Votre avis sur Trop belle pour toi ?
5,0
Publiée le 4 octobre 2018
Bertrand Blier a réussi son chef d'œuvre avant de sombrer dans des films sans grand intérêt, se parodiant lui-même. Trop belle pour toi a le privilège d'être court (80 minutes) et dense, d'une forme moderne maîtrisée en plus de traiter un sujet d'importance, la passion amoureuse dans toutes ses dimensions. Sujet par ailleurs classique, mais intelligemment revisité d'un mari qui trompe sa femme dans des circonstances bien particulières. Preuve que l'on peut dire des choses nouvelles en retravaillant ce qui s'était déjà réalisé.

L’histoire est simple : il s’agit de celle d’un garagiste à Marseille, Bernard Barthélémy (Gérard Depardieu), marié à une belle femme, Florence (Carole Bouquet), et qui s’éprend d’une passion pour une femme disgracieuse, Colette Chevassu (Josiane Balasko), sa secrétaire intérimaire.

Autant dans la forme que dans le fond, le film conjugue dans sa structure toute l'ambition de Blier. L'utilisation du cinémascope lui donne un aspect à la fois classique et moderne. Trop belle pour toi joue à merveille avec une forme sobre, mais éclatée, déstructurant la narration sans pour autant aboutir au n'importe quoi, c’est-à-dire à un film de Jean-Luc Godard.  Il déstructure, mais reconstruit du sens. Toutes les formes narratives sont convoquées pour déstabiliser le spectateur sans le perdre quant au sujet. Il semble ne pas y avoir de narrateur proprement dit puisque les personnages sont à la fois pris dans le présent, le passé et le futur. Ils se parlent à eux-mêmes et commentent l'action, s'adressent au spectateur, se parlent comme s'ils racontaient leurs souvenirs par-delà le temps vécu, réfléchissent, se jugent les uns les autres, disent tout haut ce qu'ils ou que les autres pensent tout bas.

Il faut dire que les dialogues sont magistraux, comme rarement dans le cinéma français. Témoin cette réplique de Florence quand elle apprend que son mari la trompe avec une femme quelconque : « J’aimerais être moche comme elle. » Tout sonne juste et l’on se prend à être ému et à rire aux éclats devant tant de répliques fulgurantes. Le cinéaste n’a jamais été aussi grand.

Bertrand Blier entrechoque les époques, les dialogues, les personnages et parvient à une structure filmique aboutie et cohérente malgré son éparpillement et sa fragmentation. Le montage est tout aussi étourdissant, passant sans transition d’une époque à une autre, d’une situation à une autre comme celle où les amis réunis sont à la cérémonie de mariage. Sans crier gare, Colette est introduite au passage, venant d’un autre temps. Blier a toujours été un grand inventeur de ce style de récit moderne sans sombrer dans l'auteurisme contemporain, mêlant humour, dérision et sens du tragique. Dès qu'une situation menace de s'enliser dans le pathos, il la court-circuite par une dose d'humour, voire de trivialité ; dès qu'elle s'enfonce dans la gaudriole, il réinjecte de la sensibilité, du sérieux ou du drame. Ce mélange détonnant permet d'aborder toutes les situations existentielles qu'une telle histoire peut recéler.

Alors de quoi parle ce film, sans doute l’un des plus beaux sur la passion amoureuse ?

