Un chef-d'oeuvre ! Une claque.
Comment décrire l'horreur qu'a vécue une enfant d'à peine 12 ans dans sa chair, dans sa psychologie, jusqu'à son âme aux mains de ses bourreaux djihadistes qui ont commis l'impardonnable ?
Quels mots pouvons-nous mettre ? Quelle réaction pouvons-nous avoir pour essayer d'apporter un début de réponse ? Quelle vie peut avoir une enfant après avoir vécu l'invivable ?
Ce sont des questions que posent le film à travers l'interprétation magistrale de Mélissa Boros et une mise en scène à couper le souffle.
Le Silence de Sibel est un film remarquablement intelligent parce qu'il pose un contraste subtil entre la beauté et l'horreur.
La beauté est omniprésente dans le film : les décors sont somptueux, la ville d'Uzerche petite bourgade paisible en plein milieu de la France qui mène un train de vie agréable offre un cadre idéal pour une vie au calme, les habitants sont avenants, la maison qu'habite Hana est spacieuse et ne manque de rien, l'amour maternel qu'offre Hana à Sibel est sans limites, l'accès à l'éducation est gratuit, le cadre est presque paradisiaque.
Et à la fois l'horreur est sous-jacente : les flashbacks réguliers à la scène atroce de la mise à mort de la famille de Sibel sous ses yeux, les cauchemars qui n'en finissent pas, les fantômes des morts, les gestes et paroles des uns et des autres qui sont autant de coups portés à la psychologie si fragile de Sibel nous font comprendre que cette jeune fille vit dans l'horreur permanente malgré le cadre idyllique où elle se trouve.
Sibel est une victime de la guerre et du fascisme. Ce cancer qui broie et qui détruit tout sur son passage, surtout les femmes et surtout les filles. Malgré tout l'amour qu'essaye de lui apporter sa mère adoptive, il n'y a rien à y faire. Le mal est déjà fait.
Le film montre également une société occidentale (française en l'occurrence) qui est complètement incapable de s'imaginer les atrocités commises sur cette jeune enfant. Le Silence de Sibel, c'est aussi le silence de la société française : celle qui n'est pas alertée, insouciante et ignorante de ce qui se passe dans le monde et incapable de proposer une solution, une réponse, un moyen d'aider cette enfant.
Entre l'assistance sociale qui est complètement impuissante, le compagnon d'Hana qui pense que tout cela est exagéré, les médecins qui ne sont pas alertés par l'état de santé mentale de Sibel, personne n'est en mesure de comprendre l'horreur. Sibel est seule dans son calvaire. Abimée et déchirée pour toujours, son mutisme, tellement son trauma est indescriptible, est sa seule défense.
Le tout est raconté à travers une mise en scène absolument remarquable : plans extrêmement bien travaillés, des références et les métaphores subtiles, un rythme lent et posé qui accentue le jeu de Mélissa Boros absolument époustouflante dans son rôle, une musique qui n'est pas omniprésente mais qui au contraire intervient quand il faut, aucune scène n'est là par hasard.
Un film poignant, courageux, intelligent, poétique et surtout humaniste. Un grand bravo !
Et une pensée pour toutes les victimes.