Je n'aime pas J. Lee Thomson comme réalisateur. Dans "l'or du Sheriff Mc Kena", dans "la bataille de la planète des singes" dans "les mines du Roi Salomon" avec Richard Chamberlain, il part toujours en roues libres sans maîtriser quoi que ce soit ... Ni les acteurs qu'il dirige et qui sont pourtant toujours des pointures, ni le montage, ni les effets spéciaux ... Que s'est-il passé pour "les canons de Navarone" ? A-il laissé le fauteuil de metteur en scène à la fille de son jardinier cinéphile ou bien fut-il frappé de la grâce divine ? Ce chef-d’œuvre, pour ceux qui connaissent les tactiques de la guerre par commandos, est le meilleur film du genre jamais tourné. Depuis la technique d'approche de l'île, en passant par le retard qu'inflige Antony Quinn aux poursuivants Allemands avec son fusil entouré d'un drap blanc afin de le dissimuler dans la neige, jusqu'à la diversion finale permettant d'atteindre la forteresse vidée de sa garnison, tout est parfaitement plausible. La question du point jusqu'où on peut aller en matière de guerre sans sombrer dans la Barbarie est cruellement posée et toujours d'actualité. Il faut se replacer dans le contexte exact de cet exploit. En 1943, contrairement à ce qui est raconté dans le néanmoins magnifique préambule, les Britanniques veulent "occuper" littéralement la Mer Égée, non seulement pour y vaincre les Nazis, mais surtout, pour y contrôler les partisans Grecs regroupant diverses tendances politiques et, majoritairement, des communistes pourtant très modérés. Le grand frère Américain ne les suit pas, De Gaulle attend la libération de l'Afrique du Nord et ne souhaite pas imposer une administration alliée au peuple Hélène qui s'est si vaillamment battu contre les Italiens d'abord et les allemands ensuite. Les Anglais s'engagent seuls et prennent alors volées sur volées dans ce secteur de la méditerranée. Leur entêtement risque de retarder l'échéance de la Guerre et d'épuiser leurs forces militaires. Quand ils découvrent la surestimation de leur capacité, plusieurs bataillons et régiments de l'armée Britannique sont encerclés par l'ennemi et risquent de se faire massacrer. Des îles sont inaccessibles à la marine de guerre car leurs chenaux d'abordage sont gardés par de puissants canons infaillibles. Pas nécessairement les monstres sur rail présentés dans le film mais, tout de même, des tubes de 100 à 180 mm. Les DCA de 88 qui protègent ces batteries sont inapprochables pour les rares bombardiers Lancaster postés en Cyrénaïque sous le contrôle allié. Dans l'histoire réelle, ce sont des commandos d'hommes courageux et durement entraînés qui vont parvenir à détruire de nombreuses plates-formes de canons et autoriser le rapatriement d'une majorité de soldats Anglais dans des zones plus sécurisées. "Les cannons de Navarone" s'inspirent de cette réalité. Je hais particulièrement une scène, puisqu'elle est digne du "jemenfoutisme" de J. Lee Thomson et entache gravement la qualité de ce film increvable. Dans les premières minutes du métrage, un bombardier se crashe sur la piste d’atterrissage. On voit visiblement qu'il s'agit d'une maquette tandis qu'un autre avion en l'air, lui, ne bouge pas d'un millimètre. Pourquoi personne n'a appelé Georges Pal pour sauver cela ? Il faudrait virer cette séquence et la refaire numériquement durant une prochaine restauration. Pour le reste du film, c'est littéralement formidable, rien est à jeter. Tout est réussi, bien choisi et bien filmé (d'où mon doute explicable sur le véritable réalisateur). Les images sont dignes de John Sturge et la narration de John Ford. Grégory Peck, Anthony Quinn, David Niven, Anthony Quayle et Irène Papas perforent l'écran à chaque minute. Pas de temps mort entre l'action et les moments de tension intense. Un suspens rebondissant jusqu'au bout, sans invraisemblance. Des morceaux de bravoure sans précédents, l'escalade de la falaise, le minage des canons. La reconstitution de ces derniers qui d'ailleurs existent toujours en Corse. Tout ! Jusqu'à la BO du célèbre Tiomkins, "High Noon", "Rio Bravo", "Alamo" et bien d'autres, est extraordinaire.
C'est un chef-d’œuvre intemporel !