Très certainement du désir  mais pas de n’importe lequel. Bernard a tout : une belle femme, une bonne situation et des amis. Mais justement, il a trop. Et il s’ennuie. Blier renverse la situation trop connue de l’homme amoureux et qui tente de séduire une femme belle. Ici, il l’a déjà et c’est ce qui lui pèse.

spoiler: Dans la grande scène des rôles inversés, le dialogue avec Colette (devenue sa femme), Bernard contemple Françoise (devenue Colette) qui vient avec son téléphone chez eux pour dîner. « Peut-être qu’il la trouve trop belle. Enfin je veux dire trop sublime, trop idéale. À quoi veux-tu rêver quand tu vis avec une telle merveille ? T’as tout. Qu’est-ce qui te reste à espérer ? Rien. Mourir. » Dès lors, Bernard s’intéresse à Françoise : « J’aimerais vous connaître. » Ce à quoi, Françoise répond : « Ça veut dire quoi connaître une femme ? »


Question essentielle car on ne tombe pas réellement amoureux d’une femme parce qu’elle est belle mais parce qu’elle nous échappe grâce à son mystère et à sa séduction. À son ineffable singularité que nous ne pourrons jamais atteindre.  La beauté est justement trop évidente et banale, trop visible, au point d’être idéale et c’est ce qui la rend fade et commune. Mondaine. Encore moins si l’on prend homme ou femme et qu’il ou qu’elle n’est que notre clone. L’altérité, c’est ce que l’autre a et que je n’ai pas et il faut accepter cette perte fondatrice pour être et aimer.

Mais justement, ici, cette scène est révélatrice de ce que Bernard n’est jamais satisfait de son sort ou de son désir. Qu’une femme lui appartienne, il en désire une autre. Si l’on inverse la situation, c’est-à-dire s’il a cette autre femme tant désirée, il désire celle qu’il n’a plus ou pas comme le montre le film, fut-elle belle ou non. C'est le manque qui crée le désir et non le désir qui comble le manque. Bernard ne l’accepte pas. Il perdra tout.

La conception tragique de Blier concernant le désir joue donc sur l’acceptation de l’imperfection de l’être humain dans un choix amoureux. C’est le grand pari du film que de remettre du tragique dans l’amour loin de l’égoïsme contemporain qui tente de l’effacer. Vouloir une femme parfaite, du moins conforme aux canons d’une société ou qu’une classe sociale aisée véhicule risque d’être un cuisant échec d’autant plus sévère que l’illusion a été plus forte auparavant.

spoiler: .Le film aborde tous les registres de la relation amoureuse et sexuelle : sensuelle, triviale, sentimentale, intellectuelle. Blier étudie ainsi toutes les possibilités du manque et de mimétisme, et même de classe. Il réactive le rapport ancillaire (les servantes) qui peut jouer ici même si Bernard est plus fasciné par l’imperfection de Colette que par le fait qu’elle ne soit qu’une simple employée. C’est sans doute le comblement qui le taraude car comme il le disait plus haut, il n’y a plus rien à imaginer, rappelant la phrase de Proust : « Laissez les belles femmes aux hommes sans imagination ! »


spoiler: Bernard n’accepte pas ce qu’il a, même s’il obtient cette imparfaite femme, témoin cette scène quand Colette propose à Bernard de vivre quelques jours avec lui, ce dernier répond : « Je retourne au garage. » L’habitude le menace, l’éternel retour du même le terrifie.


C’est donc à un « éloge » de la femme de seconde zone que fait Blier, en la mettant en lumière derrière la femme idéale. Il épouse sa condition de subalterne, lui donnant une humilité, elle, la disgracieuse aux yeux des hommes et qui succombe devant l’amour, du moins devant le désir de l’homme, et qui, seul, lui donne la vraie grâce. Elle sait qu’elle n’a rien eu alors que Bernard ne le sait pas car il a tout eu. C’est ce que dit Colette, touchante : « T’es bien sûr de vouloir de moi sinon ce serait trop moche. Je suis en train de plonger. » La sensibilité de Blier est de donner voix aux femmes moins belles, aux femmes du peuple, aux « bonniches », témoin cette scène où Colette raconte à Françoise comment elle tente difficilement d’enclencher une relation amoureuse avec les hommes.

