Tout d’abord, il faut savoir que "L’aventure du Poséidon" ne repose pas sur une histoire vraie. Le film catastrophe connait son heure de gloire dans les années 70, mais il fallait se démarquer du naufrage du Titanic. Le dévolu est donc jeté sur le roman éponyme de Paul Gallico, lequel s’inspira de quelques frayeurs connues à bord du Queen Mary lors d’un voyage. C’est à partir de ces anicroches de traversée que l’écrivain imagina tout le reste. Ben oui, ça se saurait si un bâtiment de cette envergure avait connu une telle catastrophe, à plus forte raison la nuit de la Saint-Sylvestre ! Le fait est que le film est très bien construit, si bien construit qu’il a marqué les esprits au point de devenir un film culte. Pour cela nous avons un casting de choix, des gueules correspondant à la psychologie des personnages, des voix comme on n’en fait plus, et une construction de l’histoire comme si nous étions en temps réel. "L’aventure du Poséidon" entre tout de suite dans le vif du sujet, sans passer par la case quai d’embarquement : le paquebot vogue au beau milieu de la Méditerranée par un temps à ne pas mettre un matelot dehors. Le bâtiment est secoué dans tous les sens, et c’est d’ailleurs très bien mis en images puisque la caméra de Ronald Neame met en évidence les effets de la houle, jusque dans les cabines par un doux balancement. De quoi attraper le mal de mer si on y est sensible mais au moins, ça a le mérite de souligner le souci de réalisme. Et c’est justement ça qui caractérise ce film : le réalisme, malgré le vieillissement des effets visuels. Il ne faut cependant pas oublier que nous sommes en 1972, et que les techniques ont considérablement progressé depuis. Cependant le temps a été pris pour nous présenter les personnages les uns après les autres. Un beau panel de gens très différents, que ce soit au niveau du caractère, de leur condition, et même de leur âge. Des personnages tous très différents, mais qui vont se retrouver tous ensemble dans la même galère et s’unir pour la vie malgré quelques tensions inévitables. Gene Hackman (révérend Franck Scott) fait un sacré pasteur qui refuse de s’en remettre à Dieu pour vivre, Ernest Borgnine (Mike Rogo) fait une parfaite tête de mule, Red Buttons (James Martin) est la gentillesse incarnée, Shelley Winters (Belle Rosen) et Jack Albertson (Manny Rosen) font des vieux très attachants, Carol Linley (Nonnie) interprète à merveille la grande frousse qui la tenaille, Eric Shea (Robin) fait un parfait vilain garnement finalement pas si vilain que ça. Voilà pour les figures les plus emblématiques, auxquelles on pourra rajouter tout de même Leslie Nielsen dans la peau du commandant qui a fort à faire face aux directives seulement dictées par l’argent (déjà, à cette époque…) de Linarcos, interprété par Fred Sadoff qui a réussi à le rendre aussi antipathique que possible par son inflexibilité, notamment en ne lâchant pas le commandant d’une semelle comme s’il n’avait aucune confiance en lui. Ces deux derniers passent peu de temps à l’écran, mais déjà à eux deux ils instaurent par leur confrontation directe une espèce d’inquiétude qui vient planer sur les suites de cette traversée. C'est par la même occasion le premier moment fort du film. Seule Pamela Sue Martin (Susan) parait en retrait. A croire qu'il en fallait une. Les présentations faites, peut arriver la motivation première du scénario
: une énorme vague provoquée par un séisme sous-marin
. C’est évidemment le clou du spectaculaire du film : les cascades s’enchaînent les unes derrière les autres, pour certaines très périlleuses, ce qui amena quelques plaintes quant aux difficultés de tournage. Eh oui, les acteurs ont réalisé leurs propres cabrioles, exceptées les plus dangereuses. Evidemment, nous retrouvons tous nos personnages auparavant succinctement présentés dans un gruppetto qui va se lancer à corps perdus dans un périple à l’issue compromise. Mais il s’installe une espèce de logique qui fait que le spectateur ne peut qu’adhérer à l’histoire. Bien sûr, au jour d’aujourd’hui, tous ces personnages peuvent paraître clichés, ainsi que les « inévitables » pièges qu’il va leur falloir éviter. Cependant il n’y a pas vraiment d’acte de bravoure inconsidéré. Seul le courage est mis en avant, véritable moteur lancé par la motivation sans faille du révérend. Et on y adhère. Bien sûr, il y aura des conséquences, et l’histoire est aérée par quelques moments de répit, certaines offertes par la merveilleuse prévenance de James Martin, d’autres offertes par des moments de dramaturgie, et auxquelles il faut rajouter les facéties du « sale flic », ce véritable bougon de service qui dès le début du film nous fait sourire de ses furieuses fanfaronnades. Alors oui, "L’aventure du Poséidon" est un bon film, et ce malgré quelques scènes un petit peu maladroites
(la chute de Linda, le sacrifice du pasteur)
. Mais il est suffisamment bon pour, comme je le disais au tout début de mon laïus, avoir marqué les esprits. Ce film n’a finalement guère vieilli, pour peu qu’on ne tienne pas compte de l’évolution des effets spéciaux. Mais c’est aussi un plaisir de retrouver le charme suranné des bandes-son de l’époque. Nostalgie, quand tu nous tiens…