OK, je me lance ! Car je tiens à défendre ce film complexe. Que j'adore.
J'avoue cependant qu'il m'a fallu deux visionnages pour l'apprécier à sa juste valeur et bien saisir tous les aspects. Au début, je me souviens avoir été déboussolée, intriguée, me demandant : mais où va ce film ? Jamais je n'avais vu cela. Mais aujourd'hui, je reconnais : OUI, c'est un CHEF-D'OEUVRE.
Voilà un film qui m'a profondément marquée, choquée. Un film inoubliable, qui laisse une impression insupportable et dégoûtante, comme un arrière-goût poisseux dans la bouche. Un film terrible, atroce, épouvantablement déprimant et triste. Sur la folie, la différence et la solitude humaine. Et sur l'Amour aussi...
Ce n'est pas un film tout public, très ardu d'accès - de par sa violence psychologique et visuelle. Et le thème qu'il aborde : la paranoïa. La paranoïa, qui peut tous nous toucher un jour ou l'autre.
Et bien sûr : sa complexité.
Mais pour l'apprécier à sa juste valeur, il est nécessaire de savoir plusieurs choses :
1) Le sujet : la paranoïa, sujet complexe au possible, tout comme l'est tout autant cette pathologie elle-même. Où les acteurs, comme les spectateurs nagent constamment entre rêve, hallucination et réalité.
2) Le film est adapté d'une pièce de théâtre, d'où le huis-clos oppressant, l'unité de lieu - qui rajoute bien sûr l'impression de paranoïa.
- La performance d'acteurs : unique ! Ashley Judd et Michael Shannon (qui a interprété la pièce pendant des années) se complètent parfaitement et rivalisent talent (jusqu'à l'abnégation totale, l'abandon et la mise à nu de leur âme devant la caméra) pour nous représenter la folie qui les envahit et les ronge petit à petit de l'intérieur. Et qui va de plus en plus chaque jour, inexorablement les couper du monde extérieur et de la réalité. Je rajouterais juste que la scène où Agnes raconte et avoue à Peter ce qui lui est arrivé :
comment
elle a perdu son fils
... Le jeu d'Ashley, comment elle se met à pleurer immédiatement... est celle qui m'a le plus bouleversée. Certainement une des scènes qui m'a le plus marqué au cinéma récemment.
- Les visuels : des images chocs, crues, une ambiance poisseuse, virant au bleu électrique à la fin. Tel un trip hallucinatoire mortel. Tout est fait pour que l'on ressente nous aussi la douleur dans notre corps et notre âme.
La plupart décrivent le point faible du film comme étant : qu'Agnes tombe trop vite et trop facilement dans la parano de Peter et voie aussi vite les insectes, tout ça sans véritable explication logique. Moi, ça ne m'a pas étonné du tout. Au-contraire, c'est extrêmement logique !
C'est une femme perdue, à la dérive, meurtrie, détruite depuis
la perte de son enfant
et battue par son ex-mari. Et puis, si je me souviens bien, elle prend de la cocaïne dans la chambre du motel (cela favorise-t'il aussi ses visions ?). Donc, elle est vulnérable, influençable. Et elle se sent complètement seule, abandonnée (cf.
encore la perte de son enfant
, dont elle ne se remettra jamais et qui l'a déjà détruite mentalement).
Et là, elle rencontre un homme comme elle : Peter. Un être différent, perdu, vulnérable, auquel elle n'a pas d'autre choix que de se raccrocher, comme à son dernier espoir. Avant de sombrer définitivement dans la déchéance. Et il va l'entraîner inexorablement dans sa pathologie.
Et à mon avis, elle-même souffre de troubles mentaux, qu'elle ignore et que le spectateur ignore aussi. Je pense même qu'elle doit être bipolaire, borderline, avec peut-être même des tendances schizophrènes.
Et puis, ces deux personnes se complètent parfaitement. Dans leurs pathologies, leurs malheurs, leurs vécus et leurs passés, leurs différences. Ils sont dépendants l'un de l'autre. Ce que voit ou ressent Peter, Agnes le ressent et le voit aussi.
Et c'est bien en toute logique que le film se termine de cette manière : tous deux sombrent irrémédiablement. On sait qu'il n'y aura pas d'issue positive pour eux. Seule une
issue fatale
était envisageable. Seulement leur
auto-destruction mutuelle et leur mort. Ensemble
.