spoiler: La séquence où elle dit toute sa détresse est celle de la réception où elle raconte comment elle se glisse dans les beaux mariages : « On me prend pour une cousine, une parenté éloignée et je regarde la mariée. Je voudrais porter un toast pour vous souhaiter tout le bonheur, tout le bonheur que j’ai pas, que je connaîtrai jamais et j’en ai pas la force. Moi aussi, je peux être belle. C’est une beauté plus intérieure mais c’est une beauté qui en vaut une autre à qui s’est regardé.» Autre scène dans le bus quand Colette clame tout fort : « J’ai pas envie de rentrer chez moi ! » Et une femme lui répond : » Bon bah ça va, on a compris ! On est toutes dans le même cas ma petite vieille ! » L’art de faire dire tout haut la misère intérieure des femmes de peu. Et l’on disait Bertrand Blier misogyne !


spoiler: L’autre grande scène à cet égard est quand Florence rend visite dans la chambre d’hôtel à Colette, nue dans le lit, couverte par un drap blanc. Florence se demande comment a-t-elle fait pour attirer le regard de Bernard. Fascinée à la fois par cette femme banale, et humiliée que cette dernière ait pu être désirée par son mari alors qu’elle est nettement plus belle. Là est la fracture fondatrice. Elle qui était si sûre de son pouvoir sur les hommes comme elle le dit : « Tu ne sais même pas ce que c’est que de tourner la tête d’un homme ! Moi les hommes, je les ai tous à mes pieds. Bernard comme les autres ! Je claque dans les doigts, il arrive ! » Elle aussi a trop eu. Ce qui en dit long non seulement sur la rivalité entre femmes mais dans leur pouvoir hégémonique en général dans le domaine de la séduction. « Pourquoi vous êtes si belle ? » lui dira Colette. Pour se venger, Françoise couchera avec Marcello, l’ami garagiste de Bernard, un homme de la même condition que Colette. Mimétisme.


Inversement, dans une scène précédente, Colette se sentait humiliée d’être choisie par Bernard alors qu’il possède une belle femme. « La beauté ça matraque figure-toi ! » Ingénieuse scène qui dit la lancinante mélancolie de ces êtres qui n’ont pas été élus sur l’autel de la beauté mais qui seuls peuvent la vivre réellement. Inégalitaire nature.

Comme d’ailleurs, la finesse du cinéaste est de donner voix aussi à la musique de Schubert tout au long du film. Musicien plus sensible et esseulé, mort à 31 ans de la syphilis, malheureux en amour. Ce n’est bien sûr pas un hasard. Il s’agit d’un des personnages qui ponctue poétiquement toute la partition du film. Et jusqu’à la fin. Franz Schubert introduit la création artistique à l’image de Pascal (François Cluzet), écrivain raté, le mari de Colette. Mais pas seulement. Il réunifie tous les protagonistes, leur faille secrète, taraudés par le manque : Pascal on l’a dit, Colette pour son rejet hors de la séduction, Bernard hanté par cette musique secrète et sensible, et Françoise par ricochet qui voit tout son petit monde bourgeois basculer dans le cauchemar et le doute.

spoiler: Rarement un tel film a été intelligent et délicat sur ce sujet. Et drôle. Tous les repères valsent, toutes les voix sont convoquées pour raconter une banale histoire d’adultère en surface, mais originale par le décalage opéré. Le film en joue constamment, renforçant l’émotion au lieu de la prendre à la source (pas de naturalisme ici et nul romantisme) lorsque Colette annonce que Bernard va partir en douce au moment où elle fera les courses en vélo. Et c’est exactement ce qui se passe dans la scène d’après. Fatalité du destin qui rend cette histoire poignante, justement parce qu’on en connait l’inéluctable fin.


