J'ai mis très longtemps à découvrir "Les fraises sauvage"s de Bergman, ayant commencé par ses oeuvres antérieures, "La nuit des Forains", "Monika"," Rêves de femmes" - formidable aussi - et "Jeux d'été", peut-être mon préféré avec "La Source", film puissant. Mais j'aime aussi "A travers le miroir"," Le silence", "Persona" et bien sûr "Fanny et Alexandre". Cependant "Les fraises sauvages" possède une densité inégalée, une nostalgie bouleversante, qui nous le fait toujours revoir avec plaisir. Bergman a un art sans pareil pour décrire le temps qui passe, la vieillesse et la mort approchante, mais aussi les conflits familiaux, la vie, et les relations amoureuses. Peut-être est-ce l'un des films les plus universels de son auteur, celui dans lequel chacun peut y puiser une leçon de vie, une approche sensible des êtres, et un reflet à son propre miroir. De par la justesse du regard qu'il pose doucement sur les êtres, Bergman inspire le respect, et Les fraises sauvages tort le cou aux idées toutes faites et à ses détracteurs qui voudraient l'enfermer dans la case du cinéma d'auteur hermétique et inaccessible. Si l'écriture est le point fort de l'auteur du 7ème sceau, ce film n'en reste pas moins un modèle de mise en scène et de cinéma tout court, chaque plan étant conçu pour faire apparaître à la finalité une sorte de long travelling sur le parcours d'un homme aux confins de sa dernière saison. Profondément lucide, le film nous rappelle qu'une vie ne peut se satisfaire de son déroulement, sans y apporter de compréhension véritable.
On ne dira jamais assez à quel point Bergman a marqué le cinéma mondial, je ne connais pas d'autres cinéastes, à part Tarkovski peut-être, qui est allé si loin dans l'exploration intérieure de l'être humain. Son travail est unique à tous points de vue, et il est bon de le rappeler aussi souvent que possible.