La plupart des critiques négatives à l'encontre du film le concernent en tant qu'adaptation. Quelques uns ont assez peu d'estime personnelle pour affirmer qu'il est mille lieues en dessous du comics parce qu'il y manque deux ou trois scènes pas toujours marquantes dans les bouquins, dont certaines sont d'ailleurs présentes dans la Director's cut (bon, l'histoire du psy me manque quand même mais il y a plus important. Et c'est bien d'avoir viré Captain Metropolis). Les autres, généralement, accusent le film d'être trop fidèle à la B.D, et du coup confus et sans identité propre.
Pour moi c'est un parti pris d'adaptation, on peut choisir de s'éloigner de l'original et se chercher une identité ou bien on peut comme ici adapter fidèlement une oeuvre (qui a tout de même plus de 20 ans) pour la faire connaitre des néophytes. Et je suis beaucoup plus client d'un film qui comprend une oeuvre et l'adapte dans toute sa subtilité que de ceux qui font le boulot à moitié en ne retenant que la forme et en n'accordant aucune importance au fond, comme le font pas mal des adaptations DC et Marvel même si je les apprécie. D'autant que Watchmen le film n'a pas comme unique intérêt de singer le comics, il conserve bien sûr ses qualités intrinsèques mais y apporte aussi les qualités (et un chouïa d'inconvénients) relatives à son nouveau support, le cinéma.
Parce qu'on juge un film non pas en tant qu'adaptation mais en tant qu'oeuvre à part entière, qu'a à apporter Watchmen, Les Gardiens ? Eh bah déjà, l'esthétique de Snyder. J'ai beau aimer le comics il faut se l'avouer, esthétiquement c'est d'époque, ça a vieilli. Mais il se prête particulièrement bien au style du réalisateur, et le résultat est ultra-soigné: le cadrage est nickel chrome, le travail sur les couleurs et les lumières est impressionnant, et bordel ça se ressent sur chaque plan. En outre Snyder a choisi de moderniser ou plutôt déringardiser (parce qu'on est tout de même dans les années 80) quelques aspects visuels, comme les costume d'Ozymandias ou du Hibou, une bonne initiative.
Qu'est-ce qu'on y gagne d'autre à adapter Watchmen ? Eh bien l'aspect sonore et musicale, qui va parfaitement de paire avec l'esthétique. J'en veux pour preuve cette introduction oufissime visuellement tout en effets de lumière, en jeux de couleurs et en incrustations superbes, le tout sur fond de "The times they are a-changin", qui évite habilement d'être une scène d'exposition rébarbative. Après ça, on ose encore dire que le film singe le comics ? Jamais contents...
Cette scène est aussi une entrée en matière géniale à l'uchronie qu'est Watchmen, aux parallèles ingénieux qu'il fait avec les pages sombres de l'histoire des états-unis (j'adore les uchronies, pour le peu qu'il y en a au cinéma). Voilà qui va me servir de tremplin pour parler des grandes qualités du comics, qui s'appliquent aussi au film. Hormis les deux tourtereaux (le Hibou et le Spectre Soyeux) qui n'apportent pas grand chose, les personnages sont géniaux. Rorschach, le Comédien, Ozymandias, le Dr Manhattan, ils vont tous bien au-delà des idées du bien et du mal (et parce que j'arrive à le placer nulle part, les acteurs qui les campent sont sans faute) et sont vraiment chouchoutés dans leur développement. Leurs répliques sont calculées comme il faut et beaucoup sont en phase d'être cultes: "Aucun de vous n'a pigé ça encore ? Je suis pas enfermé ici avec vous, vous êtes enfermés ici avec moi !" Et si la morale de l'oeuvre est plus que douteuse, elle reste compréhensible. Ça aussi beaucoup gueulent dessus, au pire faites donc comme fait le Dr Manhattan: "Sans approuver, ni condamner. Je comprends". C'est pas aussi complet et génial que ne l'est le comics mais dans le monde du cinéma ça trouve parfaitement sa place.
Bon après il y a ceux qui trouvent l'histoire trop compliquée, ou qui trouvent le film long et chiant. Là aucun contre-argument à donner, seulement les goûts et les couleurs.