Mais les histoires d’amour finissent mal comme on sait. Et c’est parce qu’elles finissent mal qu’elles sont passionnantes à vivre. Là réside tout le tragique de la vie qu’il faut assumer coûte que coûte. Bernard se lasse quand il part quelques jours avec Colette à Béziers. Indécis une fois de plus. L’amour suppose l’humilité, non la vanité de soi.

spoiler: Le film est donc tragique à l’instar de la vie. Il n’y a pas de solution. L’amour est court mais l’oubli est long. Bernard s’enfuit en douce, retrouve sa femme et ses enfants ; celle-ci le quittera, meurtrie. Colette quitte Pascal, se marie avec un autre, se fait faire un enfant et boit de la bière pour oublier, loin du sud ! L’amour ne comble rien et rend éternellement mélancolique et insatisfait quand il a vraiment eu lieu. Il est cette blessure et cette fracture irréparables. On ne le répare pas comme on va chez le garagiste.

spoiler: Fin remarquable. Le film convoque les trois principaux personnages dans les bungalows en pleine nuit comme un retour sur le lieu du crime : l’apparition de Colette qui sort pour fumer et de Françoise qui s’en va en voiture, Bernard courant après l’une et après l’autre, se retrouvant seul. Comme tout le monde. « Elle m’a pris mon manteau ! » lâche-t-il d’un ton enfantin. Il s’en va et revient vers la caméra et lâche ce qui le taraudait depuis le début : « Vous me faites chier avec votre Schubert ! Y m’fait chier !»


Il ne reste donc qu’une seule chose : la petite musique de Schubert comme trace du tragique du monde et de l’amour.
0,5
Publiée le 21 juin 2020
Film prétentieux, vulgaire et malsain. On avait quitté la salle de cinéma après 30 mn quand j'avais été le voir plus jeune à sa sortie. Tout comme Combien tu m'aimes du même auteur, ce film retranscrit un univers où le cul est de mise, et où les acteurs semblent s'ennuyer, on dirait presque une improvisation parfois pour "rembourrer" le film. Le fond est tout aussi naze, à moins de se complaire dans des philosophies insignifiantes de petits bourgeois qui ne savent plus comment occuper leur vie. N'empêche que nous on s'ennuie ferme à observer leurs états d'âmes, et une histoire insipide autant que totalement vide de sens.
0,5
Publiée le 8 novembre 2016
Quand Blier se plante, en général il le fait bien ! Et Trop belle pour toi est indéniablement un plantage monumental pour le réalisateur qui livre un si ce n’est son plus catastrophique métrage !
C’est bien simple tout ou presque est raté ! L’histoire est un bazar monstrueux, prétentieux au possible, pompeux, indigeste, inutilement vulgaire, inutilement complexe, il n’y a pas d’émotion, pas d’humour, ce n’est même pas sexy, on s’ennuie royalement. Ce film de moins d’1 heure 30 m’a semblé durer le double tellement c’était lancinant et ennuyeux ! Qu’est-ce que Blier a voulu faire, c’est un bien grand mystère, mais visiblement la tentation auteurisante du réalisateur a ici atteint ses limites, et le produit fini est une catastrophe ambulante, et pas que sur le scénario, ce qui est triste ! Vous noterez aussi des dialogues surrécrits très (trop ?) souvent risibles, a fortiori car le film se prend terriblement au sérieux.
Les acteurs sauvent-ils la mise, ben, malgré leur talent qu’est-ce qu’ils peuvent faire dans une mare de ridicule ? Carole Bouquet est pour moi une déception ici, avec un jeu bien faible, un entrain peu perceptible, on dirait qu’elle est hors du film, et ce n’est pas bon signe. Depardieu n’est pas super à l’aise, mais son charisme, sa verve naturelle donnent des résultats, et il ne s’en tire pas si mal, tandis que Balasko est celle qui se montre la plus efficace. Pour moi c’est la seule vraie bonne surprise du film, le souci c’est qu’un l’instar des autres acteurs son personnage n’a aucun relief. C’était pourtant le plus intéressant.
Visuellement rien à signaler. Blier se montre minimaliste, se calquant finalement sur la construction de son scénario, et livrant une réalisation saccadée, décousue. Je ne sais pas ce qu’il lui a pris mais ici il n’insuffle rien à ses scènes, ni sensualité, ni émotion, sa mise en scène frôle le bâclage impersonnel. Dur à voir, et ce n’est pas une photographie et des décors bien quelconques qui sauveront quoi que ce soit. Quant à Schubert, c’est musicalement superbe évidemment, mais on sent tellement qu’il est là pour renforcer la prétention intellectuelle du film plus que l’histoire que c’est presque vomitif !
Pour ma part Trop belle pour toi est un navet franc du genou. Navet car à l’inverse de certains films réellement loupés, ce film rajoute cette détestable pompe auteurisante du genre « ceci est un film intelligent parce qu’il n’est pas conventionnel ». Ben désolé, mais avec moi ça ne prend pas.
5,0
Publiée le 22 août 2014
Voici sans doute l'un des plus beaux film réalisés par Bertrand Blier. La poésie est de chaque plan, de chaque cadre, de chaque réplique. Le film est construit comme pourrait l'être une partition musicale, en perpétuel mouvement. L'un des chefs d'oeuvres du cinéma.
5,0
Publiée le 30 juillet 2021
Mon film préféré de Blier, d'une construction parfaitement maîtrisée, mêlant allègrement la chronologie, mais aussi l'humour, le cynisme... à un romantisme tout à fait inattendu. Un romantisme à la Blier, un brin déjanté, magnifié par la musique de Schubert, quasiment un protagoniste du film.

