Filmé en noir et blanc en 1973, réalisé par Peter Bogdanovich et traitant de l’Amérique des années 30 : sur le papier, tout cela semble foutument casse gueule et rétrograde. Pourtant, « Paper Moon » est une pépite rare et méconnue qui s’avère être un chef d’œuvre !
L’adaptation du roman de Joe David Brown est intelligente et offre un scénario simple en apparence et pourtant non dénué de subtilité. Par exemple ; la grande dépression est présentée en toile de fond, de façon qui peut sembler légère, mais si l’on cumule les nombreux détails disséminés tout au long du film (passages radio, passants sur la route, fermiers...) et si l’on ajoute la galerie de personnages secondaires rencontrés durant ce road trip, on obtient une vision assez juste de la vie en Amérique à cette époque.
Cependant, le cœur du film n’est pas là, les projecteurs sont braqués sur la relation aussi improbable que très haute en couleur entre Moses et Addie, portés à l’écran par les talentueux Ryan O'Neal et Tatum O'Neal, qui, comme leur nom l’indique, sont réellement père et fille dans la vie. Cela n’est pas nécessairement un atout, sauf si le duo fait mouche à l’écran… Et là, ça n’est rien de le dire : tout fonctionne à merveille et la fille parvient même à voler la vedette à son père grâce à une prestation qui surclasse tous les jeux d’acteurs d’enfants que j’ai pu voir à ce jour ! Cette fille est d’un naturel et d’une assurance hors norme et la justesse avec laquelle elle porte son personnage à l’écran vaut, à elle seule, d’aller voir le film.
L’inversion des rapports entre l’adulte (qui ère d’une escroquerie à une autre sans plan préétabli) et la fille (qui a compris les mécanismes de la vie et qui aide son partenaire) est un régal d’impertinence.
Bien que minimalistes, les dialogues et les répliques sont percutants. Les joutes verbales vont bon train, souvent sur le ton d’une « screwball comedy » dynamique et enjouée, sans jamais appuyer trop fort sur les effets de la comédie.
Cette justesse se retrouve par ailleurs dans le traitement des passages dramatiques qui n’en rajoutent jamais plus que nécessaire. Le film navigue avec élégance et avec une facilité déconcertante entre les éléments comiques et dramatiques, l’ensemble est parfaitement équilibré et ne sombre jamais dans la complaisance.
En bonus non négligeable, la photo est sublime. László Kovács nous livre un noir et blanc très contrasté, digne des meilleures productions d’Hollywood des années 30. L’effet rétro est tellement bien réalisé dans que l'on croirait un film d'époque de Charlie Chaplin !
Les cadrages léchés mettent en avant les personnages et les situations cocasses, de jour comme de nuit.
Certaines scènes sont tout bonnement magnifiques, notamment lorsqu’Addie fume, elle est vraiment très troublante et l’image est superbement belle.
Ne manquez pas de voir une fois dans votre vie cette pépite emprunte d’humanité et de maestria.