Ce qui est frappant dans La Dame de Shanghai, malgré les nombreuses critiques dithyrambiques sur le film, est l'enlaidissement de Rita Hayworth. Par jalousie envers les autres hommes, rivaux éventuels, Orson Welles coupa la belle chevelure rousse de Rita Hayworth est la transforma en... Anne Baxter. Comme modèle de féminité il y a mieux.
D'ailleurs Joseph L Mankiewicz ne se trompa pas dans son superbe film All about Eve sorti 3 ans après, puisque Bette Davis à l'étincelante et longue chevelure rousse, se fait "détrôner" par l'insignifiante Anne Baxter.
Joseph L Mankiewicz cinéaste visionnaire, voit que malgré tout que cela ne servira à rien de brimer le sex-appeal des actrices hollywoodiennes, puisque Marilyn Monroe, fait partie de la distribution de Eve dans un second rôle. Elle attend son heure, et fera vite oublier Anne Baxter.
Mais avant que Marilyn Monroe ne prenne le pouvoir, il fallait dire adieu aux femmes fatales du cinéma des années 40, adieu Gilda ! Adieu Gene Tierney, Ava Gardner, Veronica Lake et Lauren Bacall. Les réactionnaires de l'époque gagnent la partie et semblent dire: "Coupez moi donc cette chevelure trop érotique de femmes un peu trop libres, et restez dans vos maisons à faire le ménage, et à vous occupez des enfants."
La coupe de cheveux "casque" sera la norme dans toutes les années 50, de Joan Crawford à Jane Wyman, mais Marylyn Monroe viendra mettre à mal ces codes rigides de la bien-pensance des années 50, et cela malgré ses cheveux courts.
Orson Welles en tyran domestique ne voulait pas que sa femme, Rita Hayworth, puisse séduire les autres hommes. La dame de Shanghai est du fait dans les normes de l'époque. Chaque plan du film se veut novateur, mais le personnage féminin du film, qui correspond aux archétypes de l'époque, ne l'est pas. Il y a dichotomie entre le personnage de Rita Hayworth qui joue encore sur les codes de la femme fatale des années 40 (donc rien de bien nouveau) mais qui est emprisonnée dans un corps engoncé qui représente déjà la vision de la femme des années 50. C'est une vison misogyne. D'ailleurs Orson Welles fait mourir son personnage féminin, alors que la défunte Laura (Gene Tierney, dans le sublime film d'Otto Preminger de 1944) ressuscite. La dame de Shanghai est une critique d'Hollywood d'Orson Welles, certes, mais en partie seulement car le cinéaste n'a pas vu venir le genre de personnage féminin empesé que le cinéma américain allait produire dans les années 50. Ce n'est guère anticipateur. Orson Welles enlève donc la belle et désirable apparence de Rita Hayworth, pour se complaire dans ce qui sera l'image de la femme avec les codifications rigides des années 50. C'est le comble du cynisme et c'est plutôt creux. Le film veut dynamiter les codes du film classique, mais il enferme justement la femme dans les carcans esthétiques austères et puritains qui allaient triompher dans la société américaine des années 50.