On touche ici du doigt à l'essence de la passion amoureuse, inattendue, bousculant toutes les limites de la raison, celui qui exalte et blesse à la fois. « Le plus beau dans la vie, ce sont les conneries », pour citer une réplique du film. Magnifique, tout simplement!
5,0
Publiée le 5 décembre 2022
spoiler: Bertrand Blier adore secouer la vie de la bourgeoisie, la fissurer voire la casser, pour voir ce qu'il y a en dessous. Avec le prisme de l'amour (il y a ici une très belle histoire d'amour), du sexe et du rapport amoureux. Secouer des choses établies. Secouer des choses qui aliènent. Ici c'est Gérard Depardieu qui s'éprend de sa nouvelle secrétaire, Josiane Balasko. Il est d’abord perturbé. Puis il succombe. Puis il culpabilise. Puis il se perd. Sa femme elle, Carole Bouquet, n'entend pas se laisser faire. Le film contient de très belles scènes d'amour entre Gérard Depardieu et Josiane Balasko. Et le film dans son ensemble est de toute beauté. Les acteurs ont beau être connus, de grosses stars, le talent de Bertrand Blier est de nous faire croire à cette histoire, à ces déchirements. Bertrand Blier est un dialoguiste hors pair et le film est passionnant. Autre talent de Bertrand Blier, ce n'est jamais mièvre, et ne n'est jamais vu ailleurs, alors que l'intrigue n'est pas nouvelle, loin de là. Un film passionnant.
3,5
Publiée le 1 mars 2024
Une expérience à part... Blier montre une fois encore son génie et son imagination, dans ce film si particulier sur l'adultère. Le film est à l'image de la mise en scène, à l'envers et perturbant. A voir.
4,0
Publiée le 5 janvier 2018
Un film qui est vraiment d'une grande originalité. Les dialogues et les acteurs sont exceptionnels comme très souvent chez Blier.
anonyme
Un visiteur
0,5
Publiée le 16 octobre 2015
Complément nul ! Très long, histoire nulle et musique classique très lancinante ... Je ne suis pas faite pour les films qui ont dû à Cannes décidément. Pourtant au début j'étais très emballée par les acteurs supers
5,0
Publiée le 7 juillet 2020
« Trop belle pour toi » est une fulgurance. Un uppercut foudroyant et un vertige étourdissant. Jamais le cinéma de Blier n’aura atteint une telle intensité émotionnelle et un tel accomplissement formel. Plus que jamais, il fait preuve d’une audace, mais sans plus du tout se cacher derrière le masque du sarcasme. C’est une voix qu’il avait déjà creusé, de manière plus classique dans « La Femme de mon pote » et de manière plus douce, presque réservée, dans « Beau père », et bien sûr dans le troublant « Notre histoire ». Mais il parvient ici à un équilibre miraculeux entre la virtuosité de l’écriture (au delà du punch line, les dialogues sont d’une qualité littéraire incroyable), une totale liberté narrative (on pense souvent à Resnais) et un dispositif formel d’une totale pertinence. On appelle ça l’état de grâce.
