René Fallet voit son roman "Les vieux de la vieille" adapté au grand écran à peine deux ans après avoir été publié par les Editions Denoël. L’adaptation est signée par l’auteur lui-même, en partenariat avec Gilles Grangier (qui se sera chargé de la réalisation) et l’inénarrable Michel Audiard. Le roman fait état de trois personnages principaux, lesquels vont être interprétés par Jean Gabin, Noël-Noël, et Pierre Fresnay, se partageant ainsi la tête de l’affiche. Eh bien moi je dis qu’il y a un quatrième personnage principal. D’ailleurs il figure en grosses lettres sur le bas de l’affiche à la manière d’une pancarte un peu bancale : il s’agit du célébrissime dialoguiste Michel Audiard qui, sur cette production, atteint le sommet de son art. Outre l’interprétation impeccable des trois compères qui ont en point commun la malice aux airs d’éternelle jeunesse et pour le coup exacerbée par le refus de vieillir d’une part, et par un goût prononcé envers la bouteille d’autre part, les dialogues fusent de toutes parts. Ça ne s’arrête jamais, bien des répliques me sont restées en tête de façon durable mais je les tairai afin de vous laisser les découvrir. La liste serait de toute façon bien trop longue tant les répliques cultes foisonnent. Voilà les forces du film de Gilles Grangier : la qualité de jeu des comédiens principaux (c’est vrai quoi : ils sont vieux mais refusent de l’admettre, ils sont querelleurs, insolents, farceurs, moqueurs, et en plus roublards, bref pire que des sales gosses) et les dialogues particulièrement truculents. Michel Audiard, en grand artiste des mots, a réussi la prouesse de mêler le langage campagnard, tout y en intégrant à la fois un peu d’argot et de patois, et du vocabulaire cher à nos anciens avec des expressions typiques de l'époque, tout en n’omettant pas de rendre par moments les dialogues tantôt quasi inaudibles, tantôt franchouillards. Par-dessus le marché, bon nombre de métaphores ont été utilisées, rendant certaines répliques carrément désopilantes auxquelles a accédé ma fille de 16 ans, désireuse de voir ce film dans son intégralité. Et pourtant, point de vue scénario, qu’est-ce qu’on a ? Deux anciens du village attendent le retour au pays d’un vieux copain récemment mis à la retraite. Ils mènent grand tapage au rythme sonnant et trébuchant des chopines qu’ils s’appliquent à vider, tout en débattant sur le désir curieux révélé par leur ami Baptiste Talon d’aller couler des jours heureux à l’hospice chez les bonnes sœurs. Finalement, après quelques menus incidents, ils décident de le suivre. S’ensuit un voyage épique. Autrement dit, nous n’avons pas grand-chose à nous mettre sous la dent. D’accord le scénario est réduit à sa plus simple expression. Il faut savoir que "Les vieux de la vieille" n’est pas un film comme les autres. D’ailleurs ce n’est pas un film, mais une farce et c'est aussi pour ça que le titre lui va bien. Et le spectateur n’est pas pris en traître puisque c’est marqué dans le générique de début : "Une farce réalisée par Gilles Grangier". Une farce qui dure 1h30, bien accompagnée par la musique de Francis Lemarque et Paul Durand, que je qualifierai comme étant particulièrement dans le ton de cette ambiance école buissonnière facétieuse. Les 90 minutes ne sont que pur bonheur pour notre esprit et sources de travail pour les zygomatiques. En somme, que ce soit seul ou en famille, après une journée de boulot ou en vacances, vous êtes assurés de prendre votre quota de rire.