que le début puisse encore laisser perplexe certains doctes propos). L'appareillage technique minutieusement étiqueté a été disséqué : approches comportementales, gros plan, montage parallèle, lumière, couleurs et jusqu'aux effets sonores ; malgré tout, toutes ces traces sentent encore la sueur du lit conjugal.
Cette "référence au tableau homonyme de Manet qui mêle, tout comme le film, nature, sexualité et intellectualisme" a pourtant bien enfanté autre chose dans la simple nature de l'esprit et en une seule séance! On ne parlait pourtant que de ça! L'insémination artificielle, la possibilité d'une procréation artificielle dont les dignes et moraux admirateurs des premières heures ont fait les frais : véritable calculatrice, traducteur latin-grec automatisé, l'enfant prodige se révèle presque plus froid qu'un programme de réseau social.
Pourquoi alors ne pas franchir le pont? Montrer ce qui se passe derrière l'écran, au-delà du paysage de fiction, au beau milieu de la chose, centre éponyme luminescent. À l'époque cybernétique et des développements fugaces des langages objets, nous sommes bien à peu de pas d'une écriture complète de l'arborescence, de la raison artificielle, simple programme compilé capable de mettre bas des tonnes de divertissements et bientôt grand manitou de la culture de masse par des quintuplés de séries télévisées qui seront, sans nul doute, à la hauteur de son savoir canonique.
Et comment ne pas craindre (L'auriez-vous déjà vu?) les nouveaux films de Maryline Monroe dans son avatar restitué, plus vrai que virtuel, pour des aventures dignes des années folles où soulevant sa jupe au-dessus d'un cratère lunatique, elle lance sa flatulence chou devant un Armstrong hilare.
Mais que le vent souffle enfin dans les campagnes cinématographiques, que les premiers théâtres antiques, temples de l'amour murmurent à l'oreille de tous, que les satyres dionysiaques brassent les sucs vitaux, que seulement l'ivresse et la transe mystique résonnent en son sein dansant à l'aube d'une humanité nouvelle, qu'alors nymphettes virevoltent dans l'air du temps et s'escarmouchent libidineuses, que l'homme puisse alors voir et c'est déjà l’étreinte naturelle, les gémissements d'une âme qui chamboule tout dans une projection qui n'en finit pas. Elle paraît nue, ondulante et plongée dans la source, pour d'ores et déjà osciller en ce long baiser fébrile des nouveaux enchantements. Le royaume des yeux se mire dans l'osmose de ces langues entremêlées, vertige poétique qui, au bord du néant de la contemplation, laisse encore à l'œuvre l'autonomie de la vie spirituelle.
Et c'est bien plus encore! La vision de l'artifice cinématographique dans la quotidienneté humaine, le transformable et le malléable, la souplesse d'un système qui autorise certaines de ces caresses de l'âme. Qu'elle paraisse seulement! Voir ses lumineux trajets dardés en de sinueux chemins pittoresques. On la voit bien alors la délicieuse nature. L'enfant paraît et ce sera une œuvre d'art, complémentarité singulière de ce qui tend l'un vers l'autre, fusion de la culture et de la nature, hybride enchanté dans un nouvel éden.
David.