Et ce dès les premiers instants, où Blier filme l’irreprésentable : le coup de foudre. Le dispositif de cette rencontre irrationnelle est d’une pureté admirable : Des vitres, une lumière sans âme, chacun dans sa cage, l’impersonnel et la normalité. Mais rien qui ne puisse frêner le mouvement mental de leurs pensées, de leurs élans, de leur lucidité en émoi. Que le film prend magnifiquement en charge par une construction qui mêle flash-forward, images mentales, souvenirs revisités, fantasmes et prescience. Le coup de foudre ici est irrémédiable. « Trop belle pour toi » expose tout cela en quelques minutes à une vitesse qui affole. Qui emporte. C’est un glissement éperdu, un éternellement basculement, celui de l’élan amoureux qui souffle tout sur son passage, la temporalité, la tranquillité des personnages, les règles de la narration, le vernis de la rationalité. Tout comme les personnages, le film en vibre de toute ses fibres. Et il ne s’agit pas d’une situation résultant de conditionnements mécaniques ni d’aucune nécessité narrative, mais d’une prédisposition profonde de l’être humain pour le merveilleux. Pessimiste agressif, Bertrand Blier ne nous avait pas habitué à ce merveilleux-là.
Après « Notre histoire », « Trop belle pour toi » pose aussi Blier comme grand cinéaste des femmes – ce qui n’est pas sans ironie vue le traitement qu’il réservait d’habitude à ses personnages féminins et qui avaient souvent la fonction de repoussoir ou d’ennemi. Ici, Carole Bouquet ou Josiane Balasko sont des personnages avec toute la richesse affective, cérébrale et sexuelle d’individus qui ont leur place dans la vie. C’est pourquoi dans le schéma de vaudeville qu’adopte le film, toutes les conventions explosent. Au-delà de toute rivalité la femme et la maîtresse se situent l’une par rapport à l’autre avec la belle assurance de la lucidité. Et pour la première fois, l’homme est vraiment mis à nu, dans le désarroi de sa condition ontologique. Après tout, seul et sans manteau dans un parking de motel, il est abandonné, mais cela lui interdit-il de vivre ? Elles sont trop belles pour lui ? Lui n’est-il pas beau ? Un homme qui voit tout à la fois la beauté radieuse de Josiane Balasko et ne se mésestime pas ne peut être condamné à la régression définitive dans un désespoir d’enfant perdu, comme c’était le cas jusqu’ici dans la filmographie du cinéaste. Il y a une grandeur d’âme chez l’homme, dans sa solitude, dans ses élans, dans son irrationalité, que le cinéaste assume pour la première fois sans sarcasme ni cynisme, avec la grâce de l’ineffable.
0,5
Publiée le 10 novembre 2020
je vais être dur mais j'ai trouvé ce film d'un ennui mortel.
je ne suis pas du tout entré dans l'univers de blier.
Film déroutant chiant
l'interprétation la plus touchante est celle de balasko
4,0
Publiée le 17 novembre 2023
Drame, écrit et réalisé par Bertrand Blier, Trop Belle Pour Toi est un joli film. L'histoire nous fait suivre Bernard Barthélémy, un chef d'entreprise qui dirige un garage, marié à une très belle femme. Pourtant, il va tomber amoureux de sa secrétaire intérimaire venant d'être engagée, au physique ordinaire. Cette relation va bouleverser sa vie. Ce scénario nous immerge dès ses premiers instants dans un récit onirique s'étalant sur une heure et demie. L'ambiance est très singulière, à l'image du montage nous baladant de façon non linéaire au cœur des différentes séquences. On suit avec passion ce triangle amoureux aussi doux que charnel, traitant de l'adultère, offrant des scènes marquantes. Tout cela est porté par une distribution comportant de grands noms comme Gérard Depardieu, Josiane Balasko, Carole Bouquet, François