Premier western de Clint Eastwood en tant que réalisateur, L'Homme des hautes plaines mélange les genres. L'arrivée de son personnage marmoréen dans la ville de Lago évoque les westerns de Sergio Leone avec qui il a tourné de 1964 à 1966 les trois films légendaires qui composent la fameuse "trilogie des dollars" qui l'a révélé au public. Eastwood y perpétue la magie cinéphilique associée à son personnage d'"homme sans nom" en prenant ainsi le nom d'"Etranger" .
De retour d'Italie, Clint Eastwood rend hommage à l'univers Léonien tout en prenant distance avec cet héritage. Par la facture générale de sa mise en scène et les thèmes développés dans son scénario ( par Ernest Tidyman et Dean Riesner, bien que ce dernier ne soit pas crédité au générique), le film est d'avantage à rattacher à des westerns plus hollywoodiens, mais par ailleurs tout aussi anti-conformistes. La description de la ville collectivement lâche évoque ainsi Le Train sifflera trois fois de même que le thème du pacificateur indispensable mais devenant gênant pour ceux qui l'ont engagé apparente le film d'Eastwood à L'Homme aux colts d'or. Pour autant, l'ensemble porte surtout la marque singulière d'Eastwood et de ses obsessions, apparentant ce premier western à un film fantastique.
Après le triomphe international remporté par Le Bon, la brute et le truand, Clint Eastwood devenu définitivement un acteur de premier plan fonde en 1968 sa propre maison de production " Malpaso " avant de se lancer également dans la réalisation. La première production sous le label "Malpaso" sera d'ailleurs un western, Pendez-les haut et court dont il confiera la réalisation à Ted Post ( qui le dirigera d'ailleurs à nouveau dans Magnum Force). Premier western, L'Homme des hautes plaines est aussi son deuxième film, après Un frisson dans la nuit réalisé en 1971 et si l'on excepte une scène tournée pour L'Inspecteur Harry où Eastwood avait remplacé Don Siegel au pied levé. Avec seulement 7 millions de dollars de recettes sur le sol américain et un peu plus de 700 000 entrées en France, ce premier western est un modeste succès qui suit de peu le fiasco de La Kermesse de l'Ouest, détournant alors Eastwood du genre. Pour un temps seulement, puisqu'après quelques polars, il y reviendra quatre ans plus tard avec Josey Wales hors la loi suivi de peu par Pale Rider, avant de remporter enfin un triomphe international couronné par quatre oscars avec Impitoyable.
Premier des quatre westerns que Clint Eastwood réalise, L'Homme des hautes plaines rassemble déjà tous les thèmes développés ultérieurement par le cinéaste, notamment celui de la vengeance, qui sera au coeur de Josey Wales hors la loi et d' Impitoyable. De même, son personnage de l'Etranger préfigure celui du pasteur de Pale Rider. Ne pouvant pardonner la médiocrité et la veulerie des habitants de Lago, l'Etranger les force à repeindre leur ville en rouge et nomme leur souffre-douleur habituel, un nain, comme maire et shérif, autant d'images fortes qui confèrent au film une dimension à la fois crépusculaire et fantastique.
Le Marshall Duncan martyrisé par la bande de Geoffrey Lewis est incarné par Buddy van Horn, futur réalisateur de Ça va cogner avec également au casting Clint Eastwood et Geoffrey Lewis.
Frère du shérif Duncan, venu pour punir ses assassins ou ange exterminateur prêt à faire régner la justice? Clint Eastwood a préféré laisser le mystère entier. Contrairement à la version originale, où le personnage de l'Etranger désigne la tombe du shérif comme la sienne, la version française laisse plutôt croire que l'Etranger serait bien plutôt le propre frère du shérif Duncan.