Cluzet, Roland Blanche ou encore Myriam Boyer. Tous ces rôles à fleur de peau entretiennent des relations profondes d'une grande sincérité et déclament de jolies phrases. On se retrouve totalement bercés par leurs voix susurrant des mots d'amour et exprimant leurs pensées oralement. L'ensemble est qualitativement réalisé par Bertrand Blier. Sa mise en scène comporte de belles idées, nous gratifiant de moments de grâce. D'autant plus que ce visuel est accompagné par une b.o. très présente mettant en avant les partitions tantôt délicates, tantôt puissantes de Franz Schubert, dont le récit joue à travers son propos. Ce dilemme romantique s'achève sur une fin satisfaisante, venant mettre un terme à Trop Belle Pour Toi, qui, en conclusion, est un long-métrage méritant d'être découvert pour sa sensibilité.
1,0
Publiée le 19 février 2021
Bertrand Blier est le Pedro Almodovar français cynique et choquant. Soit vous aimez soit vous détestez ses films (devinez dans quel catégorie je suis). Trop belle pour toi apparaît comme une exception dans son œuvre. Cela signifie que le goût de Blier pour la provocation est moins prononcé. Cependant cela ne rend pas le film meilleur pour autant. Il ne fonctionne pas pour plusieurs raisons tout d'abord il est difficile de suivre l'intrigue car Blier introduit des séquences qui sont antérieures ou postérieures aux scènes qui se passent. Par exemple on se rend compte trop tard que Colette ( Balasko ) après avoir quitté Bernard s'est mariée avec un homme et a eu des enfants. Le film ignore certaines séquences qui sont pourtant essentielles au développement de l'intrigue. Ensuite le film irrite par ses personnages principaux il va sans dire que les dialogues sont la clé du bon déroulement de l'intrigue. Mais ici vous avez l'impression que les personnages n'échangent pas leurs mots. Ils parlent dans le vide et ne semblent pas se soucier de l'opinion des autres. Ajoutons que le film crée parfois un certain ennui à cause de quelques séquences sans vie qui s'éternisent notamment lors des dîners dans la ravissante maison de Depardieu avec sa femme (Bouquet) et tous leurs invités. Bref c'est un film froid et sans âme et il m'a laissé insatisfait malgré les bonnes idées en cours de réalisation. Même un trio d'acteurs exceptionnels ne parvient pas à sauver ce film. Carole Bouquet a remporté un Oscar en France en 1990 pour sa performance dans ce film et c'est une bonne chose pour elle...
4,0
Publiée le 22 mars 2021
Si une femme était Schubert ?
« Pourquoi écoutes-tu cette musique?
-on l’étudie à l’école
-Mais moi elle me bouleverse cette musique....
Un récit en miettes, mais d’une grande profondeur, d’une sincérité et d’une émotion touchante.
Et si c’était la raison de l’amour expliqué en un film? Pourquoi on aime? Pourquoi on n'aime plus? Le film est fait de touches vibrantes d’amour fou et de raison lumineuse.
On aime et on explique.
C’est superbe.
2,0
Publiée le 24 juillet 2023
Blier explore cet obscur objet du désir à travers un mélodrame sentimental sombre et cruel mais contrasté, terni par un scénario trop fragmenté qui nuit à l’intérêt du récit, malgré quelques dialogues réjouissants, et le trio détonnant Balasko/Depardieu/Bouquet.
Les meilleurs films